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Grammaire & politique

 

 

Depuis plusieurs jours, une publicité passait en boucle sur les ondes de TVA et de LCN annonçant une émission spéciale sur les 20 ans de la mort de Meech avec Lucien Bouchard.

Cette publicité laissait entendre qu'il y affirmait être encore souverainiste.

Prenons donc ce fameux bout de phrase rejoué en boucle dans cette même publicité et que l'on a pu entendre à l'intérieur d'une plus longue entrevue ce lundi soir.

À la question suivante: «Croyez-vous encore à la souveraineté?»

La réponse de l'ancien premier ministre fut celle-ci:

«Moi, vous savez, pourquoi j'étais, pourquoi j'ai été souverainiste et pourquoi je serais encore souverainiste si on pouvait la faire, la souveraineté, c'est pour que les Québécois soient contraints d'assumer leurs responsabilités.»

Tenez. Oublions l'exégèse – irrémédiablement contentieuse par définition – et tenons-nous en à la grammaire. Considérant, bien entendu, que le principal intéressé la maîtrise particulièrement bien.

Donc, puisque tout tourne autour de celui-ci, prenons l'usage qu'il fait du verbe «être».

«J'étais»: conjugué à l'imparfait.

«J'ai été»: conjugué au passé composé.

«Je serais encore»: conjugué au conditionnel.

Maintenant, voyons ce qu'en dit ce bon vieux Petit Robert:

Imparfait et passé composé: «temps révolu où se situe l'action ou l'état exprimé par le verbe. Le verbe français ne compte pas moins de cinq temps principaux du passé, pour l'indicatif seulement: imparfait, passé simple, passé composé, passé antérieur, plus-que-parfait.»

Conditionnel: «mode du verbe exprimant un état ou une action subordonnée à quelque condition. Ex: j'irais, si vous le voulez».

Donc, on parle ici du «passé».

Et quant au conditionnel, dans la citation, il est soumis à la condition suivante: «si on pouvait la faire, la souveraineté».

Bref, sans cette condition – d'où l'importance cruciale du «si» -, l'action demeure conditionnelle, donc, non avenue si une ou des conditions ne sont pas remplies.

Tenez. Prenons comme illustration une autre belle phrase au conditionnel.

Celle-là est attribuée à Jean Chrétien: «si ma grand-mère avait des roues, elle serait un autobus».

Traduction: avec des roues, elle serait un autobus, mais sans ces roues, elle ne l'est pas….

Autre exemple plus simple encore: «Je serais encore millionnaire si je pouvais récupérer le million que j'ai perdu à la bourse.»

Traduction: avec ce million récupéré, je serais millionnaire, mais sans celui-ci, je ne le suis plus et je ne le suis pas.

Morale de cette histoire: la grammaire ne fait pas de politique.

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Maintenant, quant au fond de la question: que M. Bouchard, un des artisans de l'Accord du Lac Meech, dise aussi qu'il le signerait aujourd'hui si cela ne tenait pas de la politique-fiction – lequel accord avait pour objet de ramener le Québec dans le giron constitutionnel canadien -, c'est son droit le plus strict. Après tout, il n'est plus premier ministre depuis neuf ans.

Ce qui compte, par contre, aux yeux de la science politique et, éventuellement, de l'histoire, est de déterminer si ses actions, et non ses paroles, lorsqu'il était premier ministre, allaient ou non dans le sens de l'avancement de l'option du parti qu'il dirigeait…

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@ Caricature: Chapleau, La Presse, 24-02-2010.