Michel Brûlé à la mairie de Montréal? : Michel Brûlé à la mairie de Montréal? : Montréal espagnol
Je pense que

Michel Brûlé à la mairie de Montréal? : Michel Brûlé à la mairie de Montréal? : Montréal espagnol

L’auteur, éditeur et polémiste Michel Brûlé, qui annonçait récemment son intention de briguer la mairie de Montréal, partage avec nous l’un de ses nombreux (le mot est faible) projets pour la métropole.

Non seulement l’espagnol est la langue la plus parlée en Amérique, mais c’est aussi la deuxième langue la plus parlée au monde, derrière le mandarin. Par ailleurs, l’espagnol est la langue dominante en Floride (l’État préféré des Québécois), en Californie et dans d’autres États du sud des États-Unis qui appartenaient jadis au Mexique. Les hispanophones seraient 50 millions aux États-Unis. L’espagnol est la langue de l’avenir. Plus on connaît les gens qui parlent cette langue, plus on trouve qu’ils nous ressemblent. Ils ont cette joie de vivre qu’on a perdue il n’y a pas si longtemps. Moi, je me souviens du temps où mes compatriotes étaient des gens festifs, mais nos jeunes savent-ils que l’on n’a pas toujours été individualistes et pantouflards? En tout cas, le contact avec des Sud-Américains est une bouffée d’air frais.

Nous, Québécois, partageons aussi des similitudes avec les Sud-Américains sur le plan historique. À l’école, j’ai appris que les conquistadors espagnols s’étaient comportés de façon complètement barbare avec les Amérindiens; ce que l’on ne nous a pas appris, toutefois, c’est que les Anglais ont été mille fois pires avec eux. «Un bon Indien est un Indien mort», c’est le credo qui a façonné les États-Unis jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Même le «grand» président américain Theodore Roosevelt a encouragé par ses discours l’achèvement du génocide amérindien. Dans tous les pays sud-américains (sauf en Argentine), la culture amérindienne est présente, voire omniprésente. Au Mexique, la symbiose entre les cultures espagnole et amérindienne a forgé l’identité nationale. Au Canada et aux États-Unis – tout comme en Australie avec les aborigènes –, la culture anglaise a tout avalé; les cultures amérindiennes ne jouent plus aucun rôle dans l’identité canadienne, par exemple.

Les Québécois ont eu raison de tourner le dos à l’Église. En plus de collaborer avec le conquérant, nos ecclésiastiques ont renié notre alliance avec nos frères amérindiens. Sans eux, nous n’aurions pas pu nous développer en Amérique du Nord. Nous leur devions presque tout et nous les avons laissé tomber. Deux de mes arrière-grands-mères sont Amérindiennes, mais leur origine a été occultée par les curés. N’eût été l’action révisionniste de notre clergé, nous pourrions prouver aujourd’hui que plus de 70 % des Québécois ont des origines amérindiennes.

Dans plusieurs pays sud-américains, la proportion de métis est encore plus élevée qu’au Québec. Comme vous le voyez, notre passé et nos luttes se ressemblent et nos destins devraient être communs. Ils sont toujours dominés par les Espagnols et les États-Uniens. Nous sommes sous le joug des Canadiens anglais, des États-Uniens et même des Français. C’est vrai, en tout cas, dans l’industrie du livre.

À cause de ces affinités et de l’importance de la culture hispanophone en Amérique, je pense que Montréal se doit de rendre hommage aux Latino-Américains en aménageant la Place-des-Amériques en lieu et place du parc Laurier. Ce nouveau carrefour, reproduisant certains éléments des plus grandes places sud-américaines, deviendrait le lieu de rencontre de tous les Sud-Américains en Amérique du Nord.

Oui, Montréal veut que les Sud-Américains se sentent chez eux chez nous. Et Dieu sait qu’ils ne se sentent pas chez eux aux États-Unis. J’ai comme exemple le cas de cette Mexicaine qui vit maintenant à Montréal. Après avoir passé huit ans aux États-Unis, on l’a expulsée du pays après avoir confisqué son salon de beauté et sa voiture, parce que son permis de travail était échu et qu’on n’a pas voulu lui donner la citoyenneté états-unienne.

Aux États-Unis, il y a deux fois plus de Canadiens français qu’au Québec, mais à force de se faire dire «Speak white!», ils ont capitulé. Ces Canadiens français, qui ont pourtant exploré ou découvert avant les Anglais tous les États américains (sauf l’Alaska et Hawaï), n’ont pas eu de reconnaissance et ils se sont fait «avaler» par la culture états-unienne. À ce sujet, il faut lire la lettre que le président Franklin D. Roosevelt a envoyée au premier ministre canadien Mackenzie King, qui est reproduite dans Le livre noir du Canada anglais 1 de Normand Lester. Les Américains ont freiné notre reconquête du territoire perdu; les hispanophones réussiront où l’on a échoué. Il faut se réjouir de leur succès, parce que leur développement ne peut qu’aider notre cause et l’avancement du français en Amérique.