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Le combat des «manifestes»

 

Paroles, paroles, paroles…. 

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Le 3 février dernier, face au vide abyssal de pensée et d'action du gouvernement Charest devant la montée du religieux dans l'espace civique, un premier groupe de signataires produisaient le «manifeste pour un Québec pluraliste».

Voir: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/282309/manifeste-pour-un-quebec-pluraliste

Se disant désireux d'ouvrir un «dialogue» sur ce qu'on appelle ici les «accommodements raisonnables», ce groupe disait néanmoins détecter de la «violence verbale» et un «virage dangereux» dans ce débat (?) tout en qualifiant ceux dont le point de vue diffère du leur de «nationalistes conservateurs» ou de propagateurs d'une «laïcité stricte».

Comme «invitation» au «dialogue», avouons qu'on aura vu plus chaleureux que ça…

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Hier, le 16 mars, un nouveau manifeste est apparu. Ou plutôt, une «déclaration». Celle des «Intellectuels pour la laïcité».

Voir: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/285021/declaration-des-intellectuels-pour-la-laicite-pour-un-quebec-laique-et-pluraliste

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En tant que journaliste ne pouvant, par définition, signer des manifestes ou des déclarations, il n'en reste pas moins que ceux et celles qui me lisent depuis de longues années, comprendront que le contenu de cette dernière se rapproche de beaucoup de ma propre analyse et pensée.

En fait, que le Québec demeure ou non au sein du Canada, et que ce soit sur la laïcité de l'État ou la question linguistique, depuis plus de quinze ans, je persiste à avancer qu'il est essentiel pour le gouvernement du Québec, quel qu'il soit, de «penser» et de structurer son action politique au-delà de la culture juridico-constitutionnelle essentiellement trudeauiste.

Pourquoi?

Primo: parce que cette dernière fut imposée au Québec.

Secundo: parce que la raison d'être de cette culture juridico-constitutionnelle post-1982 était et demeure justement d'affaiblir les outils que se donnent le Québec pour défendre sa «différence».

Tertio: parce qu'en ces matières, le gouvernement du Québec, quel qu'il soit, a une responsabilité unique en ce pays et sur ce continent. Celle de voir au bien-être et à la préservation de la seule majorité de langue française en Amérique. Et que, par conséquent – pour reprendre la première maxime du Devoir – il doit faire ce que doit.

Dans le respect, bien entendu, des principes démocratiques et non seulement juridiques.

Car sur ces questions, il importe aussi de rappeler que le Québec est en fait en situation de lutte de pouvoirs avec Ottawa. C'est un fait objectif. Donc, il est vital qu'il fasse ce qu'il doit faire. Il en va de la démocratie québécoise.

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Et comme je m'entête à l'avancer depuis les années 90, cela comprend le recours à la clause dérogatoire lorsque nécessaire.

Une clause, de surcroît – et ça, c'est l'ironie ultime (!)-, parfaitement légale, légitime et constitutionnelle.

Et une clause parfaitement démocratique puisqu'elle fut incluse dans la Charte canadienne des droits sous la pression de provinces de l'Ouest soucieuses de préserver la souveraineté des parlements face à des tribunaux composés de juges non-élus… (En passant, la Charte québécoise des droits de 1975 comprend elle aussi une clause de dérogation.)

Ce que Lucien Bouchard, et ceux qui l'ont appuyé en 1996, avaient de toute évidence refusé, ou furent incapables, de comprendre lorsque ce dernier s'est dit incapable de se regarder «dans le miroir» s'il devait, comme les militants du PQ le lui demandaient, utiliser la clause dérogatoire pour protéger l'affichage commercial en français.   

Le fait est que ce soit sur la question linguistique ou, aujourd'hui, sur celle de la laïcité de l'État ou, encore, sur la nécessité d'empêcher le recours aux écoles privées anglaises non subventionnées pour s'acheter un aller simple à l'école anglaise subventionnée pour l'enfant, ses frères et soeurs et tous leurs futurs descendants, le Québec doit faire ce qu'il doit. Un point, c'est tout.

C'est en effet là son «devoir».

Et il n'a surtout pas à rougir de son «bilan» démocratique en matières de protection du français et d'«accommodements raisonnables». Vraiment pas…

D'autant plus que, pour reprendre la conclusion de la «déclaration pour un Québec laïque et pluraliste»:

«Une autre culture juridique fondée sur les mêmes droits démocratiques que les nôtres, est donc possible. Mais pour cela, la laïcité de l'État doit être clairement affirmée dans un texte de loi, notamment dans la Charte (québécoise) des droits et libertés pour lui assurer une portée quasi constitionnelle.»

Il s'agit maintenant de le comprendre… Et de le faire.