Dans son dernier budget, sous prétexte de restrictions budgétaires, le gouvernement fédéral de Stephen Harper a décidé de couper sauvagement dans le financement de l’Office national du film du Canada (ONF) à hauteur de 10%. Dans un contexte où le cinéma québécois de fiction et documentaire brille, ici comme à l’étranger, et où la nouvelle génération de cinéastes est plus dynamique que jamais, cette mesure est apparue comme une attaque contre la culture québécoise dans son ensemble. À la suite de cette décision idéologique, le président de l’ONF, Tom Perlmutter, a fait le choix discutable de fermer la CinéRobothèque, qui constitue, avec la Cinémathèque québécoise et l’Institut national de l’image et du son (INIS), un carrefour culturel et historique fondamental pour la population du Québec.
Dès le 1er septembre prochain, si rien n’est fait, les répercussions de cette fermeture seront désastreuses pour la société québécoise. D’abord, la population perdra son unique accès physique à l’ensemble de la production de l’ONF, qui compte plus de 10 000 films, une des collections les plus imposantes du patrimoine mondial des images. Bien qu’une mince partie de cette collection (3000 films seulement) soit aujourd’hui numérisée et accessible gratuitement sur internet, près de 7000 films ne seront plus disponibles pour le grand public. Aussi, avec la fermeture de la salle de projection, l’une des mieux équipée à Montréal, une quantité impressionnante de festivals, de programmes de courts métrages et de documentaires indépendants se verront privés d’un lieu de diffusion essentiel et privilégié. La fermeture de la CinéRobothèque entraînera également une transformation majeure des ateliers de formation sur le cinéma qui étaient donnés entre ses murs à environ 30 000 jeunes chaque année. À cela s’ajoute le congédiement d’une vingtaine d’employé(e)s.
À l’annonce de ces coupures, les critiques sont venues de plusieurs fronts. La contestation a donné lieu à différents coups d’éclat organisés, entre autres, par le Mouvement spontané pour la survie de l’ONF (MSSO). Un « sit-in » a d’abord eu lieu devant la CinéRobothèque, le 10 avril 2012, rassemblant plusieurs centaines de personnes. Puis, une série d’activités se sont déroulées du 4 au 6 juin 2012, sous l’appellation Cinéma dans la rue. Cinéastes, producteurs(trices), enseignant(e)s, étudiant(e)s, écrivain(e)s et citoyen(ne)s se sont mobilisé(e)s par centaines pour dénoncer la fermeture de cet important centre cinématographique. Les voix des cinéastes Paule Baillargeon, Philippe Falardeau et Frédéric Back, et celles de plusieurs représentants de festivals de cinéma se sont élevées pour dénoncer vivement la disparition appréhendée de l’institution de la rue Saint-Denis. Une pétition a été lancée à cet effet et a recueilli plus de 3000 signatures.
Malheureusement, malgré son succès sur le plan médiatique, cette mobilisation a trouvé trop peu d’écho auprès de nos représentant(e)s politiques. Bien que le 5 juin dernier, les coupures à l’ONF aient provoqué des discussions à l’Assemblée nationale entre Christine Saint-Pierre, Maka Kotto et Bernard Drainville, aucune véritable piste de solution pour sauver la CinéRobothèque n’a été avancée. Malgré notre insistance et nos interventions répétées, le gouvernement fédéral, sans grande surprise, est resté sourd à nos demandes.
Ainsi, convaincus que l’État québécois a le devoir d’assurer la vitalité de son cinéma et qu’il est le mieux placé pour le faire, nous demandons aujourd’hui aux partis d’agir afin d’empêcher cette fermeture dramatique et imminente. En cette période de campagne électorale, qui accorde malheureusement trop peu de place à la culture, nous attendons de l’ensemble des partis qu’ils s’engagent à trouver des solutions afin de sauver cet espace culturel. Nous leur demandons également un engagement ferme pour qu’ils interviennent auprès du gouvernement fédéral et de l’ONF afin d’assurer, d’abord, l’accessibilité à l’ensemble du patrimoine cinématographique que représentent les films de l’ONF, et ce, dans un lieu approprié et accessible au public, puis, le maintien de l’ensemble des ateliers de formation qui permettent d’initier la jeunesse québécoise au septième art.
À la veille du 50e anniversaire du documentaire Pour la suite du monde, chef-d’œuvre de notre cinématographie au titre plus qu’évocateur, le MSSO et l’ensemble des citoyen(ne)s qui se sont mobilisé(e)s depuis le printemps, demandent aux différents partis de faire preuve de leadership pour garantir la survie du Cinéma ONF et de la CinéRobothèque. Voilà une belle occasion pour celles et ceux qui entendent diriger le Québec de démontrer, concrètement, qu’ils ont véritablement à cœur l’épanouissement et le rayonnement de notre culture et de notre identité.
MSSO
Mouvement spontané pour la survie de l’ONF