Hausse des droits de scolarité : La lutte continue
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Hausse des droits de scolarité : La lutte continue

Alors que la lutte active contre la hausse des droits de scolarité dure depuis maintenant 6 semaines et que le gouvernement refuse toujours de dialoguer avec les étudiants, nous avons demandé à Gabriel Nadeau-Dubois de faire, au nom de la CLASSE, le bilan de la grève générale illimitée à laquelle prennent présentement part quelque 200 000 étudiants québécois.

Six semaines! Déjà six semaines que le mouvement qui secoue actuellement le Québec a débuté. Et depuis, la grève générale illimitée pour le droit à l’éducation n’a fait que gagner des forces. Jusqu’à maintenant toutefois, le gouvernement semble bien décidé à refuser toute négociation et à maintenir sa décision de hausser les frais de scolarité. Aussi, une semaine après la grande manifestation du 22 mars et alors que la semaine de perturbation économique en cours s’achève, quel bilan le mouvement étudiant peut-il tirer du chemin parcouru et quelles perspectives s’offrent à lui pour la suite?

Avant toute chose, saisir l’ampleur et la force du mouvement actuel exige de remonter au travail qui a été consacré à le préparer. De fait, dès l’automne 2010, l’ASSÉ commençait à organiser des campagnes d’information sur les campus de ses associations membres au sujet d’un possible dégel. Lorsque celui-ci s’est concrétisé, à l’hiver 2011, elle a entamé une longue suite de pétitions, d’actions de visibilité, de distribution d’information et de manifestations, jusqu’à ce que soit créée la CLASSE et que débute la campagne de grève elle-même. En ce sens, le mouvement de grève en cours et les actions de perturbation qui l’accompagnent s’inscrivent dans une escalade des moyens de pression de longue haleine. La lutte étudiante reprend ainsi les moyens traditionnellement employés par les mouvements sociaux qui ne disposent pas du pouvoir économique ou des ressources financières suffisantes pour s’assurer une écoute attentive des gouvernements.Or, ce qui est fascinant dans le mouvement de grève actuel et qui constitue un phénomène nouveau, c’est la quantité d’actions, de coups d’éclat et de  manifestations qui ne cessent de se multiplier et qui émergent directement des associations locales. Chaque jour, les associations étudiantes organisent leur propre mobilisation et démontrent que la fermeture du gouvernement ne décourage personne, mais qu’au contraire, elle renouvelle et fait croître les rangs de ceux et celles qui prennent quotidiennement la rue.

Le mouvement étudiant : au-delà de la hausse

La puissance du rapport de force construit progressivement par les étudiants et étudiantes ne repose toutefois pas uniquement sur ces moyens. Il est également lié à notre souci de mettre de l’avant un discours et des pratiques qui reflètent notre préoccupation pour des enjeux beaucoup plus larges que le seul droit à l’éducation et notre détermination à nous battre contre toutes les formes que prend le recul social qu’on tente de nous imposer. Nos revendications ne concernent donc pas uniquement le recul du gouvernement libéral sur les hausses de frais de scolarité, les coupures dans les cégeps et les dérives de l’éducation postsecondaire vers un arrimage de plus en plus serré aux impératifs économiques. Elles correspondent aussi à une exigence que les solutions qui émergeront d’éventuelles négociations soient solidaires de l’ensemble de nos concitoyens et concitoyennes qui subissent les mesures régressives des derniers budgets et qu’elles aillent dans le sens d’une véritable répartition de la richesse au Québec.

C’est sur ces bases que nous avons construit au cours des derniers mois des solidarités avec de nombreux groupes communautaires et syndicats au sein de la Coalition opposée à la tarification des services publics. C’est aussi dans cette optique que nous nous réjouissons des appuis nombreux obtenus depuis le début de la grève de la part des professeur-e-s, des travailleurs et travailleuses, des regroupements de parents, d’artistes. Nous ne pouvons qu’espérer que les débats actuels sur le droit à l’éducation servent de catalyseur à une remise en question des orientations sociales plus large qui guident le Québec actuellement.

Jauger le rapport de force

Bien entendu, faire le bilan de ce que le mouvement étudiant est parvenu à accomplir jusqu’à maintenant, c’est également prendre le pouls de l’impact de nos activités. Or, en ce moment, il est clair que le déferlement de perturbations en tout genre à Montréal, mais également dans plusieurs autres villes du Québec et en région, met une pression énorme sur le gouvernement. Déjà, la Fédération des chambres de commerce du Québec s’inquiète du manque de main d’oeuvre disponible cet été si la grève se poursuit, et nombre de commerçants et commerçantes ont déclaré  que les manifestations qui secouent Montréal nuisent grandement à l’activité commerciale du centre-ville. Le responsable de la sécurité publique de Montréal et le maire Tremblay ont également fait valoir leurs inquiétudes face à l’explosion des coûts de sécurité et à l’éventuel épuisement des forces policières si la situation perdure. C’est sans compter les complications que susciterait une reprise des cours trop tardive à l’égard des conventions collectives des enseignant-e-s et que la Fédération des cégeps exposait récemment. Enfin, il ne peut ignorer entièrement le soutien que des franges de plus en plus larges de la population ont accordé à la lutte étudiante. En d’autres termes, le gouvernement est actuellement pressé de toutes part de trouver une solution pour régler la crise et manifestement, il ne pourra pas compter sur notre démobilisation pour échapper à l’impasse dans laquelle il s’est précipité!

C’est sur ces bases que nous comprenons l’ouverture vaseuse de Charest il y a quelques jours au sujet de possibles bonifications supplémentaires à l’Aide financière aux études : elle nous montre que la crise dépasse en ce moment les contestations auxquelles le gouvernement avait prévu faire face. Ces vagues propos ne nous apparaissent donc que comme un encouragement à poursuivre la lutte et à rappeler aussi souvent que possible au gouvernement nos revendications pourtant très claires. En ce sens, la CLASSE appelle dès à présent à poursuivre les actions de blocage et de perturbation la semaine prochaine et invite l’ensemble de la population à un grand Forum social le 9 avril, dans le but « de rallier un soutien populaire massif au droit à l’éducation, mais aussi d’élargir les perspectives d’une  contestation démocratique et combative à l’ensemble du Québec et à d’autres enjeux que celui de  l’éducation ». En somme, la CLASSE entend mettre tout en œuvre pour démontrer que, contre le recul social, c’est Charest qu’on va faire reculer!

Marie-Pier Béland
Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE)