Tensions sociales au Québec : Lettre au gars de Québec
Je pense que

Tensions sociales au Québec : Lettre au gars de Québec

Face aux divisions entre Québec et Montréal qui minent souvent le débat public au Québec, François Parenteau des Zapartistes s’adresse à ceux qu’on appelle désormais « les gars de Québec » afin de défaire le Parti Libéral de Jean Charest au prochaines élections. Mettons fin aux bagarres idéologiques, on se reprendra sur la glace!

Cher gars de Québec. Je parle au gars de Québec générique, que je vois se dessiner dans les sondages et que je croise de temps en temps, en tant que gars de Montréal générique. On va arrêter de niaiser avec la puck, ce qui peut dénouer l’impasse qui bloque tout, au Québec, présentement, c’est que toi et moi, on se parle…

Je sais que suis le représentant de tout ce qui t’énarve. Je suis exactement le type de gars sur lequel tu sembles avoir beaucoup de plaisir à bitcher: Un indépendantiste go-gauche du Plateau qui a voté pour Amir Khadir, qui roule en Bixi et qui écoute du Lhasa de Sela. Je t’ai déjà entendu me traiter de fifon écolo, de séparatiste dépassé et d’intello parasite. Et de mon côté, je ne suis pas loin de penser que tu es une sorte de douchebag colonisé dont le loisir préféré semble souvent être le mépris. Mais je pense surtout, malgré tout, qu’il faut qu’on se parle.

Y te tapent sur les nerfs les leaders étudiants, hein? Avec leurs petites faces de premiers de classe et leurs phrases d’illuminés qui se prennent au sérieux…. Tu es tanné de voir des artistes prétentieux, des théâtreux, des poéteux, des péteux de broue que personne connaît pis qu’y recoivent des subventions pour gagner leur vie à pondre des insignifiances dont tu n’a rien à cirer, qui perdent leur temps et le tien à déchirer leurs chemises pour essayer de te convaincre que le Québec est en péril, que l’accessibilité aux études supérieures est en voie d’être compromise, que c’est un crime contre notre belle culture, qu’il est temps de faire du Québec un pays, de sauver les bélougas ou quoi encore?…

Honnêtement, ça se peut que des péteux de broue que personne connaît soient subventionnés pour pondre des insignifiance. J’ai déjà vu des pièces d’art contemporain où je comprenais ce que tu veux dire. J’en ai aussi déjà vu que j’ai aimé, mais je peux comprendre ce que tu veux dire pareil, des fois. Comme j’ai tous les disques de Lhasa de Sela même si 15 tounes de suite, elle peut finir par me gosser moi aussi. Ce que je veux dire c’est qu’on est pas des martiens ni des krishnas, on s’ostine sur du dosage, là.  On n’est pas si loin que ça, toi et moi, au fond.

Oui, moi je pense que financer publiquement la culture ça rapporte, à tous les niveaux. Mais c’est peut-être vrai qu’il y a du gaspillage de fonds publics là-dedans aussi, je suis pas spécialiste. Ce que je trouve, surtout, c’est que présentement, la question n’est pas là. Il y a plus urgent.

Et ce n’est même pas la question des frais de scolarité. Ça, c’est justement la diversion suprême. C’est devenu une question de gouvernance. L’enjeu, c’est celui de notre confiance à tous en notre démocratie.

Il me semble que si des milliers d’étudidants prennent la rue, se mobilisent et restent solidaire depuis des mois, malgré les tentatives pour les diviser, et qu’ils inventent chaque jour mille et une façons différentes, toutes plus créatives les unes que les autres, d’exprimer leur refus de cet avenir rétréci à de bêtes réflexions comptables, ce n’est pas à cause d’une crise subite de romantisme révolutionnaire ni une forme gauchiste de sport extrême, même si je ne doute pas une seconde qu’il y ait un peu de ça dans toute l’agitation qu’on connait. Rien de plus normal. Les voiles du changement gonflent toujours plus facilement dans la tempête. Mais comme je devine que ce n’est pas tellement ton genre de lyrisme je n’en rajouterai pas.

Mais dans un pays aussi pacifique, aussi confortablement jouisseur que le Québec, quand la rue se met à parler, et qu’elle prend la parole avec autant d’insistance, c’est forcément qu’elle a quelque chose à dire. À un moment donné, un gouvernement ne peux pas se contenter de faire respecter l’ordre. Il doit aussi chercher la paix. Pas en l’achetant, mais en la négociant. Et si celui que nous avons présentement n’y arrive plus et ne pourra jamais y arriver, c’est que le contrat social avec ce gouvernement est aujourd’hui brisé. Que Jean Charest ne mérite clairement plus la confiance de son peuple. Et ce, je le crois sincèrement, ni de mon bord des idées politiques, ni du tien.

Voilà pourquoi je crois que ça prend des élections au Québec, et que ça presse. Et il me semble que ce serait une maudite bonne idée d’en profiter pour mettre dehors, ensemble, les libéraux de Jean Charest… Le débat social qu’on a présentement à coups de matraques et d’injonctions, on devrait l’avoir à l’Assemblée Nationale, démocratiquement. On doit trouver un consensus national, un moyen d’avancer. Et ce n’est pas ce que Jean Charest cherche. Parce que Jean Charest vise à nous diviser pour mieux règner. Et à date, il est mort de rire.

Sérieux, un gars entouré en permanence d’un brumeux nuage de corruption, tu veux le laisser être le maître d’oeuvre du Plan Nord? Sacrament. Y nous vole déjà, et tu veux qu’on lui donne les clés du char pour qu’y se sauve avec le stock? Et tu accepterais même de lui payer de ta poche de contribuable l’asphalte de la route de sa fuite? Wow…

Pour moi, il ne fait aucun doute que Charest utilise présentement la crise étudiante pour nous distraire. Il regarde la petite face de Gabriel Nadeau-Dubois et il se frotte les mains en pensant à ce que ça va te faire à toi. La corruption, le financement douteux des partis politiques, les soirées à Sagard, les décisions en faveur du gaz de schiste prises d’avance dans le secret, sans qu’on consulte les municipalités, et qu’on essaie de nous vendre à coups de pets de vache, les cachotteries dans le dossiers des mines, plus rien de ça n’existe! Un Che Guevara de « Monrial » est en train de faire gaspiller leur session à une couple de freaks de sciences humaines et de musique, (c’est toi-même qui le dit) mais ça vient tellement te chatouiller le gros nerf qu’il n’y a plus rien d’autre!

On ne peut pas se laisser niaiser de même, ni toi, ni moi. Ça va faire, d’attiser la chicane entre nous. On a déjà en masse de quoi s’ostiner, toi et moi, on voit pas souvent les choses de la même manière, tous les pays ont ce genre de zones de divergences, c’est même démocratiquement sain. Mais laisser un individu aussi clairement mal intentionné et antidémocratique que Jean Charest se faufiler grâce à cette division pour rester aux commandes du Québec, ça aurait des conséquences dont le côté néfaste est déjà clairement perceptible, conséquences très difficilement réversibles, en plus. Et je tends aujourd’hui la main pour qu’on le mette dehors tous ensemble. Même si je sais que je cours le risque que ça te donne envie de voter pour lui juste pour m’écoeurer. Mais j’ose encore espérer qu’on peut agir ensemble.

Me semble que ça ferait changement, d’abord, de faire quelque chose ensemble, pour une fois. Et franchement, c’est sûr qu’on va en débattre, mais si tu es encore pour la hausse des frais de scolarité, si tu penses vraiment que c’est la meilleure idée pour l’avenir de nos universités et de notre jeunesse, sens-toi pas obligé pantoute de voter pour un parti qui propose un moratoire, le gel ou la gratuité. Même chose si tu veux vraiment rien savoir de l’indépendance.

Mais au moins, à ces élections prochaines qu’il nous faut le plus vite possible, on peut-tu s’entendre que ni toi ni moi on va voter libéral? Et donc, oui, je vais même jusqu’à dire que déjà juste si tu votes CAQ, ça va au moins permettre de débloquer quelque chose. C’est juste ça le deal que je veux te proposer. Il y en aura sûrement d’autres, des deals qu’on pourra trouver, et je suis ouvert si tu as d’autres suggestions. Mais celui-ci, chronologiquement, il me semble que c’est le premier qu’on doit faire.

Qu’on me comprenne bien: Je ne suis pas d’accord avec le programme de la CAQ. Je pense que le pari que fait François Legault de mettre un moratoire de 10 ans sur la 1a question nationale n’est pas le meilleur avenir que les Québécois peuvent se choisir, et surtout pas le bon message à envoyer face à un gouvernement conservateur qui se fout déjà tellement de nous.

Je ne suis pas d’accord non plus avec la hausse. En tous cas pas celle-là. Et surtout pas dans ce contexte là. Comme je ne suis pas d’accord qu’on doive driller partout pour du gaz de schiste sans poser de questions. Et pour tout dire, je trouve Legault un peu trop proche à mon goût de certains milieux financiers qui ont plus que leur part de blâme à assumer selon moi pour certains des problèmes du Québec. Moi, je ne voterai pas pour lui.

Mais je peux au moins reconnaître à Legault la qualité de ne pas être un « anti-indépendantiste primaire » comme Jean Charest. Et je peux avoir confiance qu’en tassant les libéraux du pouvoir, on pourra au moins faire le ménage, savoir la vérité, et faire enfin avancer le Québec vers une démocratie plus efficace, vers une Assemblée Nationale où on travaillera à trouver des solutions aux blocages plutôt que de faire face à un cynique qui s’en sert (quand ce n’est pas qu’il les provoque) pour assurer sa propre survie au détriment de la paix sociale.

Bien sûr que j’espère que ce sera nous, qui proposons de faire avancer le projet de pays, le parti Québécois, Québec Solidaire et Option Nationale, qui auront la plus grosse part dans cette nouvelle Assemblée Nationale qu’on doit se donner. Je le crois d’ailleurs tout à fait possible, et je compte bien contribuer du mieux que je pourrai à ce que ce soit le cas. Mais on va faire ça tranquillement, on va s’en parler, on va essayer de trouver le comment. Même si on veut avancer, il n’est pas question de faire l’indépendance dans le dos des Québécois. Parce qu’on ne veut pas seulement la faire l’indépenance, on veut la réussir.

Mais je suis prêt, aussi, à respecter le verdict démocratique que livrera le peuple du Québec s’il devait choisir majoritairent une autre voie. D’autres élections viendront, jamais nous ne nous empêcherons de proposer l’indépendance aux Québécois. Mais nous devons tout de suite savoir faire preuve d’unité, à tout le moins pour sauvegarder l’intégrité et la capacité de fonctionner de la seule démocratie francophone en Amérique.

Je crois que le gouvernement actuel qui nous prend pour des imbéciles et attise nos divisions mérite qu’on lui donne ensemble la volée électorale de sa vie. Ne serait-ce que pour sa gestion de nos richesses naturelles, il la mérite.  Bien sûr, je parle de volée démocratique ici. C’est une figure de style. Ce qu’il faudrait dire, c’est que ce gouvernement mérite qu’on lui « donne une bonne leçon ». Depuis que Jean Charest a les « deux mains sur le volant », le Québec tourne en rond dans une épaisse fumée noire et ça pue le gaz. Le show de boucane a assez duré. Nos pneus sont sur le bord de péter. Il est temps de retirer le volant des mains de ce gouvernement qui s’est montré indigne, et incapable, de nous diriger.

Toi et moi, on doit travailler ensemble. Ça ne peut pas continuer comme ça. Le Québec ne peut pas grandir ni prospérer dans ce climat de tension, et même parfois de haine. Et il n’y a personne qui va faire dire « pardon monconcle » à l’autre, ici. Tu voudrais vivre dans une annonce de camion sur une toune de Metallica, je voudrais vivre dans une annonce de iPhone sur une toune de Karkwa. C’est beau, on le sait. On n’aura ni juste l’un, ni juste l’autre. Mais on peut avoir les deux, au moins par petits bouts. Et pour ça, il faut négocier, trouver sur quoi on peut s’entendre. On se doit bien ça à nous-mêmes.

Je crois sincèrement qu’on peut y arriver si on essaie le moindrement. Je l’ai déjà dit, on n’est pas si loin, toi et moi. Tsé, j’ai déjà été partisan des Nordiques. Les fleur de lys, le coup des Stastny, Goulet, Michel Bergeron, l’hymne national en français d’un bout à l’autre. Me semble que c’était le temps où Québec avait le guts d’être différent à la face de toute l’Amérique, et me semble que ça nous allait bien.

Et ça me tenait à coeur. La porte de ce qui fut ma chambre chez mes parents porte encore la cicatrice d’un certain vendredi saint. Même si j’habitais en banlieue de Montréal. Alors moi aussi, même si j’ai mes doutes sur la façon de faire passer le projet de nouveau Colisée, je souhaite ardemment voir les Nordiques revenir. J’ai même peut-être une excellente suggestion pour remplir les loges de luxe de ce futur Colisée: des ambassadeurs! Suffit de se dire ensemble qu’on est un pays…

Ça ne vous tenterait pas que, des fois, on puisse être du même bord? Ça ne vous tente pas qu’une fois de temps en temps, le fifon de gauche du Plateau et le douchebag plogué sur Radio X, on puisse se sauter dans les bras quand Martin St-Louis va en mettre une dedans sur une passe de Patrice Bergeron? Vous ne pensez- pas que ça nous ferait du bien?

Vous ne pensez pas qu’en plus ça pourrait donner le goût à des jeunes québécois issus de l’immigration d’embarquer pleinement avec nous autres que Mike Ribeiro puisse avoir une passe sur ce but là, lui aussi? Qu’une fois de temps en temps, on soit vraiment tous dans la même équipe au Québec, peu importe notre accent ou nos idées? On peut s’ostiner autant qu’on veut si c’est un potteau ou un pôteau. C’est des buts communs qu’on devrait avoir. Et je ne parle pas seulement d’indépendance, ici.

OK, je me laisse emporter, un peu, juste pour te prouver que c’est pas vrai que je suis toujours contre toutte et que je n’ai rien à proposer. On pourrait avoir un monorail électrique suspendu pour relier Québec à Montréal. Le projet existe, c’est le TrensQuébec. En à peine plus d’une heure, je pourrai me rendre à Québec encourager les Nordiques, et je pourrai être rentré à Montréal encore saoûl des bières que j’aurai prises à Colisée. Me semble que ça mérite au moins qu’on l’étudie sérieusement, cette option-là.

Ça aussi, ça te remplirait des sièges du Colisée. On pourrait même faire de l’argent avec le projet, ce serait ça de moins que les pétrolières nous siphonneraient. En plus de sauver des vies, d’envoyer moins de CO2 dans l’atmosphère et de faire travailler du monde au Québec dans une technologie d’avenir. Sur une de nos bonnes idées à nous. On peut en faire des choses ensemble.

Rassure-toi, on va toujours continuer de s’haïr de temps en temps. Ça, je peux te le promettre… Anyways, c’est trop le fun… Mais arrêter au moins de s’haïr à plein temps, et avoir quelques occasions de prendre tous pour la même équipe, la nôtre, me semble que ça nous ferait du bien.

On va devoir se reparler de tout ça bientôt. À la prochaine élection, on va tous décider du (ou de la) capitaine de notre équipe-Québec, et donc des priorités de notre démocratie commune. On aura l’occasion de débattre pour faire ce choix là, et ça va jouer dur, partout au Québec. C’est correct, ça fait partie de la game. Mais si on pouvait s’entendre pour commencer par mettre dehors celui qui fait tout pour nous empêcher de jouer en équipe, me semble qu’on se donnerait de bien meilleures chances de gagner.

Sincèrement,

François Parenteau,
Montréal