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C’est trop peu

 

En réaction aux allégations de son ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, le premier ministre Jean Charest vient d'annoncer qu'il recommandera la tenue d'une enquête publique sur le mode de nomination des juges.

http://www.cyberpresse.ca/dossiers/allegations-de-marc-bellemare/201004/13/01-4269988-charest-recommandera-la-tenue-dune-enquete-publique.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2

Ce qui, considérant les allégations qui ne cessent de s'accumuler depuis un an sur des pratiques de collusion, de corruption, de dépassements répétés de coûts dans les projets d'infrastructures et de financement douteux du PLQ, est une initiative nettement insuffisante parce que beaucoup, beaucoup trop restreinte.

Car les allégations de Me Bellemare portent en fait sur l'influence présumée de collecteurs de fonds libéraux dans la nomination de certains juges. Pas sur le processus officiel de nomination en tant que tel.

D'autant plus qu'ajoutée à la mise en demeure et la menace de poursuite dont fait l'objet Me Bellemare de la part du PM, cette suggestion ressemble plus à une tentative de mettre le couvercle sur la marmite tout en gagnant du temps, plutôt qu'a une intention réelle d'aller publiquement au fond des choses. L'imputabilité ne semble toujours pas être au rendez-vous. En fait, ça sent presque la diversion.

Bref, l'annonce du premier ministre, c'est vraiment trop peu. Et elle ne fera rien pour rétablir la confiance ébranlée des citoyens.

En point de presse, ce matin, Monsieur Charest déclarait qu'il trouvait «dur» pour lui, personnellement, tout ce qui se passe. On en convient aisément.

Mais le propre d'un premier ministre n'est-il pas de faire passer l'intérêt public avant ses propres difficultés personnelles?

Là-dessus, les citoyens attendent encore.

Et que le premier ministre ne se méprenne pas. Ce dernier épisode constitue une crise politique. Une vraie.

Au point où même les médias canadiens-anglais, écrits et électroniques, y prêtent tout à coup une très grande attention. Pour dire vrai, je ne me souviens pas d'avoir vu depuis longtemps une conférence de presse de Jean Charest sur des questions «internes» être diffusée en direct sur les ondes de CBC. Ce qui s'est pourtant produit mardi matin…

Et cet intérêt, il se prête pour une raison assez fondamentale: c'est bel et bien l'intégrité du gouvernement du Québec et de son premier ministre qui est remise en question.

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Dupuis vs. Gomery:

Dans cette journée remplie de rebondissements à Québec, quelque chose de révélateur s'est produit.

L'épisode en question donnant une petite idée du manque de préparation du gouvernement, pour ne pas dire autre chose, dans cette crise qui s'est matérialisée rapidement dès la sortie fracassante, lundi, de Me Marc Bellemare.

Cet épisode s'est déroulé pendant la période de questions à l'Assemblée nationale.

Après que Pauline Marois ait proposé de confier au juge à la retraite John Gomery et au Vérificateur général le mandat de définir les «contours» d'une commission d'enquête, le leader du gouvernement, Jacques Dupuis, semblait tenter de remettre en question la crédibilité de John Gomery, celui-là même qui a présidé la Commission sur le scandale des commandites…

Sûrement pas l'idée du siècle que de s'attaquer à l'homme considéré comme «Monsieur intégrité», non seulement au Québec, mais également dans le reste du Canada.

Voici l'extrait en question (tiré du Journal des débats):

«M. Dupuis: Je veux rassurer le leader de l'opposition officielle, M. le Président: le mandat sera connu, public. La personne qui présidera cette commission d'enquête évidemment sera connue, et tout le monde reconnaîtra qu'il s'agit d'une autorité indépendante, impartiale. La commission d'enquête sera transparente parce qu'elle sera publique.

D'autre part, M. le Président, j'invite le leader de l'opposition officielle à lire la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale au sujet du juge Gomery, que je respecte par ailleurs, mais au sujet duquel la Cour d'appel fédérale a dit… et qu'elle a blâmé d'avoir lui-même dit qu'il était aux meilleures… aux meilleures chaises d'un spectacle pendant la commission Gomery. Le gouvernement ne veut pas de spectacle. Le gouvernement ne veut pas de spectacle sur les allégations de Marc Bellemare, il veut la vérité, et on va l'avoir.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire, M. le leader de l'opposition.

M. Bédard: Je tiens à faire remarquer que les députés libéraux se sont levés sur une attaque sur l'intégrité de l'ancien juge Gomery à la retraite, peut-être l'homme le plus respecté au Québec en matière d'éthique, pas mal plus que le premier ministre du Québec en tout cas.

(…)

M. Bédard: Très clairement, sur l'éthique, entre le juge Gomery puis le premier ministre, je choisis le juge Gomery et le Vérificateur général. Alors, si le premier ministre et au moins la ministre de la Justice se réveillent, est-ce qu'on va donner ce mandat au moins au juge Gomery ou au Vérificateur général du Québec? Voilà.

(…)

M. Dupuis: La seule chose que je dise aujourd'hui, M. le Président, c'est que le juge Gomery a fait l'objet d'un jugement de la Cour d'appel fédérale sur une déclaration qu'il a faite…

Le Vice-Président (M. Chagnon): Dernière additionnelle? Principale, madame… En principale, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci. Je m'attendais à tout sauf à voir attaquer le juge Gomery.»

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@ Photos: http://www.cbc.ca/gfx/Montreal/photos/gomery_john050407.jpg