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Années Bouchard (II)

 

Suite du billet précédent, «Les années Bouchard»:

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La semaine dernìère, en entrevue avec Mario Langlois sur les ondes de 98.5 FM, Mario Dumont disait ceci de particulièrement révélateur:

«Mettons qu'il y avait eu un Oui à 50% et des poussières, pour bien ramasser ça et éviter les déclarations incendiaires. Le soir du référendum, assez vite dans la soirée, on a su que ça allait être bien, bien, bien, bien, bien serré. Puis, j'étais un peu stressé.» (…)

L'animateur lui demande alors s'il avait réfléchi à ce qui serait arrivé si le résultat avait été inversé (donc, si le Oui l'avait emporté par une très faible marge).

M.D.: «Oui. Et, là-dessus, quand je te dis que ça aurait pu mal tourner. On sait jamais. Moi, je pense qu'à terme, il y aurait eu une brisure. Puis, je veux pas parler au nom de Lucien Bouchard, mais je pense que le trio des trois partis, je pense que Jacques Parizeau aurait dit «non, on a un mandat, on a 50% +1, on fait l'indépendance», je pense que Lucien Bouchard et moi, assez rapidement, j'aurais dit que c'est un mandat de négocier pour arriver à un nouveau partenariat, à une nouvelle entente. En même temps, je connais les Québécois! Moi, je sais très bien que ça aurait brassé pendant deux mois, tu aurais eu un sondage qui aurait dit que si c'était à reprendre, il y en 45% qui voteraient Oui.»

(** Les propos sont transcrits verbatim. On y comprend néanmoins assez facilement que M. Dumont avance que si le Oui avait gagné par un cheveux, plutôt que le Non, à terme, il pense que la chicane – «une brisure» – aurait prise entre d'un côté, un Jacques Parizeau déterminé à faire l'indépendance, et de l'autre, messieurs Bouchard et Dumont, qui auraient plutôt penché vers la thèse du «rapport de forces».)

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Ce qui nous ramène au troisième tome du journaliste Pierre Duchesne sur Jacques Parizeau.

En entrevue avec M. Duchesne, Jacques Parizeau lui-même affirmait qu'en effet, pendant la préparation du référendum de 1995, M. Bouchard avait tenté de le convaincre de reprendre l'approche de 1980, à savoir la tenue d'un second reférendum suite à la victoire du premier pour faire «approuver» le résultat des «négociations» avec Ottawa. (Voir Pierre Duchesne, Jacques Parizeau. Tome III. Le Régent, Québec Amérique, 2004, section «Les deux référendums», pp. 372-…)

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Le problème étant par contre qu'une indépendance nationale ne requiert pas deux référendums. Mais un seul.

Par contre, si on veut se servir d'un Oui majoritaire, surtout serré, comme outil de rapport de forces pour tenter de négocier avec Ottawa une nouvelle entente, disons, plus autonomiste, et bien là, en effet, la tenue de deux référendums est plus appropriée. Puisque le deuxième référendum porterait nécessairement sur les résultats de la négociation d'une «nouvelle entente». Aussi – et d'aucuns diraient «surtout» – parce qu'un deuxième référendum porte en soi le risque q'il soit défait…  

On voit donc que la thèse même des deux référendums est , au pire, antinomique à la réalisation d'une indépendance nationale. Et au mieux, si on peut dire, extrêmement risquée. C'est d'ailleurs pour cela que M. Parizeau était en désaccord avec l'approche de 1980 (mais étant ministre à l'époque, il l'a néanmoins soutenue publiquement). Et c'est pour cela qu'une fois premier ministre, il l'a abandonnée. Tout comme il a rejeté l'idée de M. Bouchard de retourner à la stratégie de deux référendums de 1980.

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Et pour revenir un tant soit peu sur les nombreuses réactions au billet précédent, il reste qu'on aura beau tenter la quadrature du cercle, objectivement, on ne peut être à la fois persuadé que Meech était LA solution pour le Québec et que la souveraineté le serait aussi.

Certes, on peut avoir été persuadé que Meech était LA solution, mais croire que suite à son échec, en juin 1990, la souveraineté l'était devenue.

Ou, on peut avoir été persuadé que Meech était LA solution, mais croire que suite à son échec, en juin 1990, des demandes plus franchement autonomistes l'étaient devenues.

Mais on ne peut croire en même temps que Meech – une réforme de la constitution canadienne – et la souveraineté du Québec sont LA solution.

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En passant, ce qui est écrit dans ce billet et le précédent est basé sur des faits, sur des années d'analyse ainsi que sur le travail de moine que sont les trois tomes de Pierre Duchesne, journaliste à Radio-Canada. On peut certes ne pas partager cette analyse.

Mais pour ceux que toute analyse minimalement critique des années Bouchard tend à choquer irrémédiablement, il reste que cette analyse, tout comme le travail de M. Duchesne, ne sont ni des états d'âme, ni un jugement et encore moins un positionnement idéologique.

Surtout, encore une fois, que M. Bouchard soit ou non souverainiste aujourd'hui, à la limite, ça ne regarde personne. Incluant nous, les journalistes. L'ancien premier ministre étant sorti de la politique active.

Par contre, ce qui demeure d'intérêt pour qui veut faire l'analyse de l'ère pré- et post-Meech (à ne pas confondre avec l'admiration qu'on peut ou non avoir pour un personnage), est de tenter d'analyser les faits, les gestes, les actions des principaux acteurs de l'époque. Autant ceux qui furent posés en public que ceux qui le furent derrière les portes closes dans les «coulisses» du pouvoir. La lecture de l'ouvrage de mon collègue Pierre Duchesne demeure à cet égard plus qu'éclairante.

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