C’est avec beaucoup d’envie que je vois aller de loin mes collègues étudiants manifester pendant que je suis en échange à l’étranger. Je n’ai jamais été en faveur des grèves et je ne suis pas une militante aguerrie pour la gratuité scolaire. Je trouve que bien souvent, les revendications des grévistes, bien que justifiées, sont utopistes, que les manifestant sont cutes et peu organisés – que leurs mobilisations sont insuffisantes et manquent d’impact.
Or, aujourd’hui, je suis triste de ne pouvoir être à leurs côtés. De ne pas pouvoir prendre part à toutes les initiatives innovatrices et brillantes dont je vois les répercussions à travers la presse électronique et les médias sociaux. Je trouve que les arguments et les revendications étudiantes sont justes, et que leurs solutions sont plus que réalisables. Dans les débats télévisés comme dans les initiatives mobilisatrices qui sont prises, mes comparses tiennent un discours crédible et revendiquent des solutions plausibles à leurs revendications. Je suis fière de me considérer, même à distance, comme l’une des leurs.
Je suis en échange en Islande. L’Islande, qui a subit en 2008 un gros crash économique. Le gouvernement a été chassé pour faire place à un tout neuf. La majorité des islandais ont tout perdu dans la crise et le pays est aux prises avec une dette immense – sûrement pire que celle du Québec. Malgré cela, il reste une priorité pour eux de fournir l’éducation universitaire gratuite. Ils choisissent d’opter pour une population éduquée – peut importe leur domaine d’étude. Je ne suis pas en train de dire que je prône aujourd’hui la gratuité scolaire au Québec. Je crois seulement qu’il est injuste et peu pertinent de comparer le Québec avec les autres provinces canadiennes et les Etats-Unis, alors que nous sommes beaucoup plus proche, dans nos choix politiques et sociaux, des pays scandinaves.
Ici, j’ai des amis québecois, canadiens, américains, islandais, suédois, danois, allemands, autrichiens – nommez-les. Leurs systèmes d’éducations sont pour la plus part, bien différents. Pourtant, tout le monde s’entend pour dire qu’ultimement, l’éducation ne rapporte pas seulement à l’individu, mais à la société entière – que ce soit au point de vue économique (taxes et impôts) qu’au point de vue social. Une telle augmentation des frais de scolarité irait à l’encontre des valeurs qui me rendent fière d’être Québecoise. Je suis persuadée, comme mes amis, que l’éducation ne doit pas être perçue comme une marchandise, comme un investissement personnel qu’un individu fait dans son avenir. Au contraire, je crois que percevoir l’éducation de la sorte, priverait avant tout notre province de milliers citoyens éduqués et responsables.
Mes collègues ont démontré, en publiant à profusion de nombreuses études et articles, que la hausse, en plus de priver la classe moyenne d’une précieuse accessibilité aux études, est un pauvre moyen pour le gouvernement d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé. Je ne veux pas revenir là-dessus. Vous en avez sûrement plein les oreilles, beaucoup plus que moi. Il me semble seulement que la hausse des frais de scolarité pourrait, en effet, pallier à un certain manque financier gouvernemental dans l’immédiat… mais qu’à long terme, ce moyen ne pourra parvenir aux objectifs qui le défendent, alors que d’autres solutions beaucoup plus efficaces pourraient être apportées. C’est ce que je trouve dommage dans l’argumentaire de nos opposants.
Il y a débat dans les rues du Québec cet hiver. Un débat débalancé, si vous voulez mon opinion. Je souhaiterais entendre un discours de l’autre camp. Pardon. Un discours capable d’accoter celui de mes collègues (ce qui n’est pas encore arrivé, à mon avis). Car c’est un débat qu’il faut avoir. C’est un choix qu’il faut faire. En société. Il est normal que des positions divergentes soient affichées. Reste juste à voir si nous choisissons une société tournée vers l’avenir et l’égalité des chances, ou une société individualiste, qui ne voit dans ses initiatives que ses répercussions économiques immédiates.
Je crois en les débats intelligents. Je respecte les opinions divergentes. Mais l’absence d’écoute et de réponse sensées d’un gouvernement devant plus de 100 000 de mobilisés et la violence policière lors de manifestation pacifique, ça me fâche… C’est insupportable.
Anne-Sophie Letellier, Étudiante à l’UQAM