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Éthique & culture religieuse (prise I)

 

Vous avez sûrement eu vent de la dernière controverse, parmi d'autres, entourant le nouveau programme obligatoire «Éthique et culture religieuse». Mieux connu comme étant le «ECR»…

Le vent de la controverse souffle si fort que cette semaine, il a même fait perdre ce dossier au député péquiste Pierre Curzi. Sa chef, Pauline Marois, lui ayant retiré ce dossier après qu'il ait pris parti pour l'abolition du ECR.

http://www.ledevoir.com/politique/quebec/279435/parti-quebecois-marois-retire-a-curzi-le-dossier-ethique-et-culture-religieuse

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Surtout, il y a cette étude, elle aussi, par définition «controversée», de madame Joëlle Quérin, doctorante en sociologie.

http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/200912/10/01-929931-lecole-endoctrine-nos-jeunes-affirme-une-chercheuse.php

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Puis, mercredi matin, dans Le Devoir, la réaction cinglante de quatre professeurs défendant le ECR. Lesquels, en passant, sans jugement porté sur le fond de leurs propos, prenaient néanmoins Mme Quérin un peu de haut et ce, d'une manière frôlant le paternalisme.

http://www.ledevoir.com/societe/education/279371/critique-nationaliste-erreur-de-lecture

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Bon. Voilà pour l'«histoire» de cette dernière controverse.

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Plusieurs m'ont demandé ce que je pensais de ce cours ECR.

N'ayant pas eu le privilège de consulter la documentation du ministère, ni ayant assisté à ces cours, je réserve mon droit de ne pas commenter ce que, pour le moment, je n'ai pas pu analyser sur le fond. Un vieux travers de politologue…

Mais pour le moment, ma formation et ma compréhension du dossier me font observer les deux choses suivantes:

Primo. Mes écrits passés en attestent – et j'en demeure persuadée, tout comme l'est Mme Quérin -, qu'il existe en fait peu de différences entre ce qu'on appelle la politique de multiculturalisme et celle de l'interculturalisme.

Secundo. Dans le texte critique des quatres éminents professeurs paru dans Le Devoir de mercredi, une phrase m'a particulièrement accrochée.

Justement parce qu'elle reflète l'idéologie «chartiste», que j'ai également analysée depuis des années, mais plus spécifiquement en regard de la question linguistique. Une idéologie qui s'est installée confortablement dans notre culture politique, et au Québec et au Canada.

Cette phrase est celle-ci:

«La Charte québécoise des droits et libertés de la personne est au coeur de notre identité, et aucunement le multiculturalisme religieux ou communautaire promu dans le reste du Canada.»

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Ma question: depuis quand est-ce que cette charte des droits, un encadrement législatif – et de surcroît, au Québec, une loi du Parlement adoptée en 1975, une loi certes dite «quasi-constitutionnelle» mais qui peut être amendée par un simple vote majoritaire à l'Assemblée, et non un document de nature constitutionnelle, historique et consensuelle – peut-elle sérieusement être considérée comme étant au coeur de notre identité québécoise?

Comment promouvoir cette loi au niveau de «coeur de notre identité»?

D'autant plus que celle-ci et la Charte canadienne des droits et libertés – laquelle, par contre, est constitutionnalisée – sont devenues, au fil des ans, des instruments d'interprétation, subjective par définition, laissés entre les mains de juges non élus? Dont l'impact fut, entre autres choses, d'affaiblir plusieurs pans de la Loi 101…

Bref, sans égard pour le moment au contenu du cours, je me questionne lorsque je vois qu'une charte des droits, quasi-constitutionnelle mais non constitutionnalisée, loi d'un parlement pouvant être amendée par un simple vote et interprétée à satiété par des juges non élus, puisse être ainsi élevée au rang de «coeur» d'une identité nationale.

Alors que si nous devrions enseigner quelque chose à de futurs citoyens d'une saine démocratie, c'est justement d'acquérir suffisamment de culture et de connaissances objectives aptes à renforcer un sens d'analyse et un sens critique face à un document dont le sens change encore trop souvent au gré des jugements rendus et de la conjoncture politique du jour.

Je crois qu'on appelle cela entretenir le recul, la pensée et l'analyse critiques…