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La mort d’une sirène

 

Le rapport d'autopsie saura dire si oui ou non, Nelly Arcan se sera donné la mort.

Je ne la connaissais pas «personnellement», comme on dit dans le milieu des communications, autre que de l'apercevoir de temps en temps dans ce quartier qu'on partageait avec tant d'autres.

Mais comme pour toute mort prématurée, on craque. On encaisse, mais on reste muet.

Et s'il advenait que c'était en effet un suicide, on ne pourra, comme pour tous les suicides, que penser à la profonde souffrance de l'âme et de l'être qui l'aura précédé.

Et on se murmurera peut-être un mot: espoir. On se demandera comment il fait, depuis la nuit des temps, pour échapper aux uns et, parfois, en sauver d'autres.

On réalisera qu'il n'existe dans les faits aucune réponse à cette interrogation.

Une de mes chroniques préférées de Madame Arcan, de son nom de plume, était celle, superflue d'apparence, sur l'astrologie. Mais surtout, sur la fascination qu'elle exerce sur plusieurs femmes.

Son propre signe, le Poisson, lui avait inspiré ce passage, avec, bien entendu, une solide dose d'ironie:

«Personne n'en veut jamais au Poisson. Il émet des bulles. Il passe son temps à rêver, en silence, dans les algues de la vie, en attendant d'être mangé par un Lion, un Taureau, ou un Scorpion. Tout le monde s'entend bien avec le Poisson. Il parle peu ou pas du tout. Il est créatif et intelligent, mais, devant l'adversité de tous les autres signes, surtout s'ils chargent ou rugissent, le Poisson fuit. Le Poisson est neutre (nul) et c'est en fonction de cette neutralité (nullité) qu'il jouit d'une immunité. Un ticoune.»

«Nulle»? Surtout pas. Tout sauf.

«Poisson»? Plus précisément une sirène.

Dans tous les sens du mot…

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Mes plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Nelly Arcan.

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