En continuité avec ma chronique, notons que dans Le Devoir d'aujourd'hui, le ministre de la Santé, Philippe Couillard, donne l'image d'un homme qui dit NON à la privatisation croissante de notre système de santé.
Mais les notes discordantes s'accumulent. Un autre exemple : dans The Gazette d'aujourd'hui, le journaliste Aaron Derfel nous apprend qu'en pleine pénurie de médecins au public, 158 d'entre eux se sont désengagés du système d'assurance-maladie. Tout juste avant l'arrivée de M. Couillard en 2003, il y en avait 57. En février 2008, 158 médecins avaient quitté le public pour le privé, soit 101 de plus. Québec, la grande «social-démocrate», est d'ailleurs la province où il y a le plus de médecins désengagés du public!
Ironie ultime: Derfel souligne que contrairement au Québec, depuis 2004, la riche Ontario, laquelle connaît pourtant une pénurie moins grande de médecins qu'ici, a carrément interdit à ses médecins de se désengager du système public.
En ouvrant la porte aux assurances privées pour certaines chirurgies avec sa Loi 33, le gouvernement crée lentement mais sûrement un beau, nouveau marché pour le privé.
Dans La Presse, le journaliste d'enquête André Noël avance aussi que le gouvernement Charest, dans ses règlements de la Loi 33, ouvrirait la porte à la création d'hôpitaux privés. Comment? En ajoutant encore aux types de chirurgies pouvant être sous-traitées au privé et en permettant à des cliniques complètement privées d'hospitaliser des patients. Basta!
Il ne réussit pas à nous berner ce ministre qui prépare en douce le lit de la médecine privée pour ceux qui ont les moyens financiers de se la permettre et d’une médecine à veau l’eau pour les autres. D’ailleurs, pourquoi voudriez-vous que Jean Charest lui ait fait à ce point confiance, si ce n’est pour son habileté à dissimuler des velléités allant dans le sens de la privatisation de l’exercice de la médecine bien dissimulées sous des airs compatissants pour les besoins en services de santé pour toute la population. Ce numéro deux du gouvernement actuel et que d’aucuns préparent déjà à occuper le premier rang est une copie conforme des idées et des visions de son mentor de Premier ministre. Il s’agit bel et bien dans un cas comme dans l’autre de deux conservateurs qui se piquent de représenter des valeurs libérales au sens politique du terme alors que ce n’est qu’au plan de l’économie que cette étiquette leur va bien, soit celle de la droite libérale.
Je ne suis pas étonné de constater que des libéraux plus véritables comme le sont ceux du gouvernement ontarien mettent des freins plus efficaces à cet appétit de la caste des médecins voulant encore plus de revenus et de prestige leur venant de leurs clientèles fortunées. Le plus mauvais service que nous pouvons nous rendre est probablement d’avoir un médecin comme premier responsable du système de santé. Il est à la fois juge et parti.
Madame Legault, je suis en accord avec votre commentaire que monsieur Couillard donne l’image d’être contre l’arrivée du privé dans le domaine de la santé, seulement l’image. En politicien avisé et surtout ambitieux, il ouvre la porte aux loups tout en fermant les yeux. Diplômé en médecine à 22 ans, cet homme, très intelligent, sait la situation catastrophique de pénurie de médecins et d’infirmières et croit qu’une entrée majeure du privé mettrait actuellement le système en situation de grande, grande détresse. Il ne veut pas porter le poids d’un tel désastre. Déjà des millions de Québécois n’ont pas de médecin familial et ne nous comptons pas des histoires, il n’y a pas de véritable suivi dans une clinique sans rendez-vous.
Monsieur Couillard tente depuis plusieurs mois de quitter son Ministère. Idéologiquement, il serait plutôt un adepte d’un système mixte de santé. Il ne faut pas oublier qu’il a quitté le Québec, entre 1992 et 1996, pour aller fonder le département de neuro-chirurgie du « Dhahran Medical Centre » en Arabie Saoudite, ce grand pays désertique dominé par une monarchie intransigeante, guidée par la Charia.
Saudi Aramco (compagnie nationale des hydrocarbures) a son siège social à Dhahran et contrôle entièrement les destinées de cette ville. Dans les faits, on surnomme ce centre hospitalier « the Aramco Hospital. À coups de millions, chaque année, cet hôpital recherche à travers le monde, des médecins et infirmières (cf. Med Hunters.com, …). Elle en recrute même en Inde, pays-continent aux prises avec d’énormes problèmes de pauvreté et de santé. Monsieur Couillard connaît donc l’attrait de l’argent pour recruter des professionnels de la santé. Admettez que nous sommes loin de Médecins sans frontières ou de médecins qui choisissent de travailler en Afrique. Je ne conteste pas son choix, je ne fais que le situer dans son parcours professionnel. Pendant quatre ans, il a donc exercé sa profession dans une enclave dominée par la puissante Saudi Aramco qui dicte en partie le cours du prix du pétrole dans le monde. Une partie de ses profits est injectée dans la mise en place des services de santé. Sur une échelle infiniment plus petite, imaginons un centre hospitalier Hydro-Québec.
Je reconnais qu’un certain nombre de Québécois appuient l’idée d’une plus grande place du privé dans le domaine de la santé. Le manque de ressources et l’état de désuétude de certains hôpitaux les amènent à voir (comme dans le désert, si vous souffrez de soif) des mirages. Pourtant, la seule avenue possible consiste à réinvestir dans le domaine de la santé, secteur sous-financé au Québec par rapport aux autres provinces. Nos dirigeants, autant péquistes que libéraux, ont rendu le système tellement précaire, que s’est installé l’idée que, seule, une perfusion privée pouvait le sauver. Or, les politiques de madame Thatcher, en Angleterre, ont prouvé que le virage vers le privé n’arrange rien et provoque même de plus grandes inégalités.
Vous faites n excellent travail de journalisme Madame Legault, mais il n’y en a pas suffisamment des comme vous au Québec. De toute façon, les Québécois et Québécoises en ont rien à foutre de l’avenir. Le poids des babyboomers est trop lourd. L’individualisme du Québec est probablement aussi, sinon plus élevé que la moyenne d’individualisme des États-Unis.
Vous le savez, comme moi et bien d’autres, que la situation au Québec est loin d’avoir finie de se dégrader. Le Québec sera bientôt plus qu’un gros CHSLD en délabrement avec des Elvis Gratton pour tenter de soutenir économiquement le Québec. Les intellectuels et professionnels quitteront le Québec ou, comme dans le cas des médecins ou d’infirmières, travailleront dans le privé en s’occupant seulement de leurs intérêts personnels et de leurs patients.
Prenez par exemple VLB, ce dernier est le meilleur exemple de l’état d’âme (peut-être infantile, trop émotif, mais très humain) d’une bonne partie de la population au Québec.
Quoi qu’il en soit, continuez votre excellent travail, il y a peut-être eventuellement un peu d’espoir.