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Hausse des frais de scolarité : Un débat de société avant une hausse des frais de scolarité

L’Association générale des étudiantes et étudiants au doctorat en Sciences humaines appliquées de l’Université de Montréal (AGEESHA) souhaite vous faire part de sa position d’appui à la grève étudiante. Ainsi, vous trouverez ci-joint une lettre de prise de position publique sur le sens à donner à l’institution universitaire ainsi qu’au mouvement étudiant. Cette lettre est envoyée à tous les chefs de partis, les ministres et les députés de la région de Montréal, à l’administration et aux autorités de l’Université de Montréal, ainsi qu’aux médias écrits de la région, en plus d’être partagée sur les réseaux sociaux.

Nous nous joignons à tous ceux et celles qui exigent que les autorités s’ouvrent à un débat de société sur le rôle de l’université, et qu’elles permettent une réflexion collective sur la démocratie qui semble aujourd’hui défaillante. Nous espérons qu’à votre tour, vous relayerez et défendrez les principes de justice, de démocratie et d’équité qui sont au cœur de la société québécoise.

Les débats actuels qui interposent les étudiants, leurs institutions d’enseignement et le gouvernement sont concentrés autour d’une guerre de chiffres. À coup de statistiques, on nous démontre à quel point les universités sont sous-financées et de quelle façon les étudiants doivent « faire leur part » pour combler les déficits accumulés depuis plusieurs années. La même logique prévaut à travers les solutions récemment proposées par le gouvernement pour sortir de cette impasse, c’est-à-dire augmenter l’accessibilité aux prêts et bourses et majorer le remboursement des dettes d’études selon la capacité de remboursement. Ces combats concernant les enjeux financiers occultent pourtant une question fondamentale : quel système d’éducation souhaite-t-on pour l’avenir de notre société?

En effet, il est clairement indiqué dans le dernier budget du gouvernement du Québec, qu’outre l’augmentation des droits de scolarité de près de 75 % sur 5 ans, celui-ci mise sur une hausse des dons effectués par les entreprises et les particuliers et sur une marchandisation des recherches et des activités auxiliaires des universités pour « redresser » la situation. Cette réorganisation de la mission universitaire n’est pas banale. La recherche est un secteur universitaire de premier plan et son indépendance face à l’industrie est déjà en danger. Si la valeur du diplôme en vient à se mesurer aux retombées économiques escomptées comment maintiendrons-nous la diversité des programmes proposés? Nous sommes particulièrement préoccupés par l’accessibilité aux études des deuxièmes et troisièmes cycles et les problèmes de financement des recherches en sciences sociales, dont nous entendons moins parler. Nous pensons que soutenir une université ouverte sur le monde, centrée sur l’accessibilité et sur la création de tous les savoirs est nécessaire.

D’ailleurs, si plusieurs questionnements ont déjà été soulevés dans les médias au cours des dernières semaines (tels les dépenses de la gestion administrative qui explosent, les choix discutables concernant les biens immobiliers des institutions, les coupures dans les programmes de subventions, etc.), l’impact réel de ces éléments se vit au quotidien pour les étudiants. À l’Université de Montréal, la proportion de cadres est passée de 10 % en 2000 à 15 % en 2008. Dans un même temps, la proportion des professeurs a diminué, passant de 26 % à 22 % selon les données des rapports annuels. Si nous tenons compte du fait que l’enseignement de premier cycle est de plus en plus dispensé par des chargés de cours, que les professeurs doivent multiplier les rôles pour répondre aux attentes, que plusieurs secteurs universitaires sont sous-financés, nous faisons face à plusieurs problématiques qui renvoient à la définition même du rôle de l’université.

En effet, se poser la question de ce que devrait être l’université d’aujourd’hui et de demain est incontournable. Moratoire, états généraux sur l’éducation, consultation publique, table ronde, plusieurs formes réflexives ont déjà été proposées pour arriver à une collaboration réelle, qui impliquerait les étudiants en tant que partie intégrante de la solution et non du problème.

Porteur d’une vision à long terme, les étudiants convoitent des lieux de savoirs axés sur l’intégrité et l’excellence. C’est pourquoi nous ne sommes pas en faveur de l’application immédiate des diverses mesures proposées par le gouvernement, hausse des frais de scolarité inclus, tant qu’un débat de société ne sera pas proposé pour réfléchir sur les problématiques plus vastes du rôle de l’université.

ASSOCIATION GÉNÉRALE DES ÉTUDIANTES ET ÉTUDIANTS EN SCIENCES HUMAINES APPLIQUÉES (AGEESHA)
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