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Le 20 mai 1980…

@ Photo: Radio-Canada

 

Vous le savez déjà. Aujourd'hui marque le 30e anniversaire du référendum tenu sous René Lévesque.

Les analyses ne manqueront donc pas.

Mais pour ceux et celles qui l'ont «vécu», du côté du NON et du côté du OUI, ce fut un moment marquant. Le résultat, 40,4% pour le OUI et 59,6% pour le NON, fut très douloureux pour les souverainistes et euphorique pour les fédéralistes.

85% des Québécois inscrits sur la liste électorale ont voté et ont ressenti ce vote comme un moment solennel et privilégié. Car rares sont les peuples appelés à décider de leur destin par un simple «X» sur un bulletin de vote. On tend à oublier cela par les temps qui courent…

Et combien de Québécois, qu'ils aient apposé leur «X» à côté du OUI ou du NON, ont tremblé de nervosité en votant et ont retourné chez-eux en se demandant pendant des heures s'ils avaient bel et bien fait leur «X» au bon endroit…

C'était un moment exceptionnel dans une époque d'une effervescence politique, culturelle et sociale tout aussi exceptionnelle.

Une époque qui participait de l'élan donné par la Révolution tranquille en 1960. Un élan qui aura amené des Québécois à devenir indépendantistes, d'autres à demeurer fédéralistes, et d'autres encore à préférer une vision autonomiste basée sur un espoir de renouveler le fédéralisme dans le sens du renforcement des pouvoirs du Québec à l'intérieur du Canada.

Bref, le contraste avec l'époque actuelle est énorme… Voir: http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2010/05/18/30-ans-plus-tard-l-impasse.aspx

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Et vous?

Et vous – si vous l'avez vécu et que le coeur vous en dit – quels sont vos souvenirs de mai 1980, de ce moment charnière?

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Et l'avenir?

Nul ne connaît l'avenir. C'est connu. Donc, nul ne saurait considérer à terme l'indépendance du Québec comme un «inéluctable».

À ce chapitre, il est néanmoins intéressant d'entendre ce qu'en disait ce midi, à la radio de Radio-Canada, le sénateur Jean-Claude Rivest, ex-proche conseiller de Robert Bourassa et fédéraliste convaincu.

À la question portant sur le «plafonnement» de l'option du Oui, M. Rivest répondait ceci: «Oui, ça pourrait changer. Moi, je pense que ça pourrait changer si vraiment il devient évident que l'appartenance à l'espace politique canadien menace l'identité québécoise. Je pense par exemple au problème de l'immigration. Vous savez, c'est un phénomène qu'on peut pas contrer, qui va se développer constamment où il y a une espèce d'ambiguité, là. Les immigrants viennent au Québec, bon, c'est en français. Ils viennent aussi au Canada, c'est en anglais. Alors, le choix que les nouveaux Québécois vont faire: est-ce qu'ils vont adhérer avec la même force, avec la même intensité, la même loyauté au Québec que nous avons connu depuis toujours. Nous, qui sommes ici depuis toujours. C'est la grande question. Et si vraiment, il y avait un phénomène où les gens, les Québécois traditionnels, si vous voulez, se percevaient un peu comme étrangers dans leur propre Cité, à ce moment-là, c'est sûr que la question de la souveraineté pourrait reprendre de l'élan.»

Comme quoi, si la souveraineté est loin d'être inéluctable, son impossibilité absolue ne l'est peut-être pas non plus. Seul l'avenir le dira, comme le dit le cliché.

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Le devoir de mémoire:

Mais avant toute chose, le devoir de mémoire étant ce qu'il est, il importe aussi aujourd'hui de ne pas verser dans un genre de révisionnisme historique où on se «souvient» de ce vote comme ayant porté sur l'indépendance alors qu'il portait plutôt sur un «mandat de négocier» une «nouvelle entente» d'égal à égal avec le Canada.

Ou, si vous préférez, ce que M. Lévesque appelait la «souveraineté-association» – les deux étant présentées et considérées à l'époque comme indissociables.

Comme en témoignait d'ailleurs le discours de René Lévesque, prononcé à l'Assemblée nationale le 4 mars 1980, lequel ouvrait le débat référendaire au parlement, dont cet extrait: 

«Encore une fois – il faut le répéter -, c'est une promesse qui est également féconde, qui peut être décontractante et décomplexante pour les deux parties. Le oui au référendum – je ne devrais pas avoir le besoin de le dire – n'a pas pour effet ni pour but d'abolir le Canada. On ne devrait pas avoir besoin de le dire, mais je crois pourtant qu'il faut le dire puisque, dans la présentation d'une motion de blâme de son parti, ici même, le 11 octobre dernier, le chef de l'Opposition of­ficielle et futur président du comité du non faisait étalage de ses sombres certitudes quant à la fin du Canada, rien de moins.»

La question référendaire dite «étapiste» (*) sera d'ailleurs adoptée le 20 mars 1980:

«Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d'en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l'égalité des peuples; cette entente permettrait au Québec d'acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d'établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l'utilisation de la même monnaie; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l'accord de la population lors d'un autre référendum; en conséquence, accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l'entente proposée entre le Québec et le Canada?»

(*) «Étapiste» parce qu'encore une fois, le référendum du 20 mai 1980 ne portait pas sur l'indépendance mais sur un «mandat de négocier» une nouvelle entente avec le Canada. Et même si le OUI avait gagné le 20 mai 1980 et que Pierre Trudeau avait accepté de «négocier» (ce qu'il n'aurait probablement pas fait d'ailleurs), un deuxième référendum aurait été nécessaire pour approuver les résultats hypothétiques de cette même négociation. Mais ce 2e référendum aurait aussi pu être perdu….

Bref, l'étapisme, lequel avait remplacé l'«élection référendaire» en 1974 comme engagement électoral du PQ, ouvrait la porte à des scénarios potentiellement très inquiétants pour le camp du OUI. Tandis qu'au référendum de 1995, la question portait sur la souveraineté et une «offre» de partenariat sans obligation de résultat, ni deuxième référendum.

Quoique, comme le confirmait le journaliste Pierre Duchesne dans le troisième tome de sa trilogie sur Jacques Parizeau, Lucien Bouchard a quant à lui tenté pendant la préparation du référendum de 1995 de convaincre M. Parizeau de retourner à l'approche étapiste en optant comme en 1980 non pas pour un référendum, mais deux….

La réponse de Jacques Parizeau fut un refus total.

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Lucien Bouchard a d'ailleurs confirmé cette version des faits le 16 février dernier lors d'une conférence à Québec: «J'ai dit: Monsieur Parizeau, on va faire deux référendums. On va en faire un pour aller chercher un mandat de négocier. Mais on va s'engager durant le référendum à revenir devant la population pour lui soumettre les résultats des négociations pour qu'elle puisse dire bon, c'est correct, je suis pas d'accord, oui ou non

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