Je pense que

Spectacle de la CHI : De l’indignation à la fierté

Tandis que les organisateurs du spectacle de la Coalition des humoristes indignés (CHI) se réunissent ce mardi afin de décider si la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) pourra toucher ou non sa part des profits réalisés suite au spectacle du 15 juin, une jeune membre de l’association étudiante concernée nous a fait parvenir cette lettre. Rappelons que la CLASSE a décidé de geler les fonds après que certains de ses membres aient noté que des humoristes auraient tenu des propos qui seraient contraires aux valeurs de l’association.

Mesdames Rozon, monsieur Thibault, messieurs et mesdemoiselles les humoristes,

Aujourd’hui, si je vous écris en mon nom personnel, c’est pour vous dire que je comprends. Que je comprends votre indignation, que je comprends que vous puissiez vous sentir trahis par la CLASSE. Mais surtout, si je vous écris, c’est pour vous montrer que vous n’avez pas à être déçus de cette association étudiante qui est la mienne, mais aussi celle de dizaines de milliers d’étudiants.

Vous voyez, à dix-neuf ans, on ne pèse pas très lourd dans la balance.

Et c’est justement le rôle de la CLASSE de rétablir l’équilibre. De donner une voix à cette frange de la population que l’on écarte trop souvent des débats, à ces jeunes qui crient, mais qu’on n’entend pas. La CLASSE, c’est un grand « oui » à la participation citoyenne, à la décentralisation des pouvoirs et à la liberté d’expression.

Bien sûr, je ne vous mentirai pas en vous disant que la démocratie directe est dépourvue d’imperfections. C’est un système complexe qui a sa part de risques et de lourdeurs. Oui, par moment, cela peut mener à des débordements idéologiques et certains peuvent se sentir lésés par cette manière de fonctionner, comme c’est votre cas aujourd’hui.

Mais la CLASSE ne serait pas la CLASSE si elle ne laissait pas la possibilité à tous ses membres de revendiquer. Les troupes n’y adhéreraient pas avec autant d’enthousiasme si une petite élite se permettait de trier sur le volet ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Le conseil exécutif, ceux que les médias appellent à tort des dirigeants, n’a pas la légitimité d’empêcher les délégués de soulever des réflexions.

Ces militants féministes qui ont voulu que la CLASSE dénonce certains propos qu’ils considéraient comme sexistes et homophobes étaient dans leur droit de faire une telle proposition, mais rappelons que rien n’a été voté, débattu ou décidé. D’ici là, ne retirez pas votre appui avant de savoir ce qui en est réellement. Et même si cette revendication vous révolte, vous déçoit, soyez fiers que la CLASSE ait tenu ses principes jusqu’au bout. Soyez fiers que l’appât du gain n’ait pas persuadé l’association de renoncer à ses valeurs démocratiques. Soyez fiers qu’on débatte civilement de toutes les propositions déposées, à l’inverse de ce gouvernement qui refuse de discuter avec ceux qui ne partagent pas ses idées. Il ne faut pas nous punir pour avoir fait ce qu’on a toujours fait : donner l’occasion à tous les membres, sans exception, de s’exprimer.

Je terminerai en vous disant qu’à dix-neuf ans, on se sent souvent impuissant face au pouvoir et à ses déclinaisons : les patrons, les ministres, les recteurs – la liste est longue. Mais il y a quelque chose de rassurant dans le fait de savoir qu’une telle organisation nous représente.

Parce qu’à dix-neuf ans, grâce à la CLASSE, on pèse un peu plus lourd dans la balance.

Stéphanie Proulx
Membre de la CLASSE
19 ans