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Une unité anticonfusion?

 

 

Évidemment, toujours pas de commission d'enquête publique sur la montagne d'allégations de collusion, de corruption et de dépassements de coûts dans l'industrie de la construction.

Et vous connaissez mon point de vue là-dessus depuis plusieurs mois: il n'y en aura pas. Un point, c'est tout.

Mais face à l'impatience de la population, le gouvernement, aussi majoritaire soit-il, sent néanmoins le besoin de créer l'illusion du mouvement et de l'action.

Avant Noël, c'était l'«opération Marteau». 

Cette semaine, pendant que l'Assemblée nationale fait relâche jusqu'au 9 mars, il annonce la nomination de Jacques Duchesneau à la tête d'une nouvelle «unité anticollusion».

Voir: http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201002/23/01-954532-duchesneau-a-la-tete-dune-unite-anticollusion.php

http://m.ledevoir.com/societe/justice/283770/duchesneau-dirigera-une-force-anticollusion

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Et quel sera le mandat de M. Duchesneau? La ministre des Transports, Julie Boulet, ne le sait trop.

Ses honoraires? On serait encore en train de les négocier au légendaire bureau des emplois supérieurs du Conseil exécutif.

Ses ressources, financières, matérielles et humaines? La ministre n'en sait rien non plus pour le moment.

Le ministère des Transports posséderait même déjà son unité d'enquête interne, mais la ministre n'en parle pas trop.

Écran de fumée, alors? Ou tactique de diversion? C'est selon le point de vue.

Bref, le gouvernement devrait peut-être commencer par se doter lui-même d'une «unité anticonfusion»….

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L'an dernier, en plein tsunami politique à Montréal, l'ex-chef de police et ancien candidat à la mairie donnait quelques entrevues fort révélatrices à La Presse.

Quelques exemples:

««Un des problèmes à Montréal, c'est la corruption, a-t-il expliqué. J'ai parlé à un ancien ministre des Transports qui m'a dit: «On savait qu'on payait 15% de trop à Montréal. Quand on analysait les contrats, on se disait: Ben voyons, c'est trop cher!»  (…) En 1998, Jacques Duchesneau a tenté de dénoncer la corruption. Il a frappé un mur. «J'ai rencontré du monde qui me disait: «Je fabrique des lampadaires, mais je suis incapable de les vendre à Montréal parce que je ne fais pas partie de la clique.» J'en ai parlé, mais ça n'intéressait pas les gens. (…)»»

La «clique»? Ça ressemble drôlement à de la «collusion», non?

Puis, encore ceci: ««Depuis que je suis jeune, je crois qu'il faut dire la vérité, toute la vérité, mais les gens n'en ont rien à foutre de la vérité, ils veulent rêver. Je ne dis pas que les politiciens mentent, mais ils ont une façon de dire les choses pour qu'elles paraissent acceptables.» «En 1998, je voulais faire le ménage, mais je l'ai dit trop vite. J'ai fait peur à du monde. La gangrène ne touche pas seulement les politiciens, mais aussi les fonctionnaires qui donnent des contrats et se paient la traite. (…)»»

Extraits de: http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/michele-ouimet/200906/10/01-874209-lhomme-qui-voulait-changer-le-monde.php

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Et auparavant, Jacques Duchesneau avait aussi donné une entrevue remarquée à mon collègue Yves Boisvert, où il disait ceci:

«Des propriétaires de parkings me disaient qu'ils devaient verser de l'argent dans des enveloppes. Des entrepreneurs qui faisaient des affaires partout dans le monde me disaient: c'est drôle, je n'ai jamais de contrat à Montréal! D'autres me confiaient qu'ils recevaient des menaces s'ils participaient à des appels d'offres. Encore maintenant, c'est curieux, je me promène en ville et ce sont toujours les mêmes qui font des travaux publics… Ils doivent être meilleurs que les autres, j'imagine...»»

Ça aussi, ça sent la collusion, non?

Et encore ceci: ««Si une firme vous donne 50 000$, ce n'est pas pour vos beaux yeux et je doute que ce soit pour la démocratie. Ils veulent quelque chose, et généralement pas quelque chose de légal. Ils veulent en avoir pour leur argent! Sauf que s'il y a des kickbacks sur les contrats, c'est vos taxes qui paient pour ça!»»

Et sa conclusion: «Ce qu'il faut, c'est que les gens en politique indiquent clairement leurs limites, qu'ils se définissent et qu'ils définissent les règles du jeu, pour leur entourage comme pour le public.»»

Vraiment? Est-ce là ce que M. Duchesneau dira à son nouvel employeur?

Extraits de: http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/yves-boisvert/200904/22/01-848998-duchesneau-reveillez-vous.php

Et il reste à voir ce qu'il fera de la première «mission» que lui donnait aujourd'hui Sylvie Roy, députée de l'ADQ:

http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201002/24/01-954904-le-ministere-des-transports-viole-les-regles-accuse-ladq.php

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Cela étant dit, pourquoi M. Duchesneau, maintenant qu'il est nommé par le gouvernement – et ce, même s'il mentionne toujours, mais de manière moins insistante, la nécessité d'une commission d'enquête -, parle-t-il aujourd'hui d'une «nouvelle optique, c'est-à-dire de regarder en avant»?

Une petite question, si vous le permettez: comment «regarder en avant» si on on n'a pas enquêté de manière indépendante et publique la nature et la force même du vers qui ronge la pomme de l'industrie de la construction, et possiblement de certains hauts-fonctionnaires, administrations municipales et ministères?

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@ Photos: http://jcwinnie.biz/wordpress/imageSnag/clouseau.jpg

http://www.scfp.qc.ca/librairies/images/image_dimensions.php?i=8069&x=320

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/images/normales/j/jacques-duchesneau-micro.jpg