Je réfléchis beaucoup depuis un bon bout de temps à propos de ce qu'est le journalisme et ce que moi, je suis par rapport à tout ça. Un genre de période existentialiste où si j'avais le numéro de téléphone de Jean-Paul Sartre, je lui donnerais un coup de fil. Mais bon, comme il est mort, à quoi bon?
Je vous écris ça et là, il y a comme une question qui surgit dans ma tête: A-t-on attribué le numéro de téléphone de Sartre à quelqu'un d'autre après sa mort? Que fait-on des numéros de téléphone des gens importants après le décès?
Quand je vous dis que je suis dans une période de questionnements, je ne vous niaise vraiment pas.
C'est que théoriquement, bien que j'aie le statut de journaliste à la pige, tout ça n'est qu'une arnaque, une imposture. Tout d'abord, je n'ai jamais étudié en journalisme et le seul diplôme que je possède, mis à part mon DES, c'est un ridicule BAC en études littéraires françaises. De plus, je ne suis pas membre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et pour être franc, je me verrais très mal être mandaté d'un reportage-choc à propos d'une histoire de corruption financière. Ça serait juste n'importe quoi.
Et ça, c'est sans compter que pratiquement, je suis encore moins journaliste en prenant considération que le dernier article que j'aie signé date d'il y a tellement longtemps que je commence à penser que je faisais ça dans ma vie antérieure. Crise financière oblige.
Enfin, le clou final, c'est que je suis un mauvais journaliste culturel car je me méfie à l'os de tout ce qui est tendance. Il suffit de me dire d'écouter absolument un chanteur X et vous venez immédiatement de me perdre. Je vois un peu ça comme un explorateur. Il n'y a aucun trip à se rendre à un endroit qui a déjà été découvert.
C'est plate à dire mais ce qu'une grande partie du lectorat désire, ce sont des articles sur les artistes qu'elle connaît et qu'elle aime. C'est ce qui l'attire. Et je ne le dis pas de façon condescendante. La vie c'est comme ça. C'est comme de dire que les chips, c'est pas bon pour le cholestérol.
Je termine donc avec le type de phrase le moins original qu'un blogueur puisse employer: une question. Sincèrement, j'espère de vous des réponses. Ça m'intéresse vraiment.
Qu'en pensez-vous? Existe-t-il encore une place pour l'underground dans le journalisme culturel? Avez-vous l'impression que le journalisme culturel n'est plus qu'un ramassis de plogues sans fin? Ressentez-vous vraiment le besoin qu'on vous ponde un article à propos du prochain show d'Éric Lapointe quand de toute façon, tous les murs possibles sont placardés de ses affiches et que même votre grand-mère le sait?
Vous ennuyez-vous du temps où l'on faisait découvrir au lieu de couvrir?
MISE À JOUR: En ce sens, je tiens à féliciter Mange mon blog pour son sens de l'audace. Ça fait du bien!
Décidément, la crise dans les médias fait gamberger les journalistes. Je ne pose pas le même type de questions mais j’en parle aussi dans mon billet du jour. Je vois aussi que le pigiste est d’autant plus sujet aux questionnements sur sa légitimité qu’il n’a pas forcément de diplôme officiel. Il faut savoir qu’un certain nombre de salarié n’en ont pas non plus.
Quant à savoir ce qu’est un « bon » journaliste, il faudra qu’on se voie à ton prochain passage à Montréal pour en débattre. Parce que, comme tu le soulignes, il y a les exigences de la masse et les réponses que lui offrent les éditeurs. On prend généralement peu de risques pour l’underground et c’est pour ça que les « explorateurs » sont nécessaires à l’équilibre global. Leur lectorat est limité, mais fidèle et demandeur. Me semble…
Monsieur Martel, je percois beaucoup de morosité en lisant votre texte ainsi que celui de Madame Cabado. J’ai l’impression que le spectre de l’hebdomadaire ICI hante les bureaux du VOIR. Cette baisse des revenus publicitaires, dans les médias d’information, doit frapper durement un journal comme le VOIR qui contient beaucoup de publicités. Pour ce qui est de l’utilité du journalisme culturel d’underground, je crois qu’il est moins utile maintenant que dans le passé. Ce passé est pour moi celui de la contre-culture qui avait comme chef de file Elvis Presley et les groupes rock qui ont suivis. Cette contre-culture marquait une division nette entre les baby-boomers et leurs parents au tout début des années 60. Cette division n’est plus aussi nette avec les jeunes d’aujourd’hui et tous ces journalistes culturels ne font que suivre les traces de leurs prédécesseurs alors que le besoin est peut-être moins criant.
Les « plogues » font partie du budget de publicité des artistes en spectacle: parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en. Je ne crois pas en la rentabilité d’un spectacle qui ne serait pas publicisé. Un journal comme le VOIR devrait couvrir le maximum d’évènements possible pour être complet: les internautes écrivant des critiques mettent l’épaule à la roue. J’ai moi-même demandé à quelques reprises que des expositions soient inscrites dans le calendrier. S’il y a plusieurs milliers de membres inscrits, peu d’entre eux sont actifs depuis le changement apporté aux concours et même les blogues sont délaissés, ce qui provoque l’impression de prêcher dans le désert pour plusieurs journalistes. Le show business est plus actif que jamais et, comme toute cette publicité qui nous assaille (pourriel, publi-sac, ect…), elle peut sembler excessive mais elle reste nécessaire. Conservez le moral car le beau temps suit toujours le mauvais temps et cet automne les journalistes du VOIR pourront passer au petit écran à Télé-Québec.
J’ai toujours soutenu que les pigistes et les « freelance » étaient les meilleurs journalistes, car l’épaisseur du bifteck est directement proportionnelle à la qualité du papier.
Il existe une certaine connivence dans le milieu du journalisme culturel, qui me fait croire que certains jounalistes n’ont pas vu le même show que moi et que je pourrais très bien faire mieux qu’eux, sans aucune formation; tout est question d’appréciation, de perception et d’émotion. Si un artiste déclenche quelque chose en nous, c’est que ça marche!
J’ai toujours eu beaucoup de difficulté à aller voir un spectacle, parce que telle ou telle personne dit que c’est excellent et je suis souvent déçu par de trop grandes attentes.
Tout le monde veut lire ce qu’il veut entendre, nous vivons à l’époque du journalisme orienté, du public cible, de l’eau qui est amenée au moulin par la vente de billets… Le showbizz est une roue sans fin, même la vie privée des artistes harassés par les paparazzis, contribuent à nous faire sentir vivants, en nous réconfortant de voir que les gens riches ont aussi des problèmes…
Existe-t-il une place pour l’underground dans le journalisme, sans pour autant qu’il soit confiné à des univers glauques dont les racines ne remontent jamais à la surface? Il faut être prudent; tout ce qui devient branché et populaire finit par être récupéré par l’argent, comme si devenir René Angelil était un but à atteindre.
J’ai souvent l’impression que des jaloux voudraient bien prendre la place qu’occupe VOIR. J’encourage fortement VOIR à ne pas prendre la place de ceux qui veulent être califes à la place du calife.
Ton billet correspond à ce qui se dit dans le magazine Trente, monté par ton ami Steve Proulx. «Times are changing» chantait Bob Dylan. Il faut s’adapter. Tout le monde a son blogue aujourd’hui, comme tout le monde a droit à son quinze minutes de gloire.
Une nouvelle peut se répandre par n’importe qui. Si tu possèdes un cellulaire et que tu es témoin d’un accident qui vient de se produire devant toi, tu captes une vidéo avec ton cel, et tu appelles la police et voilà, tu étais là avant les médias. Tu peux même envoyer des images sur le net via Youtube ou ton propre blogue. C’est ce qu’on appelle le journaliste-citoyen.
Par contre, au niveau de la réflexion, de l’analyse, c’est autre chose. C’est une question de qualité. À qui faut-il se fier ? Comme par exemple, pour faire éclater le scandale de l’administration Tremblay, il fallait des journalistes chevronnés. Il y a des lois qui s’appliquent. On ne peut pas dire n’importe quoi. Il faut des preuves. Facile de dire que la mafia italienne contrôle la ville de Montréal, mais c’est une affirmation gratuite et diffammatoire, si elle ne se base pas sur des preuves indéniables.
Dans le cas qui te concerne, la critique culturelle, là j’avoue qu’une crédibilité est difficile à se bâtir. Les gens vont voir les films qu’ils veulent et les spectacles qu’ils veulent, lisent ce qu’ils veulent, établissent leur cercle d’amis avec qui ils partagent les mêmes goûts, Les médias ont de moins en moins d’impact. Ils ne partent plus des modes, mais sont plutôt à la remorque de tout ce qui bouge.