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Jean Chrétien: pas le «quart-arrière du lundi matin» /sic/

En entrevue mardi soir, au Téléjournal, le jour du dévoilement de son portrait officiel au fond «jaune imposant» à la Chambre des communes, Jean Chrétien a justifié ce choix, par rapport à une autre version, en disant qu'il n'était pas un «rêveur».

C'est peu dire dans le cas d'un politicien aussi batailleur et aussi loin des grandes idées et idéaux qu'il le fut, à part peut-être, sa loyauté indéfectible au Canada.

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À la question «êtes-vous surpris par l'ampleur du cynisme qu'on ressent dans la population à l'égard de la classe politique?», l'ancien premier ministre répondait dans un premier temps, et avec raison, qu'il y en «a toujours eu».

Mais là où la dénégation de la réalité actuelle est entrée en jeu fut lorsqu'il enchaîna: «c'est peut-être pire aujourd'hui parce que, c'est la télévision qui fait la différence. La télévision dans la cuisine de tout le monde. Alors, à l'époque, y avait que les journaux qui pouvaient rapporter ce qui se passait. Un peu la radio, la télévision n'était pas là.»

Évidemment, on se demande bien de quelle «époque» parle-t-il où il n'y avait que les journaux et la radio? Parle-t-il d'avant les années 1950? Ou parle-t-il plutôt de l'avènement de l'information continue? Difficile à décoder….

Hormis qu'il semble surtout refuser d'admettre que les gouvernements ont une part importante de responsabilité dans la crise de confiance qui sévit envers ceux-ci, ici et ailleurs en Occident….

Autre question: y a-t-il «une moins grande tolérance dans la population au copinage, au passe-droit»? Réponse de M. Chrétien: «C'est parce qu'on rend ça intolérable». Ah bon?

Et sur le «traitement» réservé à Jean Charest sur les questions d'éthique? «C'est exagéré», de répondre M. Chrétien, «comme ça l'est tout le temps.»

Monsieur Charest appréciera sûrement de faire défendre son honneur par le premier ministre sous lequel s'est déroulé le fameux «scandale des commandites»…

«Et quelles seront les conséquences?» de tout ça, demande M. Chrétien?: «C'est que c'est pas tous des gens qui ont la couenne dure comme moi, là! Il y a des gens qui me disent, moi, ça m'intéresse plus. Et, parce que c'est le cynisme de la chose.»

Bref, sa grande inquiétude est que de plus grandes exigences de la population puissent décourager certaines personnes d'aller en politique? Et non pas que toutes ces allégations troublantes, si elles s'avéraient fondées même en partie, risquent de miner ce qu'il reste de la confiance des citoyens envers leurs propres élus et leurs propres institutions démocratiques?

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Plus tôt dans la journée, il a aussi déclaré ceci: «Lors des soupers de financement pour le Parti libéral, les gens ne donnaient pas d'argent pour être nommés juges ou obtenir un contrat». (…) «Ils venaient pour manger du poulet caoutchouteux et parce qu'ils croyaient en la démocratie».

Eh bien, c'est justement ce genre de réponse qui banalise ce qui se passe quand des associés d'une même firme achètent des tables à 10 000$ ou plus pour un parti, quitte à y manger du poulet caoutchouteux, qui alimente encore plus le désengagement des citoyens…

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Autre question posée au Téléjournal: que faut-il faire, alors?

Réponse: «Ben, les politiciens, je sais pas, ils doivent faire comme moi. Moi, je me défends, moi. Je me suis toujours défendu. Des fois, ils s'écrasent trop vite. Faut se battre!»

Comme «solution» et comme «réflexion», avouons que c'est un peu court et que ça participe de ce même phénomène de dénégation du climat actuel.

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Quant à ce qui se passe aujourd'hui au PLC, même s'il dit, usant d'un anglicisme, qu'il n'est pas le «quart-arrière du lundi matin» /sic/ (*) – ce qui veut dire qu'il ne veut pas faire la «belle-mère» -, il est clair qu'il continue à favoriser l'idée d'une coalition, formelle ou informelle, avec le NDP – la seule manière en effet, dans un avenir rapproché, de défaire le gouvernement Harper et peut-être, ensuite, de le remplacer.

On se souviendra d'ailleurs que sous Stéphane Dion, M. Chrétien avait joué un rôle important dans les coulisses, avec l'ancien chef néo-démocrate Ed Broadbent, pour négocier les détails de la fameuse coalition qui aurait pu remplacer le gouv. Harper en 2008. La même coalition à laquelle Michael Ignatieff a tourné le dos dès qu'il est devenu chef du PLC…

Et tant qu'à se souvenir, on se rappellera aussi qu'à l'époque de la course au leadership libérale, le clan Chrétien faisait partie du mouvement informel «Anybody But Iggy»… 

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(*) L'expression en anglais est «Monday Morning Quaterback».