Les femmes et la politique : Les femmes et la politique : Après-vous Madame!
La vice-présidente du Conseil de la Ville de Montréal et ex-députée péquiste Elsie Lefebvre contribue à notre nouvel espace de réflexion avec un texte portant sur la place des femmes en politique.
J’aime que l’on me tienne la porte en guise de galanterie, mais accepterais-je que l’on témoigne de la même courtoisie afin de me garantir un siège comme élue, strictement parce que je suis une femme? L’idée de garantir que 50 % des sièges soient réservés à des femmes suscite de nombreux débats au sein même de ceux et celles qui cherchent à résoudre le problème important de la sous-représentation des femmes en politique.
Si le Canada fait piètre figure en n’ayant jamais fait élire plus de 22 % de femmes à la Chambre des communes, le Québec, par son Assemblée nationale, se situe dans les premiers de classe à l’échelle mondiale en plus d’être la première administration canadienne à avoir dépassé, dès 2003, le seuil critique de 30 % établi par l’ONU. Nous pouvons donc nous consoler, mais nous pouvons aussi retrousser nos manches et faire nettement mieux.
En 2005, alors que j’étais députée à l’Assemblée nationale, j’ai eu le privilège de siéger à la commission parlementaire portant sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Au chapitre de la représentation politique, un consensus clair s’est dégagé sur le fait que grâce aux luttes passées de femmes engagées et déterminées, les obstacles réglementaires à l’accessibilité des femmes à la vie politique et démocratique sont tombés. Pourtant, force est de constater que même si la voie est libre grâce à cette égalité de droit, l’égalité de fait est loin d’être acquise.
Mais pourquoi donc cette sous-représentation alors que des femmes ayant réussi en politique active, les Pauline Marois, Claire Kirkland-Casgrain, Lise Payette, Louise Harel, Line Beauchamps, Andrée Boucher, Nathalie Normandeau, Caroline St-Hilaire pour ne nommer que celles-là, nous permettent de visualiser le possible et nous montrent que les femmes réussissent à rayonner en apportant une couleur particulière? Le dernier ouvrage de Pascale Navarro, Les femmes en politique changent-elles le monde?, offre en ce sens un éclairage nouveau et riche sur la contribution des femmes à la vie politique.
Pourquoi ce surplace alors que dans d’autres sphères la présence des femmes semble progresser? Au niveau du travail, même des secteurs autrefois caractérisés par une forte présence masculine comme le droit, la médecine ou l’ingénierie voient le nombre de femmes croître rapidement. Le phénomène s’observe également dans nos universités. Et que dire, de l’information et du divertissement au féminin avec les Sophie Thibault, Marie-France Bazzo, Denise Bombardier, Josée Legault, Céline Galipeau, Emmanuelle Latraverse, Julie Schneider, Véronique Cloutier…
Selon moi, bien qu’il y ait une multitude de raisons bien documentées qui expliquent la sous-représentation, c’est l’étape cruciale et déterminante de l’ « élection » qui est la principale cause, en 2010, de l’éloignement des femmes du pouvoir politique. L’ « élection » au sein d’un comité ou d’un exécutif de parti, l’« élection » que l’on doit affronter afin d’obtenir une investiture et celle que l’on doit gagner pour devenir représentante du peuple, voilà ce qui freine la plus compétente et engagée des femmes. Parce qu’elle est imprévisible et hors d’un contrôle absolu, voire intangible, l’« élection » est une épreuve en soi. C’est quitte ou double, on perd ou on gagne, il n’y a pas de juste milieu. Cela se déroule dans la sphère publique où la critique et le commentaire galvanisent ou déstabilisent. On peut étudier finement les dossiers, planifier dans les moindres détails la bataille, travailler d’arrache-pied sur le terrain, convaincre avec passion, mais tout ce travail n’est pas nécessairement un gage de succès comme dans la majorité des milieux. Une « élection » comporte une grande part d’incertitudes et de risques générant une angoisse ainsi qu’une peur de l’échec ou du rejet qui serait, d’expérience, plus difficile à assumer chez un grand nombre de femmes. Alors que faire dans ce contexte? Légiférer pour atteindre la parité?
Bien que l’idée de favoriser des quotas ne soit pas saugrenue (22 des 25 pays performant le mieux à l’échelle mondiale ont opté pour une formule plus ou moins contraignante de quotas), il m’apparaît qu’elle n’est pas idéale pour le moment ici au Québec. C’est une option qui garantirait que la porte visant l’atteinte de l’égalité de fait s’ouvrirait, mais à quel prix? Celui du doute, du préjugé, du commentaire désobligeant? Comment s’assurer que cela se fera dans le respect et la reconnaissance? Enfin, c’est une réponse qui ne permet pas d’outiller les femmes contre la hantise électorale ou les difficultés de concilier famille-travail qu’elles devront affronter tôt ou tard.
Par ailleurs, le Québec, sans mécanismes de quotas, performe relativement bien et il est permis de croire que la situation ira en s’améliorant si l’on réussit à démystifier, voire améliorer le milieu de travail de l’élu. Comment jongler avec le parti, le Parlement, la circonscription, l’opposition, le financement, les militants, les citoyens, collègues, fonctionnaires, organismes…? En ce sens, le travail des groupes de sensibilisation et de mentorats visant les femmes doit être encouragé. De plus, la capacité de concevoir une conciliation famille-travail relativement saine doit subsister pour favoriser la venue d’une nouvelle génération de femmes et d’hommes pour qui cet équilibre est de plus en plus important. Il faut aménager des horaires qui permettent de maximiser le temps avec les enfants, concevoir des haltes-garderies, favoriser la présence des enfants et conjoints lors de congrès, rassemblements, etc. En outre, les partis politiques ont aussi le devoir de travailler à l’émergence de femmes de talents en multipliant les opportunités pour elles de se faire valoir, d’accroître leur réseau, etc. Tout cela les outillera pour les étapes subséquentes.
Chaque femme doit donc croire en elle et prendre sa place. Faire de la politique, c’est viser les hauts lieux du pouvoir afin d’influencer le processus décisionnel. Les femmes doivent assumer que ces places sont convoitées et que le chemin, comme pour un homme, sera parsemé d’embuches, que les idées et les personnes qui les véhiculent seront scrutées à la loupe avant de faire consensus ou être rejetées. Les femmes doivent aussi accepter qu’elles ne puissent pas tout contrôler et qu’un échec en politique ne doive pas être perçu comme un strict échec personnel puisqu’il est lié à une multitude de facteurs externes sur lesquels le candidat n’a pas nécessairement d’emprise. Il faut aussi penser que plusieurs essais sont parfois nécessaires, Louise Beaudoin, Denis Coderre, Daniel Turp, Maka Kotto, Bernard Landry, Robert Bourassa, René Lévesque, Pauline Marois ont tous mordu la poussière au moins une fois…
Devrons-nous attendre longtemps avant de voguer vers la parité? Devrons-nous attendre longtemps avant de faire élire notre Angela Merkel, Michelle Bachelet ou Dilma Rousseff ? Parions que non!
Ce qui est encore effroyable au Québec,comme dans d’autres pays du G8,qui sont des pays démocratiques,nous faisons le constat d’un machisme, dans les hautes sphères politiques qui barre, systématiquement, l’accès des femmes au pouvoir,comme vous le dites si bien, pouvoir décisionnel… l’Allemagne est une exception à la règle générale. Alors, que dans beaucoup de pays d’Amérique latine, pays générallement totalitaires et non démocratiques, l’accès au pouvoir est facilité pour les femmes. Par exemple, une nouvelle femme Présidente au Brésil… Cet constat d’aberration est insoutenable pour nos soit-disantes démocraties.. juste une apparence pour laisser croire que les femmes sont libres de faire de la politique.. Le féminisme n’est loin d’être achevé au Québec….Le Québec est encore profondément imprégné de relents d’un christianisme dépassé…
Ce que je m’explique mal, c’est l’absence de femmes au palier municipal (moins de 15% au Québec). C’est pourtant de la politique à échelle humaine, pas très loin de chez soi, et qui permet de continuer à avoir une vie pas trop folle (j’ai travaillé pour une députée au fédéral, et je ne souhaite ce genre de vie à personne!).
Peut-être les conseils municipaux sont-ils encore des chasses gardées masculines?
Même en 2010 la politique c’est un club de gars. Au Parlement canadien à Ottawa où j’ai travaillé pendant 35 ans il n’y a qu’environ 22% de femmes députées. Ceci s’explique en partie parce qu’il est difficile pour une femme de concilier travail et bébés loin de son comté dans un si grand pays et que les femmes sont souvent moins indépendantes financièrement. Comme celles qui sont élues disent souvent qu’il est très difficile de faire avancer un dossier ou de sentir qu’on est prise au sérieux quand on occupe peu de places. C’est un genre de cercle vicieux.