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Bon cut, bad cut…

 

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«La présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, ne sait pas de quoi parle son collègue des Finances, Raymond Bachand, quand il se fait le chantre d'une «révolution culturelle» visant la tarification des services publics.

«Je n'en ai aucune idée», a répondu hier aux journalistes Monique Gagnon-Tremblay, alors qu'elle s'apprêtait à participer au Conseil des ministres. Cette révolution culturelle, «je ne sais pas exactement ce que ça veut dire», a-t-elle avoué. De même, la présidente du Conseil du trésor n'a cure du «pacte 50-50» que propose le comité d'économistes mandatés par Raymond Bachand. Avec ce pacte, dont la simplicité rappelle les formules de marketing, on établit que pour chaque dollar qui est prélevé du côté des dépenses pour permettre à l'État de renouer avec l'équilibre budgétaire, un autre dollar est tiré des revenus sous forme de nouveaux tarifs ou taxes ou tarifs. «Je ne veux pas discuter de ça parce que moi, je fais mon propre travail; je sais la capacité que j'ai de réduire [les dépenses]», a affirmé Mme Gagnon-Tremblay.» Extrait de: http://www.ledevoir.com/politique/quebec/283834/hausse-des-tarifs-publics-quelle-revolution-culturelle

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Ah oui? Vraiment? Comme ça, la présidente du Conseil du trésor ne connaîtrait pas le sens de l'expression «révolution culturelle», telle qu'utilisée par le ministre des Finances, Raymond Bachand, et proposée de surcroît en ces mêmes termes par les quatre économistes mandatés par le même ministre des Finances – et donc, par le gouvernement -, et, finalement, reprise mur à mur dans le dernier numéro de l'infolettre du Parti libéral du Québec (1)?

Avouez que c'est tout de même un peu gros… À moins, tant qu'à verser dans l'absurde, que Mme Gagnon-Tremblay ait vécu sur une autre planète depuis quelques semaines… Pas très probable.

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Et si nous assistions plutôt tout simplement à un bon vieux numéro de «Good cop, bad cop» – version politique à la «Good cut, bad cut»…

Un peu comme si on créait l'impression que Mme Gagnon-Tremblay ferait des coupures moins douloureures et des augmentations plus douces de tarifs que celles auxquelles rêverait son collègue des Finances…

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Ou, si vous préférez, ça ressemble à la tactique classique voulant qu'un gouvernement s'assure d'envoyer des messages différents, voire parfois contradictoires, question de tester l'opinion publique.

N'empêche qu'ici, le gouvernement semble avoir fait son lit et risque de pencher plus vers la «révolution culturelle» des quatre économistes, laquelle ressemble d'ailleurs en partie à celle des «Lucides».

Quoique probablement, dans un premier temps, dans une version plus «soft». 

Trois indices de taille, entre autres, semblent indiquer que le gouvernement Charest penche plus vers cette «révolution» à la sauce plus conservatrice.

Primo: c'est LUI, qui a mandaté les quatre économistes en question, sachant fort bien de quelle école de pensée ils étaient.

Secundo: la rapidité extrême avec laquelle se sont retrouvées en «vedette» sur l'infolettre du PLQ la même «révolution culturelle» de ces quatre économistes, ainsi que la sortie de M. Bouchard appuyant l'augmentation des frais de scolarité.

Tertio: Parmi les «personnalités» avec lesquelles M. Bouchard a fait cette proposition d'augmenter de manière plus marquée les frais de scolarité se retrouvaient deux anciens ministres libéraux: Michel Audet et, non la moindre, Monique Jérôme-Forget…

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Là-dessus, je signe encore ce que j'avançais dans ma chronique «Un marché de dupes»: nonobstant le petit ballet Bachand/Gagnon-Tremblay, nous assistons surtout à un exercice de conditionnement de l'opinion publique en vue d'un budget plus conservateur que centriste.

D'ailleurs, questionné précisément là-dessus vendredi matin lors de notre revue hebdomadaire de l'actualité à l'émission de Christiane Charette, Pierre Fortin, un des quatre économistes en question, a reconnu en toute franchise que ceci est en effet un exercice de «conditionnement» de l'opinion…

Prenez aussi, comme ça, en passant, l'exemple du sondage Léger Marketing dont TVA faisait état ce dimanche à Larocque-Lapierre. Ou, plus précisément, de cette question: «Croyez-vous que le gouvernement Charest aura le courage de couper dans les dépenses publiques?».

Toute une question! Avouez-le…

En fait, lorsque dans les discours publics dominants – lesquels se reflètent souvent dans les sondages -, le mot «courage» est continuellement juxtaposé au geste de «couper» dans les services publics, on finit par associer «courage» et «coupures» dans les services et dépenses publics.

Mais à quand donc le «commandeur» de sondages qui demandera quelque chose comme «Croyez-vous que le gouvernement Charest aura le courage de retourner à une fiscalité plus équitable; d'imposer à nouveau de manière plus juste les particuliers aux revenus plus élevés et les entreprises dont la contribution à l'assiette fiscale globale ne cesse de diminuer depuis 25 ans; d'occuper le champs de taxation de deux points de TPS laissé vacant par Ottawa et qui donnerait au Québec 2 milliards de dollars par année recurrents; de mettre fin à l'évasion et aux paradis fiscaux; d'imposer correctement les gains en capitaux; de mettre fin à la corruption, la collusion et les dépassements de coûts dans l'industrie de la construction et des routes; d'exiger que toute compagnie qui exploite nos ressources naturelles paie des taxes et des redevances conséquentes; etc., etc. etc.?».

On peut toujours rêver… 

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Et pourtant, bizarre comment ces protagonistes du «scénario» catastrophiste (2) du Québec qui «fonce sur un mur», ou qui serait dramatiquement «dans le rouge», réagissent à peine dès qu'on leur rappelle (voir «Un marché de dupes»), que le gouvernement Charest, comme d'autres gouvernements à saveur conservatrice sur ce continent, ont tellement réduit eux-mêmes l'assiette fiscale en accordant des baisses d'impôts et de taxes qui ont profité principalement aux mieux nantis, qu'il y a quelque chose de proprement indécent, et d'idéologiquement programmé, à se tourner aujourd'hui vers les hausses de tarifs et de nouvelles coupes dans les services publics.

Le tout, sachant fort bien que la combinaison de ces deux mesures appauvriraient d'autant plus la vraie classe moyenne, les travailleurs à petits salaires et les plus démunis.

Sans compter qu'à force de couper dans les services publics tout en accordant à coups de milliards de dollars des baisses d'impôts et de taxes bénéficiant surtout aux mieux nantis et aux entreprises – comme nous le faisons au Québec depuis 1996 avec le déficit-zéro, on finit par atteindre le véritable objectif visé: augmenter la part du privé dans la prestation de ces mêmes services.

Je le répète: regardez seulement ce qui se passe en santé et en éducation depuis 1996 – le privé ne cesse de prendre de l'expansion.

Et on aura tellement conditionné l'opinion publique depuis tout ce temps, que le peuple lui-même, à force de se faire servir les mêmes formules-choc et trompeuses, risque de finir par demander lui-même qu'on l'apauvrisse au nom d'un équilibre budgétaire que les gouvernements auront détruit eux-mêmes à force de réductions irresponsables d'impôts et de taxes.

Ou, du moins, c'est ce qu'on tente très, très fort de lui faire dire.

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(1)   http://www.plq.org/fr/contact/23_02_10/index.php

(2) Ceux que Jacques Parizeau baptise les «déclinologues»…

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@ Photo: http://www.postedecoute.ca/catalogue/cover/xlarge/101512.jpg