Services d’injection supervisée à Québec : Services d’injection supervisée à Québec : Les services d’injection supervisée (SIS): un besoin de la communauté!
Mario Gagnon, le directeur général de l’organisme Point de repères, propose de mettre sur pied une «piquerie assistée» à Québec. Il explique pourquoi il considère qu’il ne s’agirait pas là d’un nouveau problème, mais d’une solution.
Point de repères est un organisme communautaire dont la mission est la promotion de la santé, la prévention, l’offre de soins et de services en matière d’infections transmises sexuellement et par le sang ainsi qu’en toxicomanie. Notre organisme est présent depuis près de 20 ans dans le quartier Saint-Roch et peut se vanter d’avoir aujourd’hui une solide crédibilité auprès de la population. Les démarches effectuées par notre organisme pour l’établissement d’un service d’injection supervisée (SIS) à Québec remontent à mars 2002. Depuis, notre organisation a poursuivi sa réflexion et ses démarches afin d’appuyer l’implantation d’un tel service. En effet, malgré les nombreux obstacles qui se sont dressés au cours des années, tant sur le plan social, politique que légal, nous avons travaillé à mettre en place des conditions gagnantes par des projets novateurs et une structure de services adaptés.
Mais un service d’injection supervisée, c’est quoi? Même si les détails du service seront le résultat des différentes consultations et des travaux qui seront menés sur le terrain au cours de la prochaine année, nous pouvons définir ici son concept général. Un SIS est simplement un service supplémentaire greffé à une gamme de services déjà présents en matière d’intervention auprès des utilisateurs de drogue par injection (UDI). Dans les faits, ce service va permettre à ces personnes de pouvoir s’injecter sous la supervision de personnes formées pour intervenir en matière de santé et de services psychosociaux. Les personnes vont elles-mêmes apporter leurs drogues, qu’elles se seront procurées par les voies déjà présentes actuellement. Ce sera toujours la personne elle-même qui va s’injecter. Finalement, ce type de service est toujours élaboré en concertation avec les résidents, les instances de la santé publique et les services policiers.
Pourquoi mettre en place un tel service? Nous pourrions présenter ici de façon exhaustive l’expérience des 80 services d’injection supervisée existant à travers le monde, ainsi qu’une importante revue de littérature concernant les effets positifs de ce type de service. Nous pourrions aussi vous présenter la longue liste de représentations et de démarches effectuées par notre organisme ou celle des appuis au SIS de la part de plusieurs ordres et associations de professionnels dans le domaine de la santé et de la toxicomanie. Cependant, nous aurions besoin de plus d’espace de publication et nous aurons, de toute façon, la chance de détailler ces informations au fil des différentes actions de consultation prévues dans la prochaine année. À la question «Pourquoi un SIS?», nous avons le goût de répondre par une phrase très simple: parce que notre communauté en éprouve le besoin!
Généralement, la problématique de la consommation de drogues par injection est présentée à partir des points de vue divisés des acteurs concernés. Il y a les résidents et les familles du quartier, les commerçants, les acteurs du domaine politique, les personnes qui font usage de drogue et les autorités de la santé publique. Nous croyons que cette division des points de vue ne représente pas une vision inclusive et constructive du problème et des solutions adéquates à y apporter.
Dans les faits, les rôles des individus qui composent cette communauté ne sont souvent pas aussi déterminés et étanches. En effet, notre expérience nous a permis de voir des commerçants développer une dépendance aux drogues, de constater qu’une personne qui faisait usage de drogue est devenue un commerçant ou un chef de famille dans le quartier. De plus, les personnes toxicomanes sont aussi nos voisins, nos collègues de travail, un ami, nos enfants. Elles sont des membres à part entière de cette communauté. Ce ne sont pas des personnes qui ont été téléportées dans nos quartiers.
Comme communauté, nous nous devons de préserver un environnement sain, agréable et sécuritaire pour toutes les personnes qui vivent et cohabitent dans notre quartier. Un service d’injection supervisée permettrait à la personne qui fait usage de drogue de s’injecter dans des conditions sanitaires, tout en évitant de laisser ses seringues à la traîne, ce qui est désagréable pour les familles du quartier. Avec des taux d’infection au VIH de 10 % et à l’hépatite C de 70 %, sans compter les questions de santé liées à l’injection, nous pouvons convenir que le statu quo n’est profitable ni pour les UDI ni pour les familles du quartier. Une communauté, c’est aussi la possibilité de faire de bonnes affaires pour les commerçants. Les SIS permettent d’éviter que les personnes toxicomanes, faute d’endroit adéquat pour se faire leur injection, la fassent devant la clientèle ou dans les salles de bains des restaurants ou des magasins. Dans cette situation, personne n’est gagnant. Les utilisateurs de drogue risquent de ne pas recevoir l’aide nécessaire en cas de complications liées à l’injection et les clients et commerçants, de se retrouver dans une position inconfortable. Le statu quo n’est donc bon ni pour les affaires ni pour la sécurité des personnes toxicomanes.
Nous comprenons cependant les craintes engendrées par ce nouveau service. L’implantation de programmes d’échange de seringues dans le quartier au cours des années 90 a semé le même émoi. Cependant, l’expérience nous confirme après 20 ans d’expérience que les craintes appréhendées ne se sont jamais concrétisées. La présence d’organismes communautaires n’est jamais un générateur de problèmes. Les organismes viennent plutôt en appui à la résolution adéquate de problèmes vécus par la communauté.
Notre organisme procède présentement à l’élaboration d’un projet pilote et nous comptons réaliser ce projet en concertation, tant auprès des commerçants, des policiers, des résidents qu’auprès des personnes faisant usage de drogue. C’est pourquoi nous organiserons au cours de la prochaine année des activités de consultation auprès des membres de la communauté, afin d’assurer la mise en place d’un tel service. De plus, nous demeurons toujours disponibles pour répondre aux questionnements, intérêts et préoccupations que suscite cette démarche.
Mario Gagnon, directeur général
Point de repères
225, rue Dorchester, Québec
418 648 8042
[email protected]
Je suis tout à fait en accord avec le point de vue de M. Gagnon. Par contre, je me demande si les personnes qui s’injectent des drogues sont prêtes à recourir à un tel service? Ne faudrait-il pas, avant d’aller plus loin dans l’implantation d’un service d’injection supervisé, consulter la population ciblée afin de mesurer leur intention de l’utiliser? Car après tout, c’est pour eux que ce nouveau service est destiné non. Et nul ne sert d’alarmer l’ensemble des citoyens et de crier que la santé publique est comprise si les UDI perçoivent encore de nombreuses barrières à l’utilisation d’un tel service. Je crois qu’il reste encore du travail à faire avant d’arriver à ce beau rêve…
Pour répondre a madame Cholette les personnes qui utlisent des drogues se sont positionné en faveur d’un SIS par le biais de leur manifeste de l’addicq (Association pour l’inclusion et la defense de droit de consommatuers de drogues du Québec)et dans leurs actions d’ailleur ils étaient nombreux a marcher hier le 21 mars a montreal pour réclamer un tel service. De plus, un questionnaire est présentment en cours et une consultation est prévu auprès d’eux dans le mois a venir et auprès de citoyens et de commercants.
Merci M. Gagnon pour votre réponse. J’ai bien hâte de voir le résultat de la consultation. Beau dossier à suivre.
Madame Cholette, j’appuie tout à fait M. Mario Gagnon. Pendant des années, j’ai consommé des drogues par injection. N’ayant pas d’appartement, je consommais là ou je le pouvait. Quand je ne trouvais pas de toilettes publique, je me réfugiait dans les ruelles. Je voulais pas qu’on me voie, je me pressais, ne prenait pas les précautions nécéssaires pour faire mes injections de façon sécuritaire. Si il y aurais eu un SIS, j’y serais allée! J’aurais eu accès à du matériel stérile d’injection, des soins, un endroit tranquille…
J’ai perdu beaucoups d’amis. La majorité sont décédé d’overdose. Souvent, ils étaient seul, dans une ruelle, loins des regards…
Je souhaites vivement que des SIS voient le jour au Québec, car même les drogués sont des citoyens à part entière.