Vie urbaine et circulation : Rues piétonnières?
Je pense que

Vie urbaine et circulation : Rues piétonnières?

Un lecteur accepte mal que certaines rues du cœur de Montréal ne soient piétonnières que quelques mois par année. Piétons, unissez-vous!

Curieuse injonction que celle qui était affichée aux diverses entrées du Village gai, rue Sainte-Catherine: «En été, la rue vous appartient, profitez-en pleinement pour vous promener, magasiner, manger ou prendre un verre tout en gardant les lieux propres…» Maintenant que les décorations pseudo-festives et tout à fait kétaines de la rue Sainte-Catherine ont été enlevées et que la rue a été rendue aux autos, on comprend bien le message, en creux: «Le reste de l’année, la rue appartient aux voitures, gare à vous, piétons et cyclistes!»

La rue est donc un lieu de divertissements divers et dirigés, mais avant tout un espace commercial. Oui, le piéton se doit surtout d’être un consommateur. Le plafond composé de boules roses qui rappellent les décorations de Noël ferme l’espace, écrase les arbres, fait oublier qu’on est à l’extérieur. Tout rappelle en fait un centre commercial, et plus encore un food court, puisque la plupart des commerces sont des restos. De fait, l’appellation «rue piétonnière» est tout à fait impropre!

Et pourquoi les rues ordinaires de cette ville, les rues sans commerces, ne seraient pas piétonnisées, afin qu’on puisse apprécier un espace sans voitures, sans danger, sans agression sonore? On pourrait mettre en valeur les arbres, les façades et les balcons, on se baladerait juste pour le plaisir de flâner, sans être sollicités en tant que consommateurs. Les rues de Montréal, même les plus petites, sont assez larges pour devenir comme de longues places verdoyantes. On pourrait y installer des bancs, des jeux, les enfants ne pouvant plus jouer sur la chaussée comme ils le faisaient naguère. Oui, des rues juste pour le plaisir de flâner, d’apprécier le décor, le patrimoine et l’environnement urbains. Imaginez qu’une rue comme Saint-André ou de Mentana soit sur toute sa longueur, du nord au sud, une rue piétonne, sans voiture aucune, pas même stationnée, quelles belles perspectives cela offrirait!

De fait, la malheureuse journée sans voiture (une fois par an) est une véritable farce, pour mieux faire accepter que les 364 autres jours, on subisse le joug de la bagnole!

Ainsi, le quartier des festivals, si souvent zone piétonnière en été, mais uniquement sous le prétexte de donner de l’espace au divertissement de masse, cache le fait que le centre-ville (disons toute la partie de Sainte-Catherine qui va de Saint-Laurent à Guy) est tout à fait sinistré par la circulation automobile. Dans la plupart des grandes villes dans le reste du monde, ces rues sont piétonnières à longueur d’année. Le pauvre carré Phillips ou le carré Dominion sont encerclés de voitures qui vont très vite… De telles places seraient vraiment si agréables si elles n’étaient pas bordées de rues bruyantes (voir la charmante place sur Saint-Laurent et le parvis de l’église Saint-Enfant-Jésus, qui sont devenus un havre de paix depuis qu’il n’y a plus de rue longeant l’église).

On pourrait faire la même réflexion concernant le trafic cycliste: on octroie aux cyclistes un «tour de l’île» par an, pour mieux faire accepter que le reste de l’année, faire du vélo soit si peu facile. Les dernières coupures budgétaires de la Ville ont d’ailleurs frappé l’implantation d’une piste cyclable, ce qui montre bien, une fois de plus, que le vélo n’est pas traité comme une priorité. En effet, les pistes cyclables sont totalement saturées dans le centre-ville. On pourrait avoir à Montréal plusieurs axes nord-sud et est-ouest, plusieurs rues qui soient totalement «cyclières». On pourrait avoir des «tours de l’île» plusieurs fois par été, mais sans que cela ne devienne une activité balisée, super organisée et payante. Juste retrouver le plaisir de faire du vélo sans avoir à s’inquiéter des autos. Montréal, avec son plan en damier, sa topographie (relativement) plate, ses nombreuses rues bordées d’arbres, est une ville idéale pour les vélos, du moins six mois par an… Et le reste de l’année, il suffirait de couvrir quelques rues pour éviter qu’elles ne soient enneigées… Cela ménagerait quelques corridors qui permettraient ainsi le déplacement à vélo douze mois par an dans cette métropole!

 

– Michel Denance