Appel à la mobilisation intellectuelle : Pas de malheur, pas de bonheur
Je pense que

Appel à la mobilisation intellectuelle : Pas de malheur, pas de bonheur

Dans deux de ses récentes chroniques, notre rédacteur en chef David Desjardins détaillait sa fatigue devant l’état du mouvement souverainiste. À son avis, les politiciens et défenseurs de l’indépendance manquent d’audace et ne vont nulle part. Auteure, comédienne et signataire de textes dans le recueil J’aurais voté oui mais j’étais trop petit, Catherine Dorion désapprouve ce défaitisme et lance un appel à la mobilisation intellectuelle.

Vous voulez de la substance? Moi aussi.

Sauf que là, d’un côté, il y a « les Québécois », cette masse indescriptible qui, lorsqu’elle daigne s’intéresser à elle-même, passe son temps à se trouver moche (autant dans les radios poubelles que dans les cercles d’artistes ou d’intellos) et qui regarde vers le ciel dans l’attente d’un messie substantiel. De l’autre, il y a des politiciens aux antipodes du messie politique qui, anxieusement penchés vers la foule, la sondent obsessivement pour savoir ce qu’ils doivent dire et promettre pour plaire à tout le monde.

Des deux côtés, donc, deux coquilles vides qui se regardent, en attente d’un mouvement de l’autre. Entre les deux coquilles, une cacophonie langue-de-boiesque, un chialage radiophonique, des pétitions mort-nées, un inénarrable cynisme, une profonde et écœurante sensation de creux, de faux, de pacotille, de vide, de ridicule.

C’est là que nous en sommes.

Je comprends, donc, votre démissionnaire désillusion. Mais vous avez encore au moins deux choix. Vous pouvez, bien sûr, constater une fois de plus que c’est de la merde – c’est à la mode, d’ailleurs, de tout trouver poche. C’est plus pratique. Ça nous donne une raison de nous éloigner, de nous en foutre, de faire comme tous ceux que nous accusons de confort et d’indifférence. Comme le chante Richard: « pas de malheur, pas de bonheur »…

L’autre chose que vous pouvez faire, c’est participer à amener de la substance dans au moins une des deux coquilles. Travailler doucement, avec confiance, à faire reculer le vide et à y mettre du vôtre. Évidemment, ça prend beaucoup de courage et d’humilité pour sortir des murs rassurants du cynisme et du désengagement, là où jamais nous ne mouillons notre chemise. Moi, ce courage et cette humilité-là m’émeuvent profondément. Ils balaient mon cynisme pour un moment – et si vous saviez le bien que ça fait…

« C’est étrange, quand même. Le citoyen a le sentiment d’être en marge d’une démocratie de laquelle il devrait être au centre, et son réflexe est de s’éloigner encore plus, de faire comme s’il ne se sentait plus concerné. » Je ne pouvais pas résister à l’envie de vous citer. Vous écrivez trop bien.

Catherine Dorion, comédienne et dramaturge, détentrice d’une maîtrise en science politique du King’s College London