Tensions sociales au Québec : Lettre ouverte à François Parenteau
Hier, François Parenteau nous a fait parvenir une lettre ouverte dans laquelle il invitait le « gars de Québec générique » à dialoguer avec le « gars de Montréal générique » qu’il est. L’auteur de bandes dessinées Philippe Girard, de Québec, a répondu à son appel et nous publions ici sa lettre ouverte à François Parenteau.
J’ai lu ta lettre ouverte au gars de Québec générique et même si je comprends très bien que ton objectif n’est pas de dresser une barricade entre toi et moi, j’ai envie de remettre les pendules à l’heure sur certains points.
Tu vois François (on se ne se connaît pas, on ne s’est même jamais rencontrés mais je me permets de te tutoyer pour que tout le monde comprenne que je ne me réfugie pas derrière une politesse hypocrite pour te garder à distance), en appuyant avec autant d’insistance sur nos divisions et en caricaturant avec autant d’emphase celui que tu appelles le gars de Québec générique, tu joues le jeu de ceux que tu dénonces. Voici pourquoi.
Je suis auteur de bandes dessinées et je vis à Québec depuis quarante ans. Pour mes déplacements, il est vrai que je n’ai pas accès au Bixi. Le vélo sur lequel je roule, c’est le mien, celui que j’ai payé avec les droits d’auteurs qui me sont versés pour mes livres. Ces livres, il serait malhonnête de ne pas le dire, ils ont été largement subventionnés avec l’argent que versent nos deux paliers de gouvernement aux éditeurs et aux auteurs. En somme, je n’habite pas à Montréal mais je suis aussi un artiste qui vit en partie grâce à l’argent public. Victor-Lévy Beaulieu ou Sylvain Rivière font partie de la même équipe que moi : celle des artistes qui vivent hors de Montréal. Sommes-nous pour autant des profiteurs et des parias aux yeux de nos concitoyens ? Certainement pas. Généralement, ils sont même fiers de nous. Pourquoi ? Parce qu’ils se reconnaissent en nous et savent qu’au bout du compte, on se ressemble.
Ce qui me fatigue quand je lis ton texte, c’est que de mon point de vue, le gars générique de Québec ressemble beaucoup au gars générique de Montréal ou même au gars générique de Drummondville. Tu le connais, c’est celui qui écoute le baseball sur son balcon le samedi après-midi, celui qui apporte son beurre de peanut lorsqu’il voyage à Cuba, celui qui porte un t-shirt « j’aime ta femme » lorsqu’il part en camping à Old Orchard et celui qui récite toutes les répliques de Elvis Gratton lorsqu’il organise un barbecue dans sa cour. Ce gars-là, on a tous l’impression de l’avoir déjà rencontré, on pense qu’il vit dans une autre ville que la nôtre sauf que je te défie de le trouver et de me le présenter. Hé oui, François, le gars générique n’existe pas.
Le citoyen ordinaire, lui, par contre, existe bel et bien. Il n’habite aucune ville en particulier, il ne passe jamais à la télé (ou alors une fois, quand la maison de son voisin passe au feu et qu’on lui demande de commenter la nouvelle), il n’a jamais reçu une cenne de subvention, personne ne le reconnaît dans la rue et c’est pourtant lui qui achète les disques de Lhasa, comme toi, comme moi. En fait, c’est lui qui permet aux artistes de faire le métier qu’ils aiment sans être obligés d’avoir un deuxième boulot dans un bureau. Lui, ça le fait souvent chier de faire du neuf à cinq mais il continue car il n’a pas le choix. Il a des enfants, souvent un de plus que la moyenne, il veut leur donner plus qu’il a reçu mais il n’est pas certain de pouvoir y arriver. C’est ça, une vie loin des caméras et des micros.
Quand je lis ton texte, j’ai l’impression que c’est au citoyen ordinaire que tu t’adresses et pas au gars générique de Québec. Le citoyen ordinaire, où qu’il habite, paiera jusqu’à la fin de ses jours pour les éléphants blancs qui naissent dans d’autres villes que la sienne. Le Stade Olympique, par exemple. Le citoyen ordinaire vote pour les bleus une année et pour les rouges l’année suivante. C’est celui que les médias et les agences de sondage qualifient de ‘mou’ pour le confiner encore plus à l’anonymat. Il n’est ni de gauche, ni de droite, ni fédéraliste, ni souverainiste, ni écologiste, ni pollueur, il est juste pris pour acquis. Il sait qu’on le prend pour un con mais ça ne l’empêche pas d’être heureux la plupart du temps.
Franchement, quand tu demandes au gars générique de Québec de faire un pas dans ta direction pour qu’ensemble, vous puissiez faire le ménage à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des communes, je trouve que tu as raison. Il faut mettre fin au cynisme et à la corruption. Même chose lorsque tu l’invites à s’unir aux autres Québécois pour parler d‘une seule voix. Tu lui rappelles avec raison que les politiciens ont la mauvaise habitude de diviser pour régner et qu‘on ne doit pas se laisser prendre à leur jeu. Là où je veux en venir, François, c’est précisément à ça : ton message est bon mais il s’adresse à quelqu‘un qui n‘existe pas. Pour que le changement que tu appelles se produise, il faudrait que tu interpelles le bon interlocuteur. Tu vois de qui je parle ? Oui, François, je parle simplement de toi, de moi et du citoyen ordinaire. Le gars générique DU Québec, quoi.
Philippe Girard, auteur de bandes dessinées de Québec
Merci Philippe. Rien à rajouter. Je trouvais également que le texte auquel tu réponds manquait un tantinet de rigueur dans sa forme.
Hummm…
Paraît qu’une image vaut mille mots. Un petit dessin – plutôt que cet échange – aurait peut-être été plus expéditif. Plus clair…?
(Même si j’ai moi-même créé des bandes dessinées au cours des années 1970, j’ai toujours trouvé que sans dessins, le fond passait moins bien…)
Je cite un commentaire de la lettre de Parenteau:
«je dirais a tous ceux de Québec dont je suis, parler plus fort, les ski-doo de Radio X vous enterrent».
Je trouve que cette personne à raison.
Ah, ben, moi ce que je trouve dommage, dans les deux textes, c’est que l’image du « citoyen ordinaire » s’impose avec autant d’évidence comme étant celle… d’un gars.
Fait que tant qu’à ça, on pourrait peut-être juste laisser faire la métaphore pis s’en tenir à chercher à s’entendre sur le besoin d’arrêter de s’haïr autant et de s’autrifier à plus finir, pis de marcher ensemble pour un petit bout, le temps de se rendre compte qu’il y en a de toutes les sortes pis que, tout le monde, on est en train de se faire avoir par les mêmes tout croches.
Y’a du vrai des deux côtés, et oui la bêtise n’existe pas seulement à Québec. Par contre, force est d’admettre que Québec à changé en titi depuis 15 ans et que son gars de Québec (désolé les filles) représente une bonne partie (ok osons 60%) des gars avec qui j’ai travaillé depuis 10 ans dans 3 environnements de travail assez différents. Peut-être que la radio d’opinions biaise ma vision (suggéré d’écraser des cyclistes ou autre connerie ça marque l’imaginaire) mais j’ose croire que la radicalisation (entendre gros irrespectueux) à Québec à pour le moins une saveur particulière.
Salut les GARS,
Pour être franche, je n’ai pas lu au complet le texte de François mais celui de Philippe oui. J’ai décroché du texte de François sans trop savoir pourquoi, mais avec Philippe j’ai finalement compris. Je suis une garce (gars au féminin) qui « paiera jusqu’à la fin de ses jours pour les éléphants blancs qui naissent dans d’autres villes que la mienne. Le Stade Olympique, par exemple, et le futur amphitéâtre de Québec. Qui va voter orange dans trois ans, dis aujourd’hui cependant, et peut-être pour les rouges cette année (carré rouge???) . C’est la garce que les médias et les agences de sondage qualifient de ‘molle’ pour la confiner encore plus à l’anonymat. Je ne suis ni de gauche, ni de droite, ni fédéraliste, mais souverainiste, ni écologiste, ni pollueuse, et effectivement on m’a pris pour acquise. Je sais très bien que les gens de Montréal me trouve conne mais ça ne m’empêche pas d’être heureuse la plupart du temps. Je suis pour la grève étudiant parce que j’aime les étudiants et les étudiantes et que j’en connais beaucoup dont mes propres petites filles. Si le grève se termine, je retournerai à mes conneries et je resterai heureuse.
Juste une anecdote pour invalider le texte de M. Parenteau:
Le Québec (province) compte une population de 8 millions de personnes.
En 2010, la ville de MONTRÉAL et son agglomération comptait près de 4 millions d’habitants.
En 2010, la ville de Québec comptait près de 750 000 habitants dans l’ensemble de son agglomération,
M. Parenteau, sérieusement, quand la moitié de la population de la province habite son agglomération, on est pas en position d’aller blâmer une région pour tous nos malheurs. N’est-ce pas?
Le dernier paragraphe donne une lueur d’espoir parce que là, les commentaires (ainsi que votre lettre) tendaient à donner plus d’importance à la forme que le fond.
Je ne connais pas personnellement M. Parenteau, seulement comme ex-zapartiste et j’ai lu son texte sous cet angle.
L’image du gars générique de Québec ne me dit rien, pas plus que celle de celui de Montréal décrite par des radios, dont certains extraits nous parviennent. J’ai appris récemment que j’étais un gauchiste-syndiqué-écolo du plateau!
Ça me fait rire et ça ne m’empêche pas de vouloir m’unir pour notre bien collectif.
Un peu moins condescendant et aveuglé de clichés que le texte de Parenteau à qui il s’adresse. Et dire qu’il y en a qui pensent que QS est progressiste et ouvert. Franchement, lisez donc leur programme, et vous vous rendrez compte que ce parti est une voie rapide vers le totalitarisme et la domination d’une pensée unique. Répondre aux idéologies par l’autre extrême du spectre politique? Ce n’est certainement pas la bonne solution.
Je pense que vous passez à côté du sujet.
C’est certain que pris individuellement, les gens ordinaires sont assez semblables dans n’importe quelle ville de la province. Mais le problème, c’est que depuis longtemps, quand il y a un choix collectif à poser, la région de Québec fait bande à part comparé aux autres régions.
Il est là le problème. Si vous êtes pareils individuellement, pourquoi a-t-on l’impression que vous êtes différents collectivement ?