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LE SYNDROME JEAN BRAULT

 

Un jour, les historiens diront peut-être que Benoît Labonté aura été à la «grangrène» qui gruge présentement la démocratie municipale et québécoise, ce que Jean Brault de Groupaction aura été au scandale des commandites.

Soit deux personnages peu sympathiques, ambitieux, opportunistes, ayant, comme tant d'autres, participé volontiers à des pratiques douteuses, mais qui, une fois piégé par des circonstances hors de leur contrôle et n'ayant plus rien à perdre, ont néanmoins choisi de se «mettre à table» plutôt que de continuer à se taire pour mieux protéger leurs maîtres politiques.

(*) Rappelons que M. Brault, traité à l'époque par plusieurs de filou sans la moindre crédibilité, a pourtant contribué à ce que la Commission Gomery expose le système occulte qui existait au PLC où sous prétexte de «défendre l'unité nationale», on y détournait des fonds publics pour remplir les coffres du parti et graisser la patte de certaines firmes amies du régime en leur donnant de généreux contrats gouvernementaux. Ni héros, cependant. Ni victime.

Hier soir, à l''émission d'Anne-Marie Dussault, il fallait d'ailleurs voir ET le bras droit de Gérald Tremblay – Diane Lemieux –, ET celui de Louise Harel – Pierre Lampron –, s'en prendre tous les deux très durement aux «mensonges» de Labonté… (1)

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Tout de go, je vous dirais que la première réflexion qui me vient après avoir visionné l'entrevue de Benoît Labonté à Radio-Canada est celle-ci:

Si l'entourage immédiat de Gérald Tremblay avait cru avoir frappé un grand coup contre Louise Harel en tentant d'ajouter aux coulages aux médias sur le «cas» Labonté (2), la tactique s'est transformé pour l'équipe du maire en un dangereux boomerang.

Primo: parce qu'en ayant décidé de parler plutôt que de se taire, le risque est que les révélations de M. Labonté finissent par se retourner aussi contre le maire, et peut-être plus encore que contre Mme Harel, puisqu'elles braquent les projecteurs sur sa propre inaction.Ainsi que sur ses contradictions.

Un jour le maire nie qu'il y ait le moindre problème. Un autre, il clame avoir «peur» et parle de «bombes désamorcées». Un jour, il défend Frank Zampino bec et ongles. L'autre, il «confesse» avoir appris en 2001 que des «enveloppes brunes» se promenaient à gauche et à droite. Un jour, il veut une commission d'enquête. L'autre, il la rejette craignant que des gens «disparaissent». Etc. etc., etc…

Secundo: parce que la description de Labonté et sa dénonciation de l'«hypocrisie» derrière le financement des partis tel qu'il existe, se retourne aussi contre la classe politique dans son entier. Incluant ses membres les plus honnêtes. De fait, c'est toute l'«élite» politique québécoise qui ressort ce soir affublée d'un oeil au beurre noir.

Le fait même que l'entourage du maire ait présumément cherché à encourager des coulages aux médias aptes à discréditer Louise Harel en s'en prenant à Labonté démontre aussi ceci:

Primo: le maire semble être pas mal plus retors et pas mal moins «naïf» que son personnage public ne le laisse croire. Pas très Monsieur Bean, dans les faits…

Secundo: à deux semaines seulement du vote, un comportement de ce type tend à montrer que l'équipe du maire était inquiète. Et donc, peinait à croire qu'elle pouvait gagner sans recourir, entre autres, à un tel procédé.

Bref, je crois qu'on aura banalisé à tort cette tentative en arguant que de tels coulages font tout simplement partie de la game politique. À tort, parce qu'on peut aussi croire que la politique peut se faire sans ce genre de tactique douteuse. Aussi, parce que, lorsqu'on s'y attarde, les coulages en disent long sur les motifs de ceux qui les font… Comme dans ce cas-ci.

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Ou dit plus crûment: lorsque Benoît Labonté avance qu'il est victime d'un «assassinat politique» venant de gens qui travailleraient aujourd'hui directement ou indirectement pour le Clan Tremblay, il y a de bonnes chances qu'il ait raison. Le contexte politique et les intérêts en jeu étant ce qu'ils sont… Mais il a raison en partie seulement. Car, dans les faits, la personne la plus visée par l'éclatement de l'«affaire Labonté» le week-end dernier est plutôt Louise Harel, la véritable adversaire. Et l'adversaire qui se retrouve maintenant jugée durement pour s'être associée au même Labonté. 

Bref, dans la lutte féroce pour l'Hôtel de Ville, Benoît Labonté n'est en fait ici que du «dommage collatéral». Mais, sûrement à la grande suprise de l'entourage du maire, du «commage collatéral» qui, une fois piégé, s'est retourné contre la gouvernance du maire bien plus que contre Mme Harel

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 Ce qui, en passant, ne veut pas dire que d'autres n'ont pas aussi tenté de s'en prendre anonymement à Labonté! Ce ne sont d'ailleurs pas les témoignages de ce type qui auront manqué. Et heureusement, puisque la vérité éclate ainsi au grand jour.

Mais même s'il appert que ces témoignages anonymes ont, eux aussi, de bonnes chances d'être véridiques, la question demeure: pourquoi ne pas avoir dénoncé avant la campagne électorale ce qui, de toute évidence, aurait dû l'être? Bref, quels intérêts cela a-t-il pu servir d'attendre ce moment très stratégique, si ce n'est que de tenter d'aider l'équipe Tremblay à garder le pouvoir?

Et j'avance cette hypothèse sans la moindre complaisance envers Louise Harel, laquelle a pris comme son bras droit, quelqu'un sur qui, justement, le «doute» flottait depuis un bon bout de temps.

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Cette hypothèse, je l'avance plutôt d'un point de vue analytique.

Et partant toujours, en science politique, de la question fondamentale suivante: à qui le «crime» profite-t-il?

Ou, dans ce cas-ci, à qui le «crime» était-il supposé profiter si, en effet, Labonté avait choisi d'aller lécher ses plaies en silence plutôt que de vider son sac sur les ondes de Radio-Canada?

Protéger le statu quo à l'Hôtel de ville ferait l'affaire, et répondrait aux intérêts, de pas mal de monde.

Incluant des personnages puissants et influents, dont la puissance et l'influence reposent en bonne partie sur une manne de contrats publics particulièrement lucratifs…

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Au-delà des luttes DE pouvoir et POUR le pouvoir:

Pour bien des citoyens, le témoignage de Labonté, l'état de dénégation béat du maire, la présence du crime organisé dans l'industrie de la construction, l'existence d'un système de collusion, le gonflement scandaleux des coûts qui en résulte, de même que le refus obstiné du gouvernement de créer une commission d'enquête indépendante risque de faire la démonstration finale et ultime que la classe politique actuelle fait peut-être plus partie du problème que de la solution

Ce qui, dans la société civile et chez les intellectuels, pourrait déboucher sur une de deux réactions diamétralement opposées.

L'«affaire Labonté», en tant que révélateur du cancer, pourrait soit renforcer la désaffection des citoyens envers la chose politique en les confortant dans leur cynisme et, surtout, leur sentiment d'impuissance. Ce qui, à son tour, ferait parfaitement l'affaire de ce système dysfonctionnel.

Ou, encore, encourager ceux que ce type de politique horripile à sauter dans l'arène de la Cité et à prendre leur place.

Soit en faisant de la politique active. Mais AUTREMENT. De manière éthique et surtout, morale. Question d'aller nettoyer les écuries. (À ce chapitre, et sans égard aux affiliations partisanes, il était fort rafraîchissant d'entendre Richard Bergeron dire hier soir que, non, la politique n'est PAS une chose «sale». Et donc, qu'il EST possible de faire de la politique autrement et avec moins d'argent. Ce qu'on tend à oublier de ces jours…)

Soit en votant. Soit en s'informant, en interpellant les élus, en assistant aux conseils, voire même en manifestant pacifiquement une fois de temps en temps. (Si on peut manifester sur des enjeux internationaux, on pourrait peut-être réapprendre à le faire pour des enjeux qui touchent aussi notre propre société…).

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Bref, désolée pour le cliché. Mais sa vérité profonde ne se dément pas.

Si nous ne nous occupons pas de la politique, la politique, elle, s'occupera de nous.

Et, qui sait? Peut-être que dans les prochaines années, la vue de toute cette boue donnera à certains le goût d'enfiler leurs bottes de caoutchouc, question de contribuer au grand nettoyage, chacun à sa façon, avant qu'elle ne nous monte jusqu'au cou…

Si j'enseignais encore la science politique plutôt que de la pratiquer en journalisme, c'est de cela dont je voudrais discuter avec mes étudiants… Et mes collègues!

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(*) Pour visionner l'entrevue de Benoît Labonté:

http://www.radio-canada.ca/regions/Municipales2009/2009/10/22/009-benoit-labonte-entrevue.shtml

 

(1) Ce matin, lors de notre revue hebdomadaire de l'actualité à l'émission de Christiane Charette, nous en avons discuté avec Louise Harel, Gilles Taillon &t John Parisella.  

 http://www.radio-canada.ca/emissions/christiane_charette/2009-2010/chronique.asp?idChronique=94106

 (2) Autant Ruefrontenac.com que David Gentile de la SRC ont rapporté qu'une proche conseillère du maire aurait approché un certain Pierre Vaillancourt pour témoigner anonymement sur Labonté. Ce que M. Vaillancourt affirmait lui-même, à visage découvert, dans le reportage de D. Gentile, alors que la principale intéressée niait tout.

Voir: http://www.ruefrontenac.com/nouvelles-generales/electionsmunicipales/12423-labonte-vaillancourt