BloguesOn prend toujours un thread

Pierre, Jean et moi

Il était là, à quelques mètres de moi. Celui qui m'a, pour la toute première fois de ma vie, fait harceler mes parents matin et soir afin qu'ils m'emmènent au cinéma. Je me rappelle encore de la publicité du film où l'on voyait ce pauvre homme tenter de dégoupiller une grenade et qui finalement, déchirait le bas-culotte qui lui servait de masque.

 Il était là, à quelques mètres de moi, celui qui depuis plus de vingt ans, a égayé de nombreux moments de ma vie avec les nombreuses scènes d'anthologie dans lesquelles il a transformé le jeu burlesque en un art aussi raffiné que celui d'interpréter du Shakespeare.

 Il était là et désormais, la seule preuve existante en ce monde que le temps d'une conférence de presse, j'ai été dans la même pièce – attention zéro objectivité – que mon idole et mentor, eh ben! cette preuve me montre en train de manger un morceau de saucisse alors que j'affiche un regard totalement dénué de toute intelligence.

Il était là et la meute de journalistes en avait fini avec lui. Je me suis dit que je m'en voudrais pour le restant de ma vie si je ne le faisais pas. J'ai usé du peu de courage dont je bénéficie et je me suis dirigé vers lui. Au même moment, il s'est rendu sur un petit balcon qui donnait sur le Saguenay et avec une fausse assurance tout de même bien joué, j'ai lancé: "Monsieur Richard?". Il s'est retourné, m'a dévisagé de ses yeux d'un bleu azur et m'a répondu d'un ton tout ce qu'il y a de plus amical: "Oui, ça va?". Je lui ai tendu la main et je lui ai tout simplement dit que c'était un honneur de pouvoir enfin le rencontrer en personne et il a vu dans mes yeux que je vivais un grand moment. Il a souri et m'a dit avec affectuosité: "Eh ben… Merci, c'est très gentil!"

 ***

 Pour être bien franc avec vous, il s'agissait de la première conférence de presse à laquelle j'assistais de toute ma vie en tant que journaliste. Notons la performance unique du maire de Ste-Rose-du-Nord, municipalité où l'action du film Le bonheur de Pierre aura lieu. Monsieur Laurent Thibeault nous a donc tous donné une leçon assez particulière de poker en faisant une espèce d'analogie avec le monde du cinéma. Ensuite, il a effleuré le sujet des accomodements raisonnables en avançant que ce film montrerait au Québec que les gens du Saguenay sont très ouverts… Enfin, scène d'anthologie dans ma courte vie, il a offert les clés de sa ville à l'équipe de production.

Une autre performance étonnante est celle du maire le plus célèbre du Québec, Jean Tremblay. Celui qui nous a habitué à marquer notre imaginaire collectif à chaque fois qu'il prend le micro, y a été de façon très modérée. Il était fascinant de le voir ainsi dans un rôle de soutien. La question de la semaine: Servira-t-il de modèle à Rémy Girard pour son rôle de méchant maire?

Pour ce qui est de la distribution et de la production, rien de bien nouveau sous le soleil: "Nous sommes contents de venir dans votre coin de pays afin de venir tourner un film et bla bla bli bla bla blo finalement on répète un peu ce qu'il y a dans le communiqué de presse en pimentant le tout de quelques blagues". Bref mais très sympathique. Une chose est certaine, l'enthousiasme était de la partie. De toute façon, soyons réalistes, quand on décide de venir tourner un film dans notre coin de pays en plein mois de janvier, il faut vraiment en avoir envie.

 Pierre Richard a fait référence aux oeuvres de Fenimore Cooper ainsi qu'à Maria Chapdelaine et en séducteur comme il est, a qualifié l'accent local de "musical, un parlé qui vient du soleil". Rémy Girard a parlé de sa tante à Alma qui trouve qu'il ne se rend pas assez souvent dans le coin.

Pour terminer, j'ai remarqué que les journalistes oeuvrant pour une certaine télévision d'état parlent tellement bien lorsqu'ils posent des questions qu'on pourrait presque se croire à la Comédie-Française. Tellement naturel…