On entend un peu n'importe quoi ces jours-ci sur Victor-Lévy Beaulieu. Un grand écrivain, un artiste hors-pair et oui, un homme d'une vive intelligence, fait une sortie enragée contre l'état actuel des choses au Québec, et en voilà que certains dans les médias sous-entendent que l'homme aurait des problèmes psychologiques…
Fatigué, VLB? Oui. Il prend d'ailleurs un repos de deux mois. Mais que dit-il au juste? Il parle ouvertement de son désarroi, c'est tout : «près de cinquante ans après m'être mis par l'écriture à rêver et à agir, je constate que nous n'avons jamais été aussi loin de l'indépendance que nous le sommes actuellement : nos élites n'ont jamais été aussi veules, même dans les chartes qu'elles nous ont imposées et qui consacrent le seul droit que nous avons encore, celui d'être aliénés ou aliénables». Le constat est dur, mais vaut sûrement qu'on y porte attention.
Il se sent orphelin politiquement, et il n'est pas le seul : «Ce Québec français, pacifiste, soucieux des minorités souffrantes d'ailleurs, on est en train de nous l'enlever. Moi, je me sens orphelin ces jours-ci. Doublement orphelin. Orphelin sur ma terre natale, Trois-Pistoles, qui a refusé que je lui redonne ce qu'elle m'avait prêté à ma naissance : ce sens de la culture et son inscription dans la modernité. Orphelin aussi parce qu'à Montréal on dit de moi que je représente le Québec ancien dont on ne veut plus, que je suis une manière d'ayatollah, sinon de taliban arriéré (…)»
VLB saute pas mal les plombs depuis quelques temps. Parfois, il en tartine épais et fait usage d'insultes qui ne font qu'obscurcir son propos par ailleurs pertinent sur le fond.
En fait – et je peux me tromper -, ce que VLB semble vivre aussi publiquement, c'est un deuil, son deuil. Le deuil du PQ comme parti prêt à faire ce qu'il était supposé faire – l'indépendance. Et le deuil, encore plus dur, de l'indépendance elle-même. Du moins, de son vivant.
On ne saurait sous-estimer l'impact d'une telle pensée, qu'elle soit fondée ou non.
La colère est une étape normale du deuil. Elle vient après la négation, précède la culpabilité et la tristesse, le tout débouchant sur l'acceptation.
VLB est un endeuillé en colère. C'est tout.
Je comprends ce que VLB dit et ressent. Je comprends qu’il soit fatigué de se battre pour la langue française, pour la culture et l’indépendance du Québec. Cependant, pour moi, à l’aube de la trentaine, je suis tout à fait motivé et inspiré par ces luttes et je ne suis pas prêt de les lâcher. C’est triste, mais il faut croire que l’âge fait son temps sur les militants. C’est un peu normal. C’est loin d’être facile, les luttes politiques, … surtout les luttes d’indépendance nationale.
Puisque le PQ n’a jamais expliqué en termes clairs en quoi consisterait la souveraineté, j’ai envoyé un courriel à VLB pour qu’il écrive le roman imaginaire d’un peuple après un référendum gagnant. Une sorte de saga à la Tolstoï mettant en scène la vie d’un Québécois moyen avec comme toile de fond les événements politiques heureux et moins heureux qui se déroulent. J’ignore s’il va accepter, mais je suis persuadée que ce serait passionnant. Il a le souffle qu’il faut pour ça, je n’en doute pas une seconde. Personne n’y a pensé encore parmi les auteurs. Cela pourrait être un outil de débat plus positif qu’un roman brûlé dans son poêle, non ? Pauvres arbres, on les gaspille alors qu’ils pourraient servir à donner de l’emploi à ceux qui oeuvrent dans l’édition… Qu’en pensez-vous et qu’en pensent vos lecteurs ?
Excellent sujet, Madame Legault, vous pouviez pas miser plus haut dans la littérature québécoise contemporaine.
Je l’aime d’amour tendre, moi, VLB. Lors, de mes premières vraies vacances en solo, en 1999, après dix ans de maternage intensif de mes rejetons,c’était lui ma première destination-vacances au Québec Lui et son oeuvre matérialisée à ce moment-là par l’héritage version théâtre incarnée par le collossal Gilles Pelletier en inflexible patriarche troublant, une autre des multiples incarnations de de VCLB lui-même.Et son musée, sa bibliothèque, sa brocante, son rsto agora, le petit théâtre, jamais assez subventionnés popur durer, hélas!
Mais quel génie, quelle beauté dans cette langue réinventée, ce français pourtant tout à fait intelligible. Je logeais alors dans ce petit hôtel à Trois-Pistoles, et la nuit, fantasmant sur ce déjà vieux bouc malcommode, mais si riche des plus folles nuances de l’esprit et des sentiments humains qu’il soit possible d’exprimer à un être humain.Et l’Héritage, et Bouscotte et le formidable Bleu du ciel, quoi qu’on en ai dit…
J’ai lu une dizaine de ses romans, toutes ses biographies, dont l’incroyable brique illustrée sur Joyce.Du pur génie dans cet homme , et du sentiment en plus, tellement que le désengagement évident du Québécois flagollant, l’atteind en plein coeur et le rend malade de rage et de tristesse. Même ses fanfaronnades à la sauce ADQ, j’en suis persuadée, n’étaient destinées qu’à brasser les souverainistes mous, hélas de plus en plus nombreux.
Allez, Victor, te laisse pas sombrer dans le marais tiède de la désespérance, tu peux bien crâmer symboliquement tous tes bouquins en un auto-autodafé puissament symbolique, tu es déjà Victorieux et éternel , dans le « Zeitgeist » universel francophone. J’ai hâte de lire Ta Grande Tribu, avant les prévisibles tribulations qui nous attendent…
Madame Legault,
Sur tout ce qui se dit et s’écrit au sujet de Victor-Lévy Beaulieu ces temps-ci, je considère votre texte comme étant l’un des plus pertinents.
Qu’il arrive à VLB parfois de « sauter les plombs » ou de se découvrir soudainement des affinités politiques ponctuelles incongrues ( notamment avec l’ADQ), il n’en demeure pas moins qu’il demeure l’un des plus grands écrivains québécois sinon le plus prestigieux! Ne serait-ce que pour son oeuvre magistral, il mérite le respect! Il est tout à fait compréhensible qu’ayant consacré sa vie à triturer les méandres de l’inconscient collectif québécois, il se sente actuellement dans un « trou noir »! En dépit de ses extravagances, il fait preuve d’une étonnante lucidité, à l’instar d’un Jacques Godbout (toutefois plus modéré), en ce qui concerne l’avenir du Québec français! On peut toujours continuer à se bercer de douces illusions sur un Québec indépendant fier et glorieux, mais force est de constater que le temps joue de plus en plus contre nous, compte tenu du déclin démographique des « Canadiens-français » qui, par conséquent, sont de moins en moins les seuls « dépositaires » de la survie de la langue et de la culture québécoise! Et, ce n’est sûrement pas avec une « indépendance de quêteux », arrachée par la « peau des dents », comme c’aurait été le cas il y a bientôt 15 ans, que nous pourrions pavoiser dans un Québec idyllique!
Mon Dieu! pourquoi tant d’épanchements sur un écrivain indépendantiste qui agit comme un enfant gâté…..brûler ses livres, dans son univers de retranché, on en a que faire…qu’il ait donc le courage de brûler ses livres, sur la place publique, pour la cause de l’indépendance. Son geste prendrait une toute autre valeur symbolique….Un geste de la volonté d’y croire et de s’accrocher à ce rêve, comme un homme authentique et vrai. Victor-Lévy Beaulieu incarne tout, sauf cela…
Que Victor Lévy Beaulieu brûle son œuvre et n’oublie rien
Le Québec de Victor Lévy Beaulieu me tombe sur les nerfs depuis toujours. Son «Québec» est tout ce qu’il y a de plus terne, bourré de petites vies sombres, hypocrites, maladives, vengeresses et dépressives où la chicane et la trahison s’abreuvent à une nature humaine tordue. Victor Lévy Beaulieu fait partie de ceux et celles qui croient que le reflet dans un miroir culturel aide les gens à se comprendre, à s’accepter et à changer pour le mieux. Mais ce n’est pas en passant des heures devant un miroir (livre, radio, télévision) que l’humain saisit sa destiné. Le miroir, c’est un gadget pour cacher aux autres ses réelles intentions. Comment ne pas penser aux découvreurs de l’Amérique remettant aux indiens des fragments de miroirs à qui ils volèrent ensuite les terres.
«Si rien n’est fait et rien ne bouge, il brûlera toute son oeuvre car cela signifiera que tout ce qu’il a écrit n’a servi à rien.» Source Victor Lévy Beaulieu a passé toute sa vie à marchander des miroirs de la société québécoise sous son angle la plus sombre. On ne peut pas parvenir à autre chose qu’une vue sombre. Il fait partie de ceux qui ont tué le rêve québécois en le poussant dans une nuit sans fin. Victor Lévy Beaulieu vient de sombrer dans la noirceur de son œuvre mouvante comme Nelligan dans l’abîme du rêve.
Sa génération, celle des révolutionnaires tranquilles, sera maudite malgré son œuvre. À l’instar de l’église catholique d’avant révolution dominant le Québécois, Victor Lévy Beaulieu fait du chantage en annonçant qu’il brûlera son œuvre. Qu’il la brûle car il est temps qu’une vraie lumière nous donne un peu d’espoir.
Serge-André Guay, président éditeur
Fondation littéraire Fleur de Lys
TÉLÉPHONE
(514) 680-1211 (Montréal, Québec, Canada)
ADRESSE POSTALE
Fondation littéraire Fleur de Lys,
6678, 25ème Avenue,
Montréal,
Québec.
H1T 3L7
ADRESSE ÉLECTRONIQUE
[email protected]
SITE INTERNET
http://www.manuscritdepot.com
M. Guay !
Que VLB ne brûle pas son oeuvre, au contraire. Il faut la revaloriser.
Ses opinions publiques ont peut-être confuses un moment mais c’est pas une raison de lui en vouloir.
VLB est un grand écrivain québécois comme on en a peu. Il a plus besoin de soutien en ce moment que de se faire reprocher son « excessif » amour pour son pays.
L’oeuvre de VLB est essentielle pour qui veut commencer à comprendre le Québec. Il y a trop d’ignorance crasse (extérieure bien sûr !) sur celui-ci pour qu’on lui reproche de dire quelques bêtises.
Oui pour l’espoir renaissant par ailleurs …