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La datation des encres…

 

Énième coup de théâtre à la commission Bastarache: pour ce jeudi, Me Marc Bellemare est convoqué à nouveau après qu'elle aura entendu, mercredi, un expert en «datation et analyse des encres». Question de tenter d'établir si les fameuses notes manuscrites de Me Marc Bellemare sont «authentiques» ou non. Et on dit bien «tenter» puisque des contre-expertises, si nécessaire, pourraient aussi être ensuite demandées…

(On parle ici de ses notes portant sur l'influence qu'auraient exercée des bailleurs de fonds libéraux dans la nomination de juges, prises en 2004 sur un bout de carton devant une partie de hockey.) http://www.cyberpresse.ca/le-droit/actualites/actualites-nationales/201009/14/01-4315513-bellemare-reviendra-sexpliquer-devant-bastarache-au-sujet-de-ses-notes.php

Un peu plus, et on passerait aussi le Suaire de Turin à cet expert…

Bon. Sur une note plus sérieuse, ce que dira l'expert fera sûrement, lui aussi, couler beaucoup d'encre…. Ce témoignage étant supposé être un test important, mais imparfait, de la «crédibilité» de Me Bellemare.

Et pourtant, note ou pas note, qu'elle ait été «modifiée» ou non, cela n'enlèverait rien à la nécessité de savoir s'il y a bel et bien eu influence indue exercée auprès d'un ministre de la Justice dans la nomination de trois juges. Et surtout, si le premier ministre l'a ou non avalisée.

Tel est le coeur des allégations de l'ancien ministre. Et tel est le premier volet du mandat de la commission.

À cet égard, de savoir également, ou non, que Me Bellemare aurait été, selon certains de ses ex-collaborateurs, un ministre «secret« et «fantôme», peu sociable, peu communicateur avec eux (et encore, faudrait-il savoir quel était la nature réelle du lien de «confiance» qui existait ou non entre toutes ces personnes). Ou encore, de savoir que le climat aurait été «tendu» au ministère, etc… Rien de cela ne dit si ses allégations sont fondées ou non dans les faits. Cela permet par contre aux juristes de tenter de «mesurer» son degré de «crédibilité».

Mais toutes ces perceptions sur le «caractère» et la «personnalité» de l'ancien ministre ne confirment, ni n'infirment ses propres allégations faisant l'objet de cette commission.

Bref, même si ces perceptions étaient fondées et que Me Bellemare s'était avéré être un ministre difficile, peinant à travailler «en équipe», gaffeur, etc., encore une fois, cela, en soi, ne confirme, ni n'infirme la véracité de ses allégations. Et c'est cela que les Québécois veulent savoir.

Tout au plus, cela ferait de lui un «caractériel». Et si c'était vrai, le fait est que ce ne sont pas les «caractériels» qui manquent dans les hautes sphères du pouvoir de par le monde…

D'autant plus que les témoignages de Jacques Tétrault, son ex-attaché de presse, de même que de Michel Gagnon, son ex-chef de cabinet, soulèvent aussi quelques questions. (Messieurs Tétrault et Gagnon ont clairement contredit Me Bellemare selon qui il aurait parlé aux deux hommes de ces «influences indues». Ils ont aussi dépeint ce dernier sous des traits de personnalités peu flatteurs.)

Strictement et purement en guise d'«exercice», voyons quelques unes de ces questions.

Comme l'ont relevé la plupart des reportages, certaines expressions qu'ils ont tous deux utilisées étaient particulièrement similaires (1).

M. Tétrault a également déclaré être devenu persona non grata au gouvernement après la démission de Me Bellemare, tout comme le reste du personnel politique. Pourtant, il fut invité le 23 juin 2004 à l'Édifice Price – le confortable appartement de fonction du PM. Et il le fut avec Me Bellemare pour un souper d'«adieu» – un souper que M. Tétrault décrivait aussi comme «très chaleureux» et «très cordial»…

Il fut également «relocalisé» au bureau du PM par Chantal Landry, du même bureau, pour faire de la coordination d'information, et travaille aujourd'hui dans une firme renommée de relations publiques avec comme patronne, Isabelle Perras, laquelle avait aussi travaillé au bureau du PM et fut chef de cabinet de Raymond Bachand au Développement économique. (Contre-interrogé par l'avocat de Me Bellemare, M. Tétrault a aussi reconnu avoir «parlé» de son témoignage avec Mme Perras.).

Alors, persona non grata? Pas tout à fait évident. Du moins, à première vue.

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Bref – et ce ne sont là que quelques unes des interrogations soulevées par ce seul témoignage -, on voit à quel point établir la «crédibilité» d'un témoin et d'un témoignage est une tâche complexe, délicate et toute en nuances….

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Et sur ce, prudence et patience. Les travaux de la commission sont loin d'être terminés et d'autres coups de théâtre viendront. Pour le moment, on ne sait toujours pas «qui dit vrai». La suite, donc, ces mercredi et jeudi…

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(1) On parle ici de leur affirmation selon laquelle, si Me Bellemare leur avait «parlé» de cette influence indue, ils auraient cherché à le «protéger». M. Gagnon disait qu'il aurait pu ainsi «rencontrer le sous-ministre et prendre action contre ces gens-là». Prendre action? Contre des bailleurs de fonds influents du parti au pouvoir? La question, tout au moins, se pose.

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Transcriptions: http://www.cepnj.gouv.qc.ca/fileadmin/medias/pdf/audiences/Transcription_audience_du_13_septembre_2010.pdf

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@ Photo: http://www.pewter.it/effetto/category_encriers.jpg