Réponse à la lettre ouverte aux humains de Denis McCready : Critique de la critique
Je pense que

Réponse à la lettre ouverte aux humains de Denis McCready : Critique de la critique

La semaine dernière, nous diffusions dans la zone «je pense que» un texte particulièrement vigoureux, très critique à l’égard de notre société, sans nous douter de l’impact qu’il allait avoir. 40 000 «pages vues» plus tard, nous publions un des nombreux échos reçus depuis.

Le texte de Denis McCready a fait une sensation remarquable à travers mes amis, et avec raison. C’est un texte très bien écrit, qui appelle les gens à se questionner sur ce qui se passe sur le plan politique au Québec, et nous rappelle que si nous ne prenons pas le pouvoir qui nous revient, quelqu’un d’autre le fera. Cela étant dit, je me suis donné la permission de lui répondre, et j’estime que ma critique de sa critique mérite d’être entendue, ne serait-ce que pour que l’opinion de Denis soit davantage lue et appréciée pour le fond de ses idées. Et voilà ma réponse: il est absolument nécessaire dans une démocratie d’avoir le droit de critiquer. Or, je me donne aussi le droit, pour renforcer votre texte, je présume, de critiquer vos propos.

Si je comprends bien, le problème principal selon vous est que ce sont des étrangers qui investissent ici et qui viennent prendre de nos ressources, en d’autres termes, nous rendent la pareille. Oui, car c’est exactement ce que fait le Québec/Canada. Le matériel qui nous entoure est d’ailleurs. C’est la définition de la mondialisation: être interconnectés sans frontières par le pouvoir du marché.

Oui, on peut haïr le marché, surtout pour un peuple né pour un petit pain qui n’a pas plus d’ambitions que de vendre ses tomates à l’intérieur de ses frontières, mais pour un peuple qui est fort, qui croit en ses moyens, qui se voit fier d’exporter sa culture, ses produits, son économie dans d’autres pays, respecte le marché et s’assure qu’il n’y a pas d’excès. Moi, je suis extrêmement fier du Cirque du Soleil: une compagnie privée qui fait des spectacles et qui réussit à travers le monde. C’est parce que les autres pays sont ouverts: ils n’ont pas peur des étrangers.

Quand je vois que le Japon vient investir ici, je me dis: «Diable que j’aimerais qu’on soit aussi fort qu’eux!» Ils viennent mettre des milliards, créer une économie, créer de la vie dans un Nord désertique, et ainsi mettre à la portée de tout être qui vit des richesses pour faire grandir des cités, et pas seulement pour les gens d’ici.

Il faut réaliser que l’exploitation minière la plus prospère et efficace se fait par le privé: le gouvernement risque bien moins d’argent sinon rien (les filons ne sont jamais garantis, c’est pour ça que le Québec n’a jamais exploité son Nord à ce jour), perçoit des redevances (si on augmente trop la valeur, les investisseurs vont aller ailleurs, et il n’y aura pas de jobs créés) et de l’impôt de la compagnie. Les compagnies donnent du travail, et le gouvernement n’a qu’à imposer des lois strictes pour éviter que l’environnement se détériore. On le fait déjà avec les mines et on fait vivre beaucoup de gens comme ça.

Demander que le gouvernement gère absolument tout (que ça soit les ressources naturelles comme l’agriculture jusqu’aux services comme Internet) est une vision dangereuse qui encourage un contrôle de plus en plus puissant d’une seule entité, et si ça n’amène pas la corruption, on voit que ça amène la perte de compétitivité. Je ne sais pas pour vous, mais avec les politiciens d’aujourd’hui, je me demande si ce n’est pas se mettre la corde autour du cou que de donner de plus en plus de pouvoir à une seule organisation politique. Une compagnie n’a pas de pouvoir politique, le gouvernement, lui, peut l’avoir de façon absolue. Le gouvernement sera toujours au-dessus des compagnies et des citoyens. Une compagnie n’est qu’un tas d’humains qui travaillent ensemble pour vendre de quoi aux citoyens. Le site Voir en est la preuve.

Faut-il être patriotique et haineux pour avoir de l’aversion envers des gens d’ailleurs? Si c’est un Québécois qui investit, c’est très bien, mais si c’est un humain à peau jaune, on crie: «Nous ne sommes pas maîtres chez nous!».

Il n’y a rien de plus pathétique comme vision que d’imaginer que chaque pays devrait être refermé sur lui-même et éviter de recevoir des investissements d’ailleurs sous l’argument: «L’argent ne vient pas d’ici, donc nous allons perdre notre pouvoir en tant que peuple.»

Nous, les 7 milliards d’humains, achetons et consommons, nous sommes le marché, tous, interconnectés. Oui, il y a des êtres corrompus, et c’est inévitable quand on donne trop de pouvoir à des individus, quand nous centralisons les moyens. Mais c’est de notre faute. C’est nous qui, par lâcheté, donnons la confiance à une seule compagnie, à seulement quelques leaders, parce que c’est moins cher et que nous n’encourageons pas la compétition. Nous laissons les banques les plus puissantes contrôler tout parce que nous ne voulons pas encourager le moins profitable, les plus petites banques, et c’est le pire qui nous arrive par la suite.

Arrêtons d’avoir peur du mot privé, c’est un synonyme du mot «je». Nous sommes tous des individus avec un revenu personnel, nous sommes tous des êtres privés. À ce jour, votre compte de banque n’est pas public et il n’est pas dépensé selon la volonté d’un gouvernement, heureusement.

La visée d’un gouvernement, ce n’est pas de contrôler tout, mais de mettre des lois pour que les choses se gèrent d’elles-mêmes. Je n’ai pas besoin d’un policier à tous les coins de rue, je fais confiance aux gens.

Il faut arrêter de haïr le marché pour ensuite se plaindre qu’il n’y a pas de jobs intéressants dans notre domaine. À moins que vous rêviez d’un monde où c’est le gouvernement qui offre tous les emplois, où un gouvernement contrôle tous les revenus et décide quoi faire avec. Je préfère faire confiance aux humains, d’ici et d’ailleurs, avec une ouverture d’esprit qui en a assez de la xénophobie.

Je pourrais vous dire moi aussi: «Réveillez-vous! Tuer toute racine d’économie dans notre propre pays, c’est se tirer dans le pied.» Mais je ne dirais pas «réveillez-vous», car c’est très prétentieux.

Si vous voulez agir comme des moutons, n’écoutez qu’une version des faits, qu’une vision des choses, et on vous fera faire n’importe quoi, même contre vous-mêmes.

Il faut être critique, même des critiques… surtout des critiques, comme moi.