Profilage politique au Grand Prix : Profilage politique au Grand Prix: récit d'expulsion : Récit d'expulsion
Je pense que

Profilage politique au Grand Prix : Profilage politique au Grand Prix: récit d’expulsion : Récit d’expulsion

Au lendemain du Grand Prix, tandis que plusieurs crient au profilage politique, nous avons reçu cette lettre d’un lecteur qui avait décidé d’aller se promener au Parc Jean-Drapeau hier. Il nous raconte son expulsion.

Le 10 juin 2012 en avant-midi, moi et mon mari sommes allés flâner sur l’île Sainte-Hélène. Pour l’occasion, nous nous sommes vêtus de façon tout à fait ordinaire, n’avions pas de sac, ni de carré rouge. Le passage à la station Berri-UQAM s’est fait sans qu’aucun policier ne s’intéresse à nous (ils fouillaient toutefois arbitrairement plusieurs personnes portant un sac et n’ayant pas l’apparence d’un fan de F1). La sortie du métro à l’île Sainte-Hélène, malgré la présence de dizaines de policiers, s’est elle aussi faite sans qu’aucun policier ne s’intéresse à nous. Arrivés sur l’île, nous avons décidé de flâner en s’éloignant du site de la F1, c’est-à-dire en direction de la Biosphère, puis dans les sentiers entre la Biosphère et la Ronde. Près de la Biosphère, j’ai décidé d’épingler mon carré rouge sur ma chemise. Nous n’avions pas l’intention de perturber le Grand Prix, ni de provoquer la police. Nous voulions toutefois voir ce qui arriverait à des flâneurs pacifiques portant le carré rouge au Parc Jean-Drapeau.

Nous avons pu marcher paisiblement 30-45 minutes, entre la Biosphère et la Ronde, jusqu’à ce que nous croisions trois policiers en vélo qui patrouillaient les sentiers et ont remarqué mon carré rouge. L’un d’eux m’a alors demandé ce que nous faisions, si nous allions au Grand Prix. Je lui ai répondu que nous prenions simplement une marche et que nous allions maintenant vers le métro, pour retourner chez nous. Il nous a ordonné de retourner au métro sans tarder, car, a-t-il dit, ils expulsaient toutes les personnes sur l’île qui n’allaient pas au Grand Prix. Je lui ai demandé s’il est possible d’aller à la Biosphère ou à la Ronde. Il m’a rétorqué sèchement : « T’as pas compris, je viens de te dire qu’on expulse tous ceux qui ne vont pas au Grand Prix. »

Sans rien dire de plus, nous leur avons tourné le dos et avons repris le chemin vers la station de métro. En route, nous avons croisé un autre jeune homme qui arborait le carré rouge et était accompagné d’un enfant. Mon mari l’a prévenu par rapport aux policiers. Le jeune homme a répondu, souriant, que les policiers sont plus gentils lorsqu’il y a un enfant…

Près de la piscine, nous avons croisé la file de policiers qui, l’un derrière l’autre, escortaient des dizaines de « jeunes » vers une zone quelconque, probablement ces personnes détenues de façon « préventive » (sic). Parmi ces personnes, nous avons reconnu des habitués des manifestations nocturnes, y compris le jeune homme pacifique portant régulièrement la bannière du Cégep André-Laurendeau.

Arrivés à la station de métro, nous sommes entrés et le premier policier qui a aperçu mon carré rouge nous a indiqué de descendre tel escalier qui menait au quai et, surprise, à une zone improvisée où attendait une jeune femme, elle aussi expulsée, sous l’œil hargneux d’une policière. Lorsque le métro est arrivé, quelques policiers ont dirigé le flux des passagers sur le quai, à l’écart d’où nous étions, puis ils nous ont intimé d’entrer dans le métro et de s’asseoir. Deux policiers nous ont surveillé pendant tout le trajet jusqu’à la station Berri-UQAM, où nous avons été escortés par divers policiers (toujours deux), qui se relayaient du métro au quai et aux différents étages de la station Berri, jusqu’aux tourniquets.

En sortant, j’ai dit à la policière que ça me remémorait mon expulsion d’Israël en 2003 (escorté jusqu’à mon siège d’avion par un officier et passeport retenu jusqu’à mon arrivé à Vienne), à la différence que je suis maintenant dans mon propre pays. Elle m’a répondu que je n’étais pas détenu, mais qu’ils ne voulaient pas me voir dans le métro.

Oui, nous sommes allés sur l’île pour « tester » l’attitude des policiers (comme plusieurs autres sans doute, y compris le jeune homme que nous avons croisé), mais sans aucune volonté de perturber le Grand Prix, ni de provoquer (si ce n’est de flâner en s’éloignant du site de la F1). J’ai participé à une trentaine de manifestations nocturnes au cours des dernières semaines, mais sans aucune intention criminelle, si ce n’est de manifester. Le geste le plus violent que j’ai commis au cours des dernières semaines aura été de frapper sur une rôtissoire. Je n’ai jamais été arrêté au cours de ces manifestations, mais j’ai goutté, comme des dizaines de milliers de personnes, aux charges de l’antiémeute, aux gaz poivre et irritant, aux grenades assourdissantes.

Le SPVM affirme ne pas faire de profilage politique sur la base du port du carré rouge. Or, mon témoignage prouve que le SPVM et le commandant Simoneau ont menti. Ont-ils réellement expulsé tous les flâneurs du Parc Jean-Drapeau, ou seulement ceux et celles qui osaient porter un carré rouge. Rien d’autre que mon carré rouge ne pouvait me qualifier de « suspect » en cette matinée au Parc Jean-Drapeau, et malgré mon assiduité dans les manifestations nocturnes, je ne pense pas que le SPVM connaisse mon visage. Et si tel était le cas, mon expulsion serait néanmoins tout autant arbitraire car je n’ai commis aucun acte illégal lors de ces manifestations, autre que de participer à une manifestation illégale…

Comment peut-on faire confiance à la police lorsqu’elle ment, à l’image du Premier ministre et de ses ministres???

Olivier Roy