Je pense que

Hausse des frais de scolarité : Lettre à Line Beauchamp

La hausse des frais de scolarité touche, directement et indirectement, une grande partie des Québécois. D’ailleurs, le nombre de lettres que nous avons reçues en lien avec ladite hausse en témoigne. En voici quelques unes.

Le 20 mars 2012

Line Beauchamp
Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport
Vice-première ministre

Madame,

Depuis le début du conflit sur la question de la hausse annoncée de 75% des frais de scolarité, j’écoute tous les points de vue. Je le fais de l’étranger où je vis actuellement mais avec beaucoup d’attention car je paie mes impôts au Québec et mes enfants, étudiants universitaires sont actuellement, avec votre gouvernement, au cœur de ce conflit.

Vos propos à Tout le monde en parle, dimanche dernier, m’ont tout simplement indignée.  Votre façon de clore toute discussion, de refuser tout dialogue, de personnaliser et de réduire le conflit à un débordement commis par des jeunes, vous font oublier que c’est d’un enjeu de société dont il est question : la valeur de l’enseignement, l’accessibilité à l’université et l’équité entre les générations. La démagogie dont vous avez fait preuve en détournant la question au cœur du débat vers le besoin de financer adéquatement les universités m’a profondément heurtée. En aucun cas les citoyens qui s’opposent à la hausse des frais de scolarité et les étudiants au premier rang ne remettent en question la nécessité de financer et de BIEN financer nos universités. La question demeure plutôt comment le faire.

Que l’argent vienne des impôts des particuliers ou des frais de scolarité, ce sont les citoyens qui paient. Tous les parents du Québec donnent un coup de main financier à leurs jeunes dans la mesure de leurs capacités. Augmenter les frais de scolarité, c’est transférer ce poids financier de façon inégale sur les familles du Québec. 1600$ dans le budget d’une famille dont le revenu est de 40 000$ par année n’a pas le même impact que pour une famille gagnant 150 000$.  Avec la bonification du système de prêts et bourses dont vous vantez les mérites, le jeune issu d’une famille avec un revenu annuel de 40 000$ (soit nettement moins que le revenu moyen des familles québécoises), travaillant l’été et à temps partiel pendant l’année, n’aura droit à aucune bourse. Alors que partout, on dénonce l’endettement sans cesse croissant des ménages, c’est 80% de nos jeunes qui n’auront droit qu’à cela.

Bien sûr, étudier est un investissement personnel qui offre la possibilité d’obtenir un meilleur salaire. Nos étudiants gagneront bien leur vie dans quelques années et paieront alors leur juste part d’impôt.  Ils contribueront ainsi aux frais scolaires des générations suivantes au moment où ils auront l’argent pour le faire. Car un système juste, où chacun paie en fonction de ses revenus, existe déjà; c’est l’impôt sur le revenu.  Et je ne vous parle même pas des mesures fiscales (comme la réduction de la taxe sur le capital) que votre gouvernement a prises depuis quelques années qui auraient bien pu servir à financer nos universités. Ce que vous nous imposez, avec la hausse des frais de scolarité, c’est un choix de société : celui où les plus riches pourront continuer d’offrir l’école à leurs enfants et où les familles à revenus plus modestes n’y arriveront pas.

Je vous entends protester économie, rentabilité, frais de scolarité ailleurs en Amérique. Je vis actuellement dans un pays, la Suède, où les universités sont dans le peloton de tête mondial. Ce pays, comme plusieurs autres en Europe, a fait le choix de rendre l’université gratuite à TOUS ses citoyens. Je suis loin de prétendre que le système soit parfait, mais je veux juste  rappeler qu’il existe d’autres modèles que celui vers lequel nous nous dirigeons actuellement.

Ils sont beaux nos jeunes. Ils tiennent actuellement à bout de bras le choix social fait par nos parents et nos grands-parents il y a plusieurs décennies : une société instruite qui s’enrichit aux plans culturel, social, scientifique et économique, une société riche collectivement. Dehors dans les rues, ils rêvent d’une société juste, équitable, d’une société où tous auront une chance égale de s’instruire. Ils revendiquent l’université comme un lieu de transmission des connaissances. Arrêtons de les traiter d’enfants gâtés. Ce ne sont pas eux les enfants gâtés, ce ne sont pas eux qui ont bénéficié de frais de scolarité bas, d’emplois garantis, de fonds de pension. Ils défendent actuellement l’accessibilité aux études pour les générations futures. Soyons fiers d’eux.

Comme parent et comme citoyenne, j’ajoute ma voix à la leur. Je les aide à soutenir le Québec auquel je crois.  À défaut de pouvoir marcher avec eux dans les rues ce jeudi, sachez que mon cœur sera à leurs côtés.

Carole Garceau, M.Sc. et surtout maman quatre fois
cc   Michelle Courchesne, députée de Fabre, La Presse, Le Devoir, Voir

Pour signer la pétition s’opposant à la hausse des frais de scolarité https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-2597/index.html