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Hausse des frais de scolarité : Augmentation des frais de scolarité : quand la capacité de payer des Québécois devient soudainement un enjeu pour le gouvernement

La hausse des frais de scolarité touche, directement et indirectement, une grande partie des Québécois. D’ailleurs, le nombre de lettres que nous avons reçues en lien avec ladite hausse en témoigne. En voici quelques unes.

Jeudi passé, Gabriel Nadeau-Dubois, le principal représentant de la CLASSE (coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante), accordait une « entrevue » à CHOI radio X. Il fallait entendre l’animateur et ses acolytes vociférer et pester contre les étudiants, venus manifester à Québec pour  « enfant-de-chieniser » (appréciez le fin néologisme!) les « honnêtes contribuables de la classe moyenne », qui sont « écœurés » de payer avec leurs impôts les études de ces « enfants gâtés ».

On a appris à prendre avec un grain de sel(les) toutes les inepties qui sortent presque quotidiennement de la radio-poubelle de Québec. Mais ces propos font par contre écho à un argument soutenu par la ministre Beauchamp qui, lui, doit être prix au sérieux.

Il faudrait, nous dit-elle, respecter la capacité de payer des Québécois.

Ah bon ! Si le gouvernement s’intéresse vraiment à notre capacité de payer, pourquoi ne pas en avoir tenu compte  lorsqu’il a décidé d’investir 200 millions dans le futur amphithéâtre de Québec, montant qui équivaut à peu près aux revenus totaux que vont rapporter à l’État québécois l’augmentation des frais de scolarité? Pourquoi ne combat-il pas l’évasion fiscale évaluée à 8 milliards par l’OCDE? Pourquoi, en 2010, a-t-il accordé 105 millions de bonus aux cadres des sociétés d’État? Pourquoi prévoit-il d’exiger des redevances ridicules aux compagnies venant exploiter nos ressources dans le grand nord ?

Omar Aktouf, professeur de management au HEC, estime à environ 32 milliards le montant que le gouvernement « pourrait aller chercher, du jour au lendemain, s’il se souciait un peu plus de servir les intérêts du peuple »[1].

N’est-il pas déplorable que l’argument de la capacité de payer des contribuables soit presque toujours utilisé pour couper dans des biens collectifs, et presque jamais lorsqu’il vient le temps d’abolir les couteux privilèges dont seule une minorité profite?

Les discours condescendants tenus par le gouvernement et certains médias démagogiques doivent cesser.  En imputant aux « honnêtes contribuables de la classe moyenne » des propos qu’ils ne tiennent pas ou des intentions qu’ils n’ont pas, on leur manque de respect et on méprise leur intelligence. Laissons-les juger par eux-mêmes et parler de leur propre voix dans ce débat de société, qui est si crucial pour l’avenir du Québec.

Chrystian Ouellet, Professeur de philosophie au collège de Valleyfield

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[1] AKTOUF, Omar, « La marchandisation de l’éducation et le faux alibi de la pauvreté de l’État du Québec », dans MARTIN, Éric et OUELLET, Maxime, Université Inc. Des mythes sur la hausse des frais de scolarité et l’économie du savoir, Lux, 2011, pp. 135-144.