(Désolée si ce billet est un peu long, mais l'histoire n'est pas simple non plus…)
Alors qu'on entend que ça n'a aucun intérêt, vous vous êtes sûrement demandé pourquoi vous devriez vous intéresser à l'«affaire Bruno Fortier», cet ex-délégué général du Québec à New-York congédié pour «insubordination»?
Il y a évidemment son côté exceptionnel, qu'on semble déjà oublier. C'est la première fois qu'un délégué général se fait virer aussi brutalement; que son passage n'aura duré que huit mois; que c'est un ami d'enfance du premier ministre; qu'il a été l'objet d'une plainte pour harcèlement psychologique; et que la ministre responsable pour laquelle il a pourtant fait du travail partisan bénévole ainsi que son sous-ministre justifient ce congédiement en traitant un ami du PM d'instable et d'insubordonné; la plupart des témoins entendus à la commission parlementaire ont donné des versions contradictoires de ce qui s'est passé, etc..
On rédige des romans avec moins que ça…
La tentation est pourtant forte de banaliser toute cette histoire justement pour cause de nébulosité avancée.
Et il y a cette autre tentation. Celle d'en rester au premier degré, celui du favoritisme. Parce que tous les gouvernements, ici comme ailleurs, récompensent des tinamis avec des postes prestigieux et bien rémunérés, il est facile de réduire l'affaire Fortier au syndrome classique de l'assiette au beurre. On sait qu'il faut revoir le mode de nomination hautement partisan de plusieurs postes de hauts-fonctionnaires – je l'écris depuis des années. Mais il y a autre chose…
Le fait que ce PM, comme d'autres avant lui, considère le poste de délégué général en partie comme un bonbon partisan en dit particulièrement long sur le lent déclin de la politique internationale du Québec qui, à toute fin pratique, n'existe plus qu'à peine.
Mélangez le tout à des délégations souffrant encore des compressions budgétaires du gouvernement Bouchard et une ministre actuelle aussi invisible qu'incolore – Monique Gagnon-Tremblay – voilà l'illustration parfaite d'un autre pan de notre vie collective qu'on laisse aller sans dire un mot.
Pour ce qui est de l'affaire Fortier en soi, elle est d'intérêt public. Pourquoi? Parce que Fortier, ami ou pas du PM, était un délégué général payé par les fonds publics, qu'il a été l'objet d'une plainte pour harcèlement psychologique et que les témoins entendus cette semaine en commission parlementaire se sont contredits sur des éléments cruciaux de cette histoire au point de la transformer en véritable toile d'araignée.
Surtout, il y a LA question cruciale. Quel était le type de harcèlement contenu dans la plainte faite contre Fortier par une employée de la délégation de New-York? (Mardi, grâce aux questions serrées des députés, on finissait aussi par apprendre de la bouche d'une haute-fonctionnaire du ministère que la plaignante viserait aussi une DEUXIÈME personne à part Fortier, celle-là étant encore à l'emploi de la délégation. Ouf!) Et maintenant, on parle de «campagne de salissage» contre Fortier émanant peut-être de la délégation. C'est n'importe quoi. Demain, ce sera sûrement autre chose…
Terre à Monique Gagnon-Tremblay: qui s'occupe de ce qui se passe à la délégation de New-York ???
Alors que le sous-ministre aux Affaires internationales avait déclaré que la plainte contre Fortier avait été rendue caduque par son congédiement, une haute-fonctionnaire dit plutôt que cette double plainte serait encore examinée par une «ressource externe» devant en faire éventuellement rapport au même sous-ministre. Mais, en passant, il n'existerait aucun «rapport écrit» de la situation… Aucun rapport écrit? Vraiment?
Et que dire du malaise entourant le refus du gouvernement d'entendre une ancienne employée de la délégation, Mira Clément, à la commission parlementaire? Congédiée par Fortier alors qu'il y était directeur des affaires économiques, elle a pourtant demandé à témoigner pour donner la version des employés.
Et là, on revient au coeur du problème : cette plainte portée contre un délégué général, un poste très public et pas n'importe lequel. Le mystère qui demeure est dommageable pour tout le monde – y compris pour Fortier lui-même s'il s'avérait qu'il en était innocent – parce que la notion de harcèlement psychologique contenue dans la Loi sur les normes du travail couvre en fait tout un éventail de situations allant de moyennement à très graves, lesquelles peuvent être de nature psychologique et/ou physique.
Lorsqu'on lit attentivement la Loi, on voit bien que laisser le mystère planer sur des possibilités aussi troublantes ne peut qu'alimenter les pires rumeurs, qu'elles soient fondées ou non. Pourquoi ne pas simplement donner les faits en respect des personnes concernées et de la confidentialité de la plaignante? Et si tout cela n'est que ragots, qu'on le démontre, mais qu'on nous dise alors d'où vient vraiment ce congédiement spectaculaire et exceptionnel? Bref, ce ne sont pas les questions qui manquent. Ce sont les réponses, la transparence et d'imputabilité. Mais ne retenez pas votre souffle…
Petite notice, en passant : le terme blogue désigne le contenant, le site, la page et non le contenu… Le terme « billet » est celui qui sied le mieux pour désigner le texte.
Voir la définition du terme « blog/blogue » sur Wikipédia, dont j’ajoute ici la première phrase : « Un blog ou blogue (mot-valise de web log) est un site web constitué par la réunion de billets écrits dans l’ordre chronologique, et classés la plupart du temps par ordre antéchronologique (les plus récents en premiers). »