Salut Mario,
Tu dois bien t’en douter, je t’écris en lien avec cette histoire comme quoi tu songes à cesser d’enregistrer des disques, et ce, en ayant fait un lien avec le fait que Renaud-Bray abolissait le poste de disquaire.
Tout d’abord, tu remarqueras que je me permets de te tutoyer parce que cet été, on a regardé un show ensemble à la même table et on a même échangé à propos de la tragédie du Lac-Mégantic. Ça venait tout juste d’arriver. Et puis y aussi le fait qu’ici dans le 02, on a tellement entendu souvent ta toune sur les Fêtes du 175e du Saguenay-Lac-Saint-Jean pendant an que tu me dois bien ça que je puisse me permettre de te tutoyer.
Si je t’écris, c’est parce que je t’avais trouvé ben correct malgré ce que certaines mauvaises langues puissent dire et quand j’ai vu ta sortie à propos de l’industrie du disque, le bon gars en moi s’est senti interpellé. Qu’est-ce que tu veux Mario, j’ai été élevé de même moi. Quand je peux être d’une aide utile, je me propose.
Écoute Mario, quand j’ai vu que ça te coûtait quelque chose comme 100 000 dollars pour produire et enregistrer un disque, j’ai capoté ben raide. À vrai dire, ça m’a fait penser à la fois où une de mes nièces a reçu une MiWi pour Noël. Tsé les fausses Wii qu’ils vendent dans les Jean-Coutu? Sérieux, ça ressemble vraiment à une Wii mais ça n’a rien d’une Wii. Crois-moi. On a déjà passé une soirée à essayer de se faire du fun avec ça et même si on avait été sur le Krokodil, on n’aurait même pas réussi à tripper. Cela dit, c’est une bonne chose qu’on n’ait pas fait de Krokodil parce que je sais pas si t’as vu les reportages là-dessus mais c’est pas long que ça te scrappe quelqu’un pas à peu près.
Bref, et excuse-moi d’avoir dérogé, mais pour en revenir à ton affaire de disques, je me suis senti vraiment mal qu’en 2014, ça puisse te coûter une telle fortune de faire des disques comme tu fais. Et puis là, qu’on se comprenne, je dis pas ça dans le sens que c’est mauvais ce que tu fais. Je dis ça dans le sens que tsé, ce que tes fans attendent de toi, c’est que tu fasses des « wô-ô-ô-ô-ô » par-dessus du beau bruit. Sérieux Mario, entre toi et moi, je suis certain que tu pourrais reprendre toutes les musiques de tes albums précédents, changer deux ou trois mots par-ci et par là, et le public n’y verrait que du feu. Un peu comme des pleurs dans la pluie.
Pis en plus de ça, est-ce qu’on peut s’entendre comme quoi que les temps ont changé. Y a quinze ans, j’aurais pu comprendre que ça pouvait te coûter cher comme ça d’enregistrer de la musique mais là, come on Mario, n’importe qui peut maintenant enregistrer quelque chose d’écoutable avec un bon laptop, une coupelle de plug-ins pis ben de la patience pour mixer et remixer. Et puis, côté promo, si ce que tu fais est moindrement bon et qu’il y a de la demande pour ton stock, t’as juste à « drop » ça sur le net pis le reste va suivre. La preuve, t’as juste partagé un article sur Facebook en y ajoutant un point de vue personnel pis ça a généré plein d’articles en plus de me faire revenir comme blogueur sur Voir. Crisse Mario, c’est fort.
Là, je pourrais me lancer dans une énumération de plein de projets musicaux intéressants qui ont coûté des pinottes à produire mais on va faire ça court. T’as juste à aller écouter tout ce qui a moindrement pogné en 2013 et qui n’a pas été produit par des grosses maisons de disques comme Musicor par exemple. Sérieux, ça fait longtemps que plus personne a une crisse de cenne pour produire de la musique. Faire du cash et faire de la musique, c’est deux choses. En fait, je dis souvent à la blague qui si tu veux vivre de la musique, t’es mieux d’écrire sur la musique que d’en faire. Ça ne fait pas de toi quelqu’un de beaucoup mieux nanti mais au moins, tu ne te fais pas chier à rouler des fils.
En tout cas Mario, je ne sais pas qui te charge des montants de malade comme ça pour faire de la musique mais je te suggèrerais de recommencer à soumissionner pour d’éventuels prochains disques. Et si ça te stresse tant que ça que Renaud-Bray ait aboli le poste de disquaire, je ne m’en ferais pas trop à ta place. J’ai plein de matantes qui ont tes disques et je sais pas où elles les ont achetés mais c’est certainement pas au Renaud-Bray parce que dans le 02, il n’y en a pas de Renaud-Bray.
Enfin, je sais que tu as clairement dit que tu ne voulais plus faire d’autres disques lorsque tu auras terminé celui sur lequel tu travailles mais sache que je ne te jugerai pas si tu reviens sur ta décision. Tsé, ça ne me dérange pas du tout que tu continues à faire de la musique. De toute façon, quand je fais l’épicerie, je suis tellement occupé à compter dans ma tête que je n’ai pas le temps d’écouter ce qui joue en background.
À plus Mario!
Si c’est vraiment à Mario Pelchat que l’on doit votre retour au Voir, je le remercie et m’en vais de ce pas écouter « Quand on y croit » pour célébrer l’événement.
Mario fait demander, après votre exposé économique, si maintenant en guise de conclusion, vous pouviez comparer votre compte de banque avec le sien.
Haha! Oui. Mario Pelchat > Moi.
Respect, collègue.
Un peu réducteur comme point de vue, M. Martel.
Dommage qu’on en soit rendu à ne plus faire la différence entre un album studio et un album fait par un kid qui bidouille sur son laptop. Est-ce que c’est ça qu’on appelle la démocratisation du savoir ?
Il est vrai que la valeur artistique d’une oeuvre ne dépend pas uniquement de la qualité de sa production. Mais croyez moi, si des compagnies de disques investissent encore autant d’argent pour produire autant d’inepties (ex.black eyed peas ou Metallica), c’est que ça marche pour atteindre un certain public.
Également, vous ne tenez pas compte dans vos considérations des musiciens, auteurs, compositeurs, arrangeurs, réalisateurs qui doivent être engagés pour une production élaborée, aucune commune mesure avec un rappeur qui déclament sur des boucles infinies d’ordinateur, si brillant soit-il.
Mon but ici n’étant pas de défendre le projet artistique de Mario Pelchat mais de recadrer un peu l’idée d’une production musicale.