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Avec ou sans Tony Tomassi…

 

 

Comme je l'écrivais dans mon billet d'hier, toute cette histoire de garderies est loin d'être terminée. Très loin. Et ce, malgré les changements fraîchement annoncés au processus d'octroi de permis.

Mais aujourd'hui, ce sont les propos cinglants de Sylvain Lévesque – président de l'Association des garderies privées du Québec -, qui ont braqué les projecteurs à nouveau sur le ministre de la Famille, Tony Tomassi.

En entrevue à LCN, M. Lévesque y est allé durement. Il a fortement suggéré que le ministre démissionne. Surtout, il a allégué que le «favoritisme» politique existerait dans le processus d'octroi des permis de garderies privées, que cela remonterait à la prise de pouvoir par le PLQ en 2003 et que le Vérificateur général devrait enquêter tout ça.

Voici d'ailleurs quelques extraits de l'entrevue de M. Lévesque:

«Oui, je pense qu'il y a eu des cas de favoritisme (…) On voit aujourd'hui des gens obtenir des permis, qui sortent de nulle part (…), des gens qui sont là pour faire du fric, qui ne sont pas là pour l'amour et l'intérêt des enfants.(…) Ces gens-là font de l'argent sur le dos des éducatrices et des enfants. (…) Le ministre devrait démissionner. Nous, on n'acceptera jamais, jamais, jamais d'aller s'asseoir devant le ministre Tomassi (…) alors qu'il a perdu toute crédibilité au Québec. (…) Je ne suis pas né d'hier. La politique, je sais comment ça fonctionne. Du temps où Madame Courchesne a donné des permis, Monsieur Tomassi était adjoint parlementaire de Jean Charest. Il avait de l'influence pour l'obtention de permis. (…) Que le Vérificateur général enquête tout de suite. (…) C'est pas depuis 2008 qu'il y a un problème dans l'attribution des places, c'est depuis 2003 parce que le Parti libéral est arrivé au pouvoir et ont dit «c'est nous qui allons attribuer les projets (…) Nous, le bon Dieu, le ministère, on sait à qui on va donner les permis. (…)»

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Dans toute cette histoire de plus en plus embarassante pour le gouvernement Charest, il est évident que Tony Tomassi sera éventuellement «muté» ailleurs. Espérant qu'ainsi, les allégations de favoritisme disparaîtront avec le sacrifice de M. Tomassi. Un espoir qui risque d'être optimiste dans les circonstances.

«Optimiste» parce que la saga des permis de garderies s'inscrit aussi dans un chapelet nettement plus long d'allégations touchant aussi les liens entre l'industrie de la construction et le PLQ, le processus de nomination des juges, etc.. Et que si les allégations devaient continuer à se faire, par médias ou partis d'opposition interposés, la mutation éventuelle de M. Tomassi risque de ne pas avoir beaucoup d'impact. Du moins, à terme.

D'autant plus que sans cette fameuse commission d'enquête publique et indépendante sur l'industrie de la construction, que le PM s'entête à refuser de créer, il est impossible pour les citoyens de séparer la vérité de la fiction. Résultat: le nuage de suspicion continue de flotter au-dessus du gouvernement actuel.

Car le problème n'est pas seulement un problème de «communication» ou de «messager». Aussi mauvais soit-il. Le problème est plus large.

Le problème, c'est celui d'un gouvernement qui, depuis 2003, multiplie l'ouverture et la sous-traitance au privé dans une brochette de domaines. De la santé aux garderies, en passant par les PPP. En fait, ce sont carrément de nouveaux «marchés» que le gouvernement a ouverts ainsi pour l'entreprise privée à même les deniers publics.

On peut évidemment croire que cela ne serait qu'un choix idéologique. Et ça l'est en bonne partie, c'est certain.

Mais il semblerait aussi que pour les coffres du PLQ – lequel a amassé plus de 8 millions de dollars l'an dernier seulement-, ce choix «idéologique» ait également des avantages d'un autre ordre.

Dans la mesure où plus l'État sous-traite au privé, plus des entrepreneurs intéressés auront tendance à contribuer généreusement au parti au pouvoir. Soit en pensant, à tort ou à raison, que cela facilitera l'obtention d'un contrat ou d'un permis. Soit en contribuant après, en reconnaissance pour le contrat ou le permis. Soit en faisant les deux.  

Et il fera, soit seul comme individu. Soit aussi par des amis et membres de sa famille. Soit par l'usage connu de «prête-noms». Ou soit de toutes ces manières.

À l'intérieur de cette problématique plus large, il y aussi les questionnements qui s'accumulent à savoir si d'être «proche» du PLQ, d'une manière ou d'une autre, faciliterait également l'obtention de subventions, de contrats ou de permis?

Bref, avec ou sans Tony Tomassi, ces questionnements et ces allégations demeureront.

Il est plutôt là, le vrai problème.

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@ Photo: Phototèque, Le Soleil.