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Et si c’était Toronto ou Calgary?

 

En fin de semaine, le Parti québécois a tenu son colloque sur le thème de «gouvernement souverainiste et développement culturel».

Donc, ce fut une «discussion» où, par définition, aucune position ne fut arrêtée sur la question linguistique. Le tout devant déboucher sur un congrès au printemps 2011, là où les «décisions» devraient normalement se prendre.

En termes plus généraux, la chef, Pauline Marois, y promettait ceci: «Nous allons être audacieux, nous allons être clairs, nous allons être fiers.»

Un ton, tout au moins, qui semble plus déterminé.

http://www.ledevoir.com/politique/quebec/277811/il-faut-faire-reculer-l-anglais-dit-marois

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Ce qui, toutefois, soulève inévitablement la question des cégeps.

Ou, plus précisément à savoir si le PQ finira, ou non, par s'engager à étendre la Loi 101 aux cégeps. Donc, à interdire les cégeps anglophones aux francophones et aux allophones. Et surtout, à savoir s'il le ferait une fois au pouvoir.

Quoique tout soit possible en politique, si l'on part du principe voulant que le passé soit garant de l'avenir, vu sous cet angle, il semble peu probable qu'il le fasse.

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En fait, même au pouvoir, dès 1996, les chiffres inquiétants suivants étaient colligés:

En 1994, seulement 64% des étudiants allophones qui avaient reçu leur enseignement secondaire en français poursuivaient leurs études collégiales en français. Alors que ce pourcentage était de 81% en 1983. (En 1994, 52,9% des allophones s'inscrivaient aussi déjà dans une université anglophone.)

«C'est dire que si l'obligation de recevoir un enseignement en français au secondaire a eu un effet positif sur l'enseignement d'ordre collégial, le pouvoir d'attraction des cégeps francophones est en perte de vitesse(1)

Le problème demeure depuis.

Un problème qui dans les faits, lorsqu'on compare le Québec aux autres provinces et États américains, fait figure d'aberration. 

D'autant plus qu'en 2002, à peine 57% des allophones ayant fait leurs études secondaires en français passaient à un cégep francophone. Aujourd'hui, ce pourcentage n'a remonté que très légèrement autour des 60.

Mais on en «discute» encore.

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Posons-nous alors la question suivante, que je pose depuis des années:

Croyez-vous sincèrement que si, disons, à Toronto ou à Calgary, entre 40% et 50% des allophones décidaient de poursuivre leurs études supérieures en français (les cégeps étant des institutions québécoises), les gouvernements ontarien ou albertain refuseraient d'intervenir? Qu'ils laisseraient aller?

Croyez-vous vraiment, vraiment, vraiment que les Ontariens et les Albertains accepteraient de subventionner par leurs impôts l'éducation supérieure des allophones dans la langue de la «minorité de langue officielle», comme on dit à Ottawa?

Poser ces questions, c'est leur répondre.

Quoiqu'elles soient en quelque sorte des questions pièges…

Puisque, de toute façon, il n'y a qu'au Québec qu'existe un réseau complet d'institutions d'éducation supérieure fonctionnant dans la langue de la minorité de langue officielle.

De fait, il n'y a qu'au Québec qu'on accepte de voir une telle proportion d'allophones choisir de poursuivre leurs études supérieures dans une langue autre que celle de la majorité.

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Car si on considère les allophones dans leur ensemble, et non seulement ceux ayant fait leurs études secondaires en français, c'est plus ou moins la moitié d'entre eux qui optent pour un cégep ou une université anglophone.

Voici d'ailleurs ce qu'observait l'an dernier le professeur Charles Castonguay dans L'aut'Journal::

«Étendre la loi 101 au cégep hausserait d'abord la proportion d'allophones qui font leurs études collégiales en français. Ce qui, en toute vraisemblance, exercerait ensuite un effet haussier sur la proportion d'allophones qui travaillent en français. Ce qui, à son tour, ferait de même pour la part du français vis-à-vis de l'anglais comme langue d'adoption au foyer. Et, donc, pour le renouvellement démographique de la population francophone. (…)

Résumons. On peut dire grosso modo qu'à l'heure actuelle, environ la moitié des allophones étudient au cégep en anglais, fréquentent l'université anglaise, travaillent en anglais et, sans doute, choisissent, dans le milieu de vie montréalais, de s'angliciser et d'élever leurs enfants en anglais au lieu de se franciser et d'élever leurs enfants en français.

On peut laisser les choses comme elles sont. Quitte à voir la population anglophone croître plus rapidement que celle de langue française, comme on l'a vu entre les deux derniers recensements. Autrement dit, à voir le Québec devenir, graduellement, de moins en moins français et de plus en plus anglais.

Ou bien on peut intervenir de nouveau pour faire davantage du français la langue « normale et habituelle » de l'enseignement et du travail, comme le voulait la Charte de la langue française. Et, du même coup, la langue «normale et habituelle» d'adoption à la maison parmi les nouveaux arrivants, assurant ainsi le statut majoritaire de la population de langue française. Ce qui était également une considération de tout premier ordre dans le Livre blanc qui annonçait la Charte en mars 1977.»

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Bref, reprenons la question en jeu:

Agir?

Ou rester les bras croisés alors que le glissement vers l'anglais est pourtant connu depuis au moins 1996 et amorcé dans les faits depuis 1983?…

On sait que le PLQ ne fera rien sur cette question. Quant à l'ADQ, pour le moment, elle semble être occupée à autre chose: sa propre survie…

Ne reste que le PQ. Mais encore une fois, à la lumière de son dernier passage au pouvoir, il semble peu probable qu'il s'engage en bout de piste à étendre la Loi 101 aux cégeps s'il prenait le pouvoir.

À moins, bien sûr, que la pression dans ce sens se fasse sentir de plus en plus d'ici son congrès de 2011. Autant de la base péquiste elle-même, que de la députation et surtout, de la société civile. Et que Mme Marois, sur ce chapitre, finisse par surprendre.

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(1): La situation de la langue française au Québec (Projet, janvier 1996), Rapport remis à la Ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, p. 167. (Mieux connu sous le nom informel de «rapport Plourde-Legault»).