Conflit étudiant : Autorité? Autoritarisme?
Je pense que

Conflit étudiant : Autorité? Autoritarisme?

En cette période trouble, où le sens des mots est fortement coloré par la position de celui qui les emploie, un lecteur nous invite à réfléchir à ce que portent les termes «répression», «pouvoir», «autorité»…

Auparavant régnait le Roi! Il concentrait entre ses mains bénies de Dieu les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Puis, en 1215, nous avons obtenu la Magna Carta. J’y étais! Et vous? Le Bill of Rights et l’Act of Tolerance en ont été la suite logique. Pour y arriver, il aura fallu la guerre civile. Le Roi ne se lève pas, un beau matin, en disant à ses sujets: «J’ai bien réfléchi… Mon pouvoir est abusif. Je vais déléguer le pouvoir de légiférer au Parlement et le pouvoir de juger en créant des tribunaux qui seront indépendants de mon pouvoir.» La tête d’un Roi, pour en venir à de telles conclusions, doit préalablement être coupée!

Or, qu’est-ce que l’Autorité? Est-ce le pouvoir, le devoir ou le fait d’agir de manière répressive face à des comportements répréhensibles? Si, dans le langage courant, une telle définition circule, elle n’en est pas moins erronée.

L’Autorité, dans la vie quotidienne, dans le monde scientifique et dans la sphère politique, devrait plutôt être définie comme le pouvoir moral de celui ou de celle qui, par ses connaissances, ses compétences, son sens de l’éthique, a acquis auprès de ses semblables, dans un domaine donné, la reconnaissance. En bref, on peut dire qu’Albert Jacquard fait Autorité en matière de génétique, qu’Edgar Fruitier fait Autorité en matière de musique classique, que Bill Mason était l’Autorité en matière de canot. Francine Grimaldi, lorsqu’elle cause d’un événement culturel, a la crédibilité pour que l’auditeur en vienne à se dire que ses propos doivent, malgré tout ce qui relève des aspects subjectifs de l’évaluation de toute forme d’art, rendre relativement bien compte de ce dernier.

L’Autorité se passe d’appareil répressif. Jacquard n’a jamais eu besoin de la police pour que les gens écoutent durant ses conférences.

L’Autoritarisme, bien au contraire, se passe généralement de la compétence qui relève de l’Autorité. Khrouchtchev qui se présente dans une exposition, y jette un coup d’œil, déclare que ce n’est pas de l’art pour ensuite faire emprisonner les artistes, n’a pas fait de doctorat en histoire de l’art! Il siège au Politburo et cela suffit. Le KGB fera le reste.

En ce qui me concerne, au moins 200 des étudiants et étudiantes que j’ai eu l’occasion d’entendre ou de lire dans les médias au cours des 15 dernières semaines maîtrisent mieux les connaissances relatives au monde de l’enseignement au Québec que les deux ministres de l’Éducation qui ont tenté de gérer la crise. Quant à leur sens de l’éthique… Aucun de ces 200 étudiants et étudiantes, à ma connaissance, n’a eu accès à son poste en finançant son élection avec du fric mafieux. Vous me suivez? En général, les leaders étudiants, dans mon esprit, font plus Autorité en matière de gouvernance des institutions d’enseignement supérieur que n’importe quel député du Parti libéral de Jean Charest. Jean Charest, par ailleurs, fait-il Autorité en matière de ministre de la Jeunesse?

Le recours à l’Autoritarisme est le fait de celui ou de celle qui, bien qu’il n’ait ni les compétences, ni les connaissances, ni le jugement moral qui font en sorte que les citoyens lui accordent leur confiance, contrôle néanmoins l’appareil d’État, à savoir, dans le cas qui nous occupe, la Sûreté du Québec.

Or, quand le Pouvoir ne tient ni à la connaissance, ni à la compétence, ni à la reconnaissance par le citoyen du jugement moral, mais plutôt à la maîtrise par l’exécutif du législatif, par le biais d’une majorité parlementaire qui ne reflète en rien une majorité démocratique, à la maîtrise du judiciaire par l’exécutif, par le biais, faut-il le souligner, de simples «Post-it» et par le biais, pour terminer, de la maîtrise des forces répressives de l’État, le Citoyen (c’est vous, ça!) doit sortir dans la rue pour s’opposer au Pouvoir.

Jean-François Léonard, Victoriaville