Jean Charest est sorti de son conseil général avec un mirobolant vote de confiance de 97,2% ! De quoi donner de l'urticaire à Bernard Landry…
À entendre tous ces Libéraux vanter tout à coup le «courage», la «force», la «détermination» et même le retour du sens de l'humour légendaire de leur chef, c'est à se demander qui peuvent bien être ces 2,8% de Libéraux dissidents, qui n'ont pas vu en M. Charest la même réincarnation de Churchill ou du général de Gaulle… Allez, on veut des noms!
Bon. Blague à part, le premier ministre est ce qu'on appelle aujourd'hui un «résilient». Il s'est remis de chacune des épreuves de sa longue carrière politique à Ottawa. Mais de se remettre avec autant d'aplomb d'avoir mérité le premier gouvernement minoritaire au Québec depuis 1878, c'est quelque chose.
Le PLQ demeure tout de même en territoire minoritaire, mais s'est glissé au deuxième rang chez les francophones en devançant l'ADQ de Mario Dumont. Pour Charest, petit train libéral ira loin.
Les votes de confiance ont beau vouloir dire peu de choses dans les faits – Lucien Bouchard et Daniel Johnson ont démissionné quelques mois après en avoir récolté de très élevés -, Charest n'est plus le mort vivant qu'il était l'été dernier.
Face à Pauline Marois, qui stagne depuis des mois, et face à un Mario Dumont dans le trouble, mais tout aussi résilient que Charest, la possibilité d'un troisième mandat libéral (!) n'est plus farfelue. Mais attendons de voir la suite.
Une mention spéciale va tout de même à ses deux conseillers revenus de l'ère Bourassa : Michel Bissonnette et John Parisella. Voilà bien deux conseillers comme tous les chefs rêvent d'en avoir – intelligents, expérimentés, discrets et humbles. Contrairement à ce qu'on voit au PQ ces jours-ci, Bissonnette et Parisella ne se comportent pas comme des petits kids kodaks cherchant l'attention et surtout, le «crédit» pour ce que fait ou dit leur chef…
Charest a un autre avantage : le temps. Le budget de jeudi ne provoquera pas d'élections. D'autant plus que ni l'ADQ, ni le PQ n'en veulent. Charest utilisera ce temps pour parler beaucoup d'économie.Hormis le rapport de la commission Bouchard-Taylor, sa seule réponse au recul du français sera un petit plan d'action promis pour la fin mars…
Ce plan sera sûrement aussi inoffensif que celui présenté par Louise Beaudoin au printemps 1996. Alors ministre responsable de la Loi 101, face aux signes de recul déjà visibles à l'époque, elle avait présenté un «bouquet de mesures» sur la langue. Mais son objectif était surtout de faire taire la controverse autour de ce même recul pour mieux pelleter le débat au congrès du PQ de novembre 1996 où Lucien Bouchard allait réussir à enterrer toute tentative de renforcer la Loi 101. Pas de doute que M. Charest suivra en 2008 exactement la même stratégie. Avec les mêmes résultats.
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LE POÈTE
Sur une autre note, ce 10 mars, Leonard Cohen sera intronisé dans le Rock & Roll Hall of Fame à New York. Cohen est un des plus grands poètes et auteurs-compositeurs du Québec moderne. Connu et admiré à travers le monde, je n'ai jamais compris le si peu d'attention qu'on lui prête ici. Sûrement, encore, une question de «langue». L'homme est pourtant un artiste, un vrai. Son oeuvre est gigantesque.
Ce printemps, à 72 ans, toujours aussi bouddhiste et moine, il partira en tournée. En bonne partie parce que cet artiste exceptionnel s'est fait voler des sommes importantes par un agent il y a quelques années. Mais pour nous, ses fans, c'est un retour inattendu et inespéré.
Il y a des lunes et des lunes, je l'avais vu en concert au Forum de Montréal, tout juste avant qu'on le transforme en l'horreur qu'il est devenu. Il avait présenté chacune de ses chansons en français seulement et en traduisait aussi le premier couplet. C'était, j'imagine, comme une déclaration d'amour à Montréal et au Québec où il est né. Il serait grand temps, me semble-t-il, qu'on lui fasse la nôtre…
Je n'ai pas vraiment de chanson ou de poème préféré de Cohen. J'en aime tellement. Pas une fois non plus où je ne vais sur le boulevard Saint-Laurent sans espérer le voir sortir de sa maison…
Mais il y a cette petite phrase magique de lui, comme portée par la complexité, la dureté mais aussi la beauté de la vie : «There is a crack in everything. That's how the light gets in.».
Jean Charest profite sans bégain pour lui de la part des Québécois francophones de la faiblesse de ses adversaires. M.Dumont dégage une consistance politique qui n’est pas si loin de faire penser à celle des défunts créditistes. Le message adéquiste en dehors de son idée fixe sur la minceur de l’État contredite même par des mesures hypothétiques qui balancent au rythme des sondages ne porte plus tellement. Le PQ lui souffre de son excès de modération politique auprès des souverainistes afin de rejoindre un peuple qui se drogue d’hyper consommation. P.Marois depuis qu’elle est chef par ses positions tente de plaire à tous: du bilinguisme pour les fédéralistes et une loi de la citoyenneté destinée aux nationalistes.
Plusieurs Québécois sont prêts à voter pour le PQ faute de mieux, madame Marois ne dégage aucun charisme mais elle apparaît par défaut plus crédible que monsieur Dumont.
En passant, le gouvernement péquiste en 2002 a fait voter pour la loi 104 contre un trou de la loi 101.
Ressuscité pour mieux mourir, Jean Charest n’est qu’un Premier Ministre en sursis, alimenté par la bouteille d’oxygène du pouvoir, qui se fera balloté par les évènements à venir et, que le miracle du temps qui s’écoule, se chargera de le finir, pour une retraite tant attendue. Il dure, en comptant sur la faiblesse des deux partis d’opposition. Cependant, Mario Dumont n’a pas dit son dernier mot, quant à Pauline Marois, qu’elle s’en aille ailleurs…pour laisser la place à des plus compétents du parti. Sa vie de confort l’engourdit dans ses activités politiques. Il n’y a plus rien à faire pour elle que de la tasser, vers la voie de secours…..