Semaine nationale de prévention du suicide : Semaine nationale de prévention du suicide : Pour tous les Vinzo du monde, garçons ou filles…
Je pense que

Semaine nationale de prévention du suicide : Semaine nationale de prévention du suicide : Pour tous les Vinzo du monde, garçons ou filles…

En cette 21e Semaine nationale de prévention du suicide, nous donnons la parole à un ancien collaborateur de Voir, Éric Godin, touché de près, très près, par le fléau.

Trois. Un chiffre qui me frappe. Me happe et me donne le vertige. Me saisit à la gorge et m’étouffe. Un chiffre énorme. Gigantesque.

Trois morts par jour. Trois personnes qui s’enlèvent la vie tous les jours au Québec. Dont un jeune. Un jeune comme mon fils Vincent qui s’est enlevé la vie le 14 décembre 2009 à l’âge de 16 ans.

Pour que mon fils ne soit jamais qu’un chiffre parmi les statistiques, j’ai décidé de prendre la parole. De mettre un nom et un visage sur ce drame et de le rendre public. À l’invitation de mon ami Zïlon, j’ai écrit une lettre à mon fils suicidé et nous avons conçu ensemble le projet interactif Lettre à Vincent, produit par l’ONF et que vous pouvez visionner sur le site www.onf.ca/lettreavincent ou via le site www.vincentgodin.com. Nous voulons, avec cette création, sensibiliser les gens à la problématique du suicide, sujet encore tabou dans notre société. Il est urgent de briser le mur du silence qui entoure ce fléau, car il y a des vies à sauver.

Mais quelle société peut accepter l’inacceptable? Quelle société peut accepter la mort de trois personnes par jour? Quelle société peut garder le silence face à cette situation?

La mienne.

Ça suffit!

Je pourrais écrire des pages sur les failles de notre système de santé. Sur la maladie mentale qui est le parent pauvre de ce dernier. Souligner le manque de services et d’encadrement, de suivi, et les délais inacceptables pour avoir accès à des spécialistes malgré l’urgence d’agir pour des personnes souffrantes qui sont en danger de mort. Dénoncer le manque de soutien à leurs proches qui vivent une détresse tout en se sentant complètement démunis.

Je pourrais dénoncer, mais je préfère partager. Souhaiter plus d’ouverture, d’empathie et de respect pour toutes ces personnes qui souffrent. Qu’on ne les juge pas et qu’on ne les condamne pas. Qu’on les écoute et leur fournisse les services nécessaires pour leur venir en aide. Qu’on prenne le temps d’écouter un jeune qui est convaincu qu’il n’y a pas d’issue possible à sa souffrance quand, au contraire, il y en a. Parler pour que toutes ces personnes se sentent moins seules. Que l’on prenne au sérieux un jeune qui souffre de dépression, d’anxiété, de bipolarité ou de n’importe quelle autre maladie mentale. Cette maladie mentale qu’on ne veut pas voir. Que nous cachons souvent au bout de longs couloirs en forme de labyrinthes dans lesquels les malades et les futurs survivants se perdent, faute de guides et de suivi. La collectivité a l’esprit en paix, car elle ne voit pas tout cela. Il est temps d’ouvrir les yeux.

Je souhaite que nous ayons assez de maturité, en tant que société, pour amorcer dès maintenant une réflexion nationale sur le suicide. Que nous prenions la parole et que nous soyons proactifs, en cherchant ensemble des solutions pour que cesse cette hécatombe. Le silence tue, tout comme l’indifférence. Ce n’est pas en se mettant la tête dans le sable que nous sauverons des vies. Ce n’est pas en regardant ailleurs que le problème disparaîtra. C’est en nous parlant et en écoutant que nous pourrons agir et sauver des vies.

C’est en nous regardant dans le blanc des yeux et en nous demandant si nous n’avons pas un problème de valeurs fondamentales, pour que trois personnes s’enlèvent la vie chaque jour au Québec. Ne pas agir, c’est se rendre coupable de non-assistance à personne en danger. Nous sommes tous responsables. Il faut agir maintenant. Le suicide est une option inacceptable. Inacceptable.

P.-S. À la mémoire de mon fils Vincent, de son esprit critique et de son intérêt pour les arts et la littérature, j’ai créé Les Prix Vincent-Godin pour les arts engagés qui s’adressent aux professionnels et à la relève en arts visuels et en littérature. Ces prix annuels seront remis aux poseurs de bombes en images et en mots chaque 14 décembre. La première édition se tiendra cette année. Pour plus d’information, je vous invite à visiter le www.vincentgodin.com.

– Éric Godin, illustrateur, dessinateur éditorial, peintre et, avant tout, père de Vincent et Félix.