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La commission Bastarache est-elle «impartiale»?

 

La commission Bastarache est-elle «impartiale»? Le seul fait que cette question soit de plus en plus soulevée, et pas seulement par les partis d'opposition, pose un sérieux problème pour la suite des choses.

Le 14 avril, j'écrivais sur ce blogue que la commission Bastarache – mise sur pied de manière trop «expéditive» – était fort mal partie. Un mauvais «karma» qui ne semble pas vouloir disparaître.

Je soulignais aussi qu'à part le fait que son président ait été choisi de manière fort expéditive et arbitraire – en fait sur un coup de fil de leader du gouvernement Jacques Dupuis -, les liens politiques connus de l'ancien juge Michel Bastarache avec les milieux libéraux, et ce, sans pour autant remettre en question ses compétences juridiques, risquaient néanmoins de poser problème dans la mesure où il préside une commission dont le mandat est d'examiner les allégations de Me Marc Bellemare, lesquelles portent sur une influence présumée exercée par des baîlleurs de fonds justement libéraux sur la nomination de certains juges.

Et je rappelais qu'ironiquement, ces mêmes liens politiques connus avaient d'ailleurs valu à Me Bastarache de fortes critiques venant des partis d'opposition fédéraux lors de sa propre nomination à la Cour suprême en 1997 par Jean Chrétien.

Et que bref, l'impartialité et même l'apparence d'impartialité des travaux de la commission risquaient à terme d'en souffrir…  Voir: http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2010/04/14/une-commission-exp-233-ditive.aspx

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Eh bien, deux éléments cette semaine n'ont rien fait pour dissiper cette inquiétude.

Primo: Me Bastarache, contrairement aux allégations de Me Bellemare, a choisi d'élargir son mandat en remontant jusqu'en 2000, alors que le PQ était au pouvoir sous Lucien Bouchard, puis sous Bernard Landry.

Secundo: le refus aujourd'hui de Me Bastarache, malgré cet élargissement de son mandat touchant aux gouvernements Bouchard & Landry, d'accorder au Parti québécois, en tant qu'Opposition officielle, le statut de participant que celui-ci avait demandé, ou même de simple intervenant. Mais tout en accordant un statut de participant au Parti libéral…

Citons ici ce qu'en rapporte Cyberpresse:

«Dans sa réponse à l'opposition péquiste, Michel Bastarache explique que la demande «inusitée» de l'opposition officielle «ne saurait satisfaire aux critères qui sont applicables». (…) Un demandeur doit établir qu'il a des «éléments cruciaux à communiquer», que «ses membres pourraient être affectés de façon directe par les décisions de la commission», et que celles-ci «risquent d'avoir un effet préjudiciable sur sa réputation», explique Me Bastarache.

Il dit ne pas être «non plus convaincu que l'opposition officielle ait un intérêt réel à l'égard de questions particulières qui seront soulevées lors de l'enquête, ni suis-je convaincu qu'elle ait une perspective, une expérience ou une expertise particulière qui pourrait être utile à la Commission». (…) «L'opposition officielle n'assume tout simplement pas le même rôle que le gouvernement», souligne-t-il. Extraits de: http://www.cyberpresse.ca/dossiers/commission-bastarache/201006/16/01-4290619-commission-bastarache-lopposition-pequiste-exclue.php?utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter&utm_campaign=manchettes

La déclaration est étonnante. Comment avancer que les membres de l'Opposition officielle ne risquent pas d'être «affectés de façon directe par les décisions de la commission» ou qu'elle «n'assume tout simplement pas le même rôle que le gouvernement», alors que Me Bastarache a lui-même décidé d'inclure trois ans de gouvernance sous le PQ?….

Cette exclusion étonne d'autant qu'il affirme avoir modifié ainsi son mandat pour fins de «comparaison» entre ce qui se passait sous les gouvernements péquiste et libéral…

Me Bastarache justifie aussi sa décision par sa crainte que cette participation ne politise le processus, de même que par l'absence de précédent quant au fait d'accorder un statut de participant à une «opposition officielle». Facile d'y perdre son latin.

Me Bastarache aurait voulu se comporter de manière à faire soulever des doutes quant à l'apparence d'impartialité de la commission, qu'il ne s'y serait pas pris autrement.

De plus, il est tentant d'avancer que pour qu'il y ait des «précédents» dans quoi que ce soit, il faut bien qu'il y ait eu une «première» fois en quelque part… 

Quant à la décision d'inclure les gouvernements Bouchard & Landry dans son mandat, cela constitue un élargissement de ce dernier, sinon une modification majeure.

Étonnante aussi, cette décision.

Surtout dans la mesure où – et il est important de le noter -, comme je le rapportais dans mon billet du 14 avril, tel ne semblait pas avoir été le choix originel de l'ex-juge au moment de sa nomination par le gouvernement Charest:

«En entrevue téléphonique à RDI, Me Bastarache a d'ailleurs déclaré: «je n'ai pas la possibilité d'élargir mon mandat» (…).  Mais il a aussi ajouté ceci: «ce n'est pas une enquête sur le financement du parti, mais c'est une enquête qui porte en particulier, à savoir s'il y a eu dans ce cas-ci, des interventions par des gens qui finançaient le parti libéral»».

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Alors, qu'est-il arrivé entre cette déclaration de Me Bastarache et sa décision de cette semaine d'élargir son mandat au gouvernement du PQ?

De quoi, encore une fois, à se questionner sur l'impartialité et l'apparence d'impartialité des travaux à venir.

Sur cette question fondamentale, le député Amir Khadir a peut-être mis le doigt sur le bobo en observant que cette commission «est politique avant d'être judiciaire ou administrative».

Bref, quitte à me répéter: l'opération est fort mal partie…

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@ Caricature, Garnotte, Le Devoir