La place de la littérature jeunesse dans les médias : La place de la littérature jeunesse dans les médias : J'accuse presque…
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La place de la littérature jeunesse dans les médias : La place de la littérature jeunesse dans les médias : J’accuse presque…

Yves Nadon, enseignant, auteur et éditeur aux 400 coups, s’indigne du peu de place accordé par les médias à la littérature jeunesse.

Encore une fois, samedi matin. Je me lève, j’espère, et j’entame la lecture de trois quotidiens. Encore une fois, aucune critique de littérature jeunesse. Rien. Nada. Niet.

Mon hypothèse est que les grands quotidiens présentent très peu de littérature jeunesse parce qu’ils la considèrent comme un art mineur et ludique. À mes yeux, et je serai dur, ils démontrent une grande ignorance de cette littérature. Une ignorance due au fait que dans leur jeunesse, ils ne l’ont côtoyée que par la bande, comme la plupart d’entre nous.

La littérature pour la jeunesse n’est pas un art mineur: on y retrouve des plumes extraordinaires, des illustrateurs dignes des musées et un éventail magnifique de points de vue.

Cette rencontre aurait dû se produire à l’école et dans la famille. Mais voilà plein de journalistes et directeurs de pupitre n’ayant lu que des manuels de lecture quand ils étaient à l’école, donnant l’impression de ne rien connaître de la littérature jeunesse. Ils auront donc commencé leur parcours scolaire en l’absence de littérature et elle sera donc absente de leur vie, à moins qu’ils ne soient devenus parents. Et encore…

Cette rencontre ratée se traduit chaque semaine par une grande absence dans les pages écrites. C’est un choix éditorial1 étonnant quand on sait qu’un journal anglophone de Montréal semble parler plus souvent de littérature jeunesse francophone que les journaux francophones!

Dans les médias, on blâme les jeunes élèves de bien des choses, comme de ne pas savoir écrire, ou de ne pas être à notre hauteur. On lit que les gens lisent peu, bon sang, on pète les plombs régulièrement sur cette question. Mais chaque jour, chaque semaine, les médias démontrent que l’on peut vivre sans littérature, en particulier celle pour la jeunesse. On en parle peu à la télévision, très peu dans les journaux, et encore si peu à l’école.

Le message véhiculé par tous est assez clair: sachez lire mais ne devenez pas des lecteurs.

Et si monsieur Charest, au lieu de vanter les tableaux interactifs et l’ordinateur personnel, avait décidé de parrainer la littérature jeunesse et de la rendre incontournable à l’école? Et si, en mettant toutes les ressources du ministère de l’Éducation au travail, on offrait le plaisir de lire de façon journalière dans les écoles, on inondait les classes de livres, on s’assurait que ceux qui deviennent enseignants soient des lecteurs? Peut-être qu’on parlerait davantage de former une société de lecteurs plutôt qu’une société qui sait lire. Une société où on privilégie cette conversation intime et prolongée avec un autre.

Je suis devenu éditeur parce que j’enseigne et que tous les jours, tous les jours, je suis témoin de l’impact qu’a la littérature sur les lecteurs en devenir. Je constate aussi que l’absence de celle-ci, et le plaisir qu’on y associe, est responsable du fait que près de 50 % des adultes au Québec ne lisent plus. Pas parce qu’ils ne savent pas lire, mais bien parce que, pour paraphraser Pennac, l’école, les journaux, la société ne souhaitent pas particulièrement que les enfants lisent. Ils ne souhaitent pas le contraire, c’est vrai, mais ils souhaitent essentiellement que les jeunes réussissent leurs études, un point c’est tout! Pour le reste, ils ont d’autres chats à fouetter.

Yann Martel envoyait aux deux semaines un livre à monsieur Harper, et nous étions tous cyniques à l’endroit du premier ministre. Peut-être monsieur Martel a-t-il mal visé: c’est aux journalistes, aux députés et aux chefs de pupitre qu’il fallait envoyer de la littérature jeunesse.

Peut-être samedi prochain?

(1) Ce matin, 3 mars, le journal britannique The Guardian mettait en ligne une page dédiée à la littérature jeunesse: guardian.co.uk/books/childrens-books.

– Yves Nadon, enseignant, auteur, éditeur aux 400 coups