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Séraphin Harper

Ce matin, la une du Devoir titrait: «Harper asphyxie ses adversaires. Les conservateurs coupent les vivres aux partis politiques.

Même nouvelle à la une du Globe and Mail: http://www.theglobeandmail.com/servlet/story/LAC.20081127.ECONOMY27/TPStory/?query=harper+and+financing+and+flaherty

L'histoire? Incroyable, mais vrai, Harper entend abolir les compensations versées aux partis par l'État, soit 1,75$ par vote reçu. Pour le Parti libéral dont les coffres sont déjà vides, ce serait une perte de 7,1$ millions – une véritable hécatombe.

Pour le Bloc, ce serait 2,7$ millions en moins; le NPD perdrait 4,9$ millions et le Parti vert serait réduit à quêter dans les rues. Pour tous les partis d'opposition, ce sont des pertes considérables.

Pour le PC, ça ferait 10,2$ millions en moins. Mais comme ses coffretss débordent de dons, le résultat serait que le PC croulerait sous l'argent, alors que le PLC en crèverait; le Bloc et le NPD tiendraient par un fil.

Car si on écrit toujours que le PC est avantagé au niveau des dons individuels parce que ses racines alliancistes sont «populistes», force est d'ajouter que dans ce «populisme», on retrouve aussi tout un chapelet de lobbys religieux et/ou de droite, petits ou grands, dont les membres sont particulièrement généreux envers le PC de Harper. 

(Après Jean Chrétien qui avait déjà sévi en 2003, Harper a serré encore plus la vis au financement des partis, abaissant de 5 000$ à 1 100$ tout don maximal, le tout en excluant les entreprises.) 

Et le prétexte? Vous ne le devinerez jamais. En période économique difficile, nous dit le gouvernement Harper, les élus doivent «montrer l'exemple» en faisant, eux aussi, des «sacrifices».

C'est tellement gros, tellement dangereux pour la démocratie canadienne, qu'il n'y a pas de mots pour décrire une telle intention. Ah oui. Peut-être un mot vient à l'esprit: autoritarisme.

Et après, qui osera dire que Stephen Harper n'a pas un instinct de tueur, politiquement parlant? Comme quoi, d'avoir obtenu une deuxième minorité de suite ne l'a pas rendu plus humble, seulement plus déterminé, jusqu'à l'aveuglement, à continuer de tenter d'affaiblir les partis d'opposition dans le seul et unique but de faire du PC le nouveau natural governing party du Canada.

D'où une question incontournable: qui seront les prochains? Bon. On sait que certains programmes en culture prendront le bord; les groupes de femmes et les minorités continueront d'en souffrir. On voit même le gouvernement tenter maintenant de suspendre le droit de grève de sa propre fonction publique.

Radio-Canada sera-t-il le prochain dans sa mire? Le gouvernement se mettra-t-il aussi à choisir quelles facultés universitaires mériteraient plus ou moins d'argent, en se basant sur des critères idéologiques? Qui sait?

S'il s'avère en effet que Stephen Harper tentera d'imposer ce virage dangereux en faisant de son «package deal» malodorant un vote de confiance, il ne restera qu'aux partis d'opposition de tenir tête, collégialement. Surtout, il restera aux citoyens à s'en mêler et ce, au-delà des appartenances partisanes.

Que ce soit ou non un vote de confiance, si des milliers de citoyens se sont mobilisés pour exprimer haut et fort leur désir de voir Elizabeth May participer au débat fédéral des chefs, cette menace directe à l'exercice même de la démocratie devrait en réveiller de bien plus nombreux encore. 

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À voir aller le premier ministre, on ne sait trop s'il est un Séraphin Harper, ou s'il est plutôt un genre de Stephen Duplessis disant aux partis d'opposition – pour reprendre l'expression de Nick Nanos, ce soir sur CPAC – que «tout ce qui ne gravite pas dans l'univers Harper» est appelé à souffrir?

Plus on y pense, plus les partis d'opposition doivent se sentir devant une réincarnation idéologique de Duplessis leur disant, à eux aussi: «toé, tais-toé!».