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Hausse des frais de scolarité : Lettre d’opinion concernant la couverture médiatique de la hausse des frais de scolarité

La hausse des frais de scolarité touche, directement et indirectement, une grande partie des Québécois. D’ailleurs, le nombre de lettres que nous avons reçues en lien avec ladite hausse en témoigne. En voici quelques unes.

Je prends le soin de vous écrire afin de déplorer une tendance lourde quant à la couverture médiatique des manifestations étudiantes. Moi-même candidate à la Maîtrise en biologie et impliquée dans cette mouvance générale de protestation face aux hausses des frais de scolarité imposées par le Parti Libéral du Québec, je ne peux qu’être triste et découragée lorsque j’entends les MOTS qui sont employés pour décrire les évènements relatifs à cet enjeu crucial.

 Autant lors des rendez-vous télévisuels que dans la presse écrite et à la radio en général,  les mots choisis pour faire les grands titres des nouvelles minent et discréditent tous les efforts déployés par la majorité de la masse étudiante en grève. À titre d’exemple, à la télévision, le 23 février au TJ18H sur un reportage d’Yvan Côté de 4 minutes dédié à la couverture de la manifestation de déclenchement de grève, plus de 3 minutes ont été consacré à relater les «troubles» causés par une fraction de la masse réunis, plutôt que de souligner l’ampleur des étudiants rassemblés, tous unis pour une même cause et qui ont défilés pacifiquement, dans une ambiance presque festive et bon enfant. Même scénario ensuite à RDI, lorsque qu’Anne-Marie Dussault, pour annoncer le débat qui aurait lieu en studio entre deux représentants étudiants, annonce en grand titre : « Manifestation étudiante, perturbation de la circulation ». Il en va de même dans les médias écrits comme le Journal Métro, le 24h ou encore le Journal de Montréal, qui se complaisent à ne retenir que des épiphénomènes largement non représentatifs des efforts et des revendications portée par la majorité étudiante mobilisée.

Les mots qui sont employés nous font mal ! « Perturbation », « entrave », « grabuge », « violence », etc. Ces mots employés à perpétuité et en grande pompe lors de ces rendez-vous médiatiques font échos aux oreilles de la population qui, ces derniers, ne retiennent que les mauvais coups plutôt que les grandes idées de fonds qui sont défendues par les étudiant(e)s en grève. Comment amener le débat à l’extérieur de la masse étudiante alors qu’il est nourri de préjugés envers notre groupe ? Le choix des mots est une arme et en ce sens, cela me fait croire que certains médias ou journalistes ont choisi leurs camps, c’est-à-dire de ceux qui semblent croire que toute action de protestation est répressible, nuisible et ne fait qu’entraver la foutue circulation…Et qu’est ce qu’on en a à faire de la circulation quand des droits fondamentaux d’accessibilité et d’équité générationnelle sont mis en périls ?

 Protester, dans l’œil réprobateur de ces leaders d’opinions, est dorénavant perçu comme un acte suspect, violent et à la limite du terrorisme puisque les jeunes prennent en «otage» la population. Peu importe les contraintes que nous incombent cette hausse des frais de scolarité, peu importe la désinformation dont nous sommes victimes dans les médias, peu importe l’importance des idées que nous amenons au débat social, nous sommes perçus, à tort, comme des jeunes vandales irrationnels avides de sensations fortes. À croire que pour certains médias corporatistes, nous nous plaignons le ventre plein. Le ventre plein de quoi, je vous le demande ? Il m’apparaît important de rappeler certains faits, notamment que plus de la moitié de la population étudiante vit présentement sous le seuil de la pauvreté, fréquente plus que jamais les banques alimentaires et que seul le quart d’entre nous a effectivement accès aux prêts et bourses (programme tant vanté par le PLQ). De surcroît, nous travaillons d’arrache pied au succès de nos études dans un contexte nous forçant plus souvent qu’autrement à travailler au delà de 15 heures/semaine. À ce sujet, je mets au défi n’importe quel détracteur de la paresse étudiante à réinsérer les bancs d’école à temps plein tout en travaillant et en maintenant une moyenne suffisante à l’éligibilité des bourses d’excellence (seul autre espoir de revenus des étudiants), car malheureusement, il n’existe pas encore de bourse de bonne volonté et d’efforts.

Bref, j’espère que vous saisissez que c’est l’accessibilité et l’éducation de futurs ingénieurs, médecins, professeurs, scientifiques, philosophes, sociologues, journalistes et j’en passe, qui seront compromis par cette hausse. Alors, à moins que les contribuables puissent se passer de nos services (car c’est notamment nous qui contribuerons aux caisses de retraite avec nos soi-disant futurs salaires faramineux) sachez qu’à chaque fois que seront propagés ces préjugés et stéréotypes à notre égard, la mécompréhension des enjeux et la répression des mouvements sociaux sera renforcés, cela réjouissant, j’en suis certaine, le Premier ministre Jean Charest et ses acolytes. Il m’apparaît donc obscur qu’un tel sensationnalisme puisse faire avancée le débat sur le naufrage de l’université ainsi que de permettre la délibération public pour un Québec plus juste et équitable.

 S’il vous plaît, entendez le plaidoyer d’une étudiante et de milliers d’autres qui sont tristes et choqués de la façon dont ils/elles sont dépeint(e)s dans les médias.

Merci.

Bernice Chabot-Giguère, Candidate à la Maîtrise en biologie à l’UQAM