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Parfum d’élections & pubs négatives…

 

 

 

Y aura-t-il ou non des élections fédérales ce printemps? Nous le saurons en temps et lieu.

En attendant, Stephen Harper jure dur comme fer qu'il n'en veut pas tout en mettant le paquet contre ses adversaires avec une nouvelle série de publicités dites «négatives».

Pas surprenant. Chez lui, la chose tient du réflexe.

Depuis son atterrissage au poste de premier ministre en 2006, le moindre parfum d'une possible élection est immédiatement suivi d'un lot d'attaques, à la sauce américaine diluée, contre les partis d'opposition. À la tête d'un gouvernement minoritaire, l'homme est en campagne électorale permanente…

Et recette oblige: dans ce département de la grossière exagération, M. Harper y ajoute toujours une pincée de pubs lénifiantes où on le voit poser en bon père de famille travailleur, protecteur, attentionné et veillant au bonheur économique du Canadien et de la Canadienne reconnaissants…

 

Donc, rien de nouveau sous le soleil. À part peut-être ceci: dans cette dernière série, la vision qui s'y dégage est de plus en plus inquiétante.

Un véritable morceau d'anthologie pour politologues et sociologues avertis.

Cette vision, elle est surtout faite de caricatures, de clichés, voire de préjugés, lesquels vont au-delà de la classique «publicité négative», version canadienne.

Pour quelques votes de plus, elle cherche même, avec la subtilité d'un éléphant dans un wagon de métro, à les alimenter au sein même de la population. La chose n'est pas jolie.

Prenez les pubs diffusées au Québec et leurs principaux objets de convoitise: les régions (dont surtout celle de Québec!), et l'Ouest de Montréal.

«Votre région au pouvoir»?

En entrevue au Devoir, un organisateur conservateur décrivait la stratégie conservatrice avec une candeur touchante. «Le Parti conservateur est le parti des régions. Avec nous, les députés au pouvoir peuvent amener de l'argent.»

Est-ce donc comment au PCC, on voit les régions: toujours prêtes à voter pour le plus offrant?

Mais il y a pire, selon le petit catéchisme conservateur. Il y a Montréal!

Ville de perdition où les méchants gauchistes se reproduisent au-delà des frontières du méchant Plateau Mont-Royal par les méchants médias gauchistes interposés. Bref, une forteresse impénétrable…

Trop «Calgarien»?…

Récupérant un ancien rapport de l'ex-vice-présidente du Bloc sur le «mystère de Québec», une des pubs qualifie carrément Gilles Duceppe de «trop montréalais» – l'injure suprême, quoi.

Mais peut-on seulement imaginer la réaction scandalisée, avec raison, si le PLC, le NPD, ou le Bloc avaient une pub qualifiant Harper de «trop Calgarien»! (En fait, si M. Harper défend ardemment les intérêts albertains et porte fièrement son chapeau de cowboy, il est né à Toronto et déménageait à Calgary en 1978.)

Non seulement, on se permet d'insulter la métropole économique du Québec et ses habitants en transformant son appartenance en un trait négatif. On fait aussi le choix d'alimenter ce même préjugé dans les régions dont on convoite le vote.

Sûrement à date un des exemples les plus bizarre de cette fameuse politique de «division» de Harper (wedge politics).

(Soutenu par ses coffres débordants, le PCC sous Harper pratique un clientélisme chirurgical qui, depuis 2006, saucissonne et étudie chaque segment de l'électorat à séduire. Il le fait de manière continue et, bien sûr, dans le but de récolter suffisamment de votes pour se rapprocher d'un gouvernement majoritaire.)

Autre exemple de cette combinaison de clientélisme et de préjugés: ce que l'ancien gourou de Harper, le politologue d'origine américaine et pro-Républicain Tom Flanagan, appelle la «stratégie ethnique» du PCC. Question d'y briser le monopole historique du Parti libéral.

Dans le Globe and Mail du 14 nov. 2008, Flanagan la décrivait ainsi: les communautés ethniques, peu portées, selon lui, aux «causes à la mode de la gauche». seraient nettement «plus faciles à séduire» qu'un Québec francophone toujours trop «exigeant». Pas jolie non plus, comme vision de celles-ci…

Aux portes de Montréal

En 2007, lorsque l'ADQ a détrôné le PQ comme opposition officielle et remporté des comtés dans le fameux 450, Mario Dumont s'était écrié: «nous sommes aux portes de Montréal».

Eh bien, Stephen Harper, lui aussi, se contentera de rester aux portes de Montréal. Du moins, à sa porte ouest…

Oubliant la grande ville et le vote francophone fermés à son parti, Harper s'apprête donc à y parachuter l'ancienne vedette de sport Larry Smith dans le bucolique comté de Lac-Saint-Louis.

Selon un autre organisateur cité dans Le Devoir, les Anglo-montréalais auraient des réfelxes de «minoritaires» cherchant le pouvoir «pour se protéger» (de qui? des francophones? on ne sait trop)…

«Si on leur offre un ministre sur un plateau d'argent, on a des chances», ajoutait-il. Pas flatteur non plus, comme portrait.

Des Canadiens ni très intelligents, ni très informés?

Évidemment, les pubs conservatrices s'en prennent encore au fait que Michael Ignatieff ait vécu à l'étranger pendant plus ou moins 30 ans, qu'il est un intello déconnecté, etc…

À part les préjugés antintellectualistes que Harper aiment toujours nourrir – pourtant lui-même un intellectuel -, il reste que Iggy ne réussit toujours pas à expliquer aux électeurs la «vision» du Parti libéral sous son règne!

C'est sûrement là un handicap nettement plus dangereux pour les Libéraux que les pubs du PCC.

Puis, d'autres pubs encore ressortent l'épouvantail à moineaux de la «coalition» mort-née en 2008 entre le PLC et le NPD, appuyée par le Bloc.

Le message? Votez pour un gouvernement majoritaire conservateur, sinon vous risquez de vous retrouver un jour avec une coalition pour laquelle vous n'aurez pas voté.

Bref, Harper continue de laisser entendre que dans notre système, les coalitions seraient en quelque sorte anticonstitutionnelles ou tout au moins, illégitimes. Ou encore, que les citoyens «votent» pour un gouvernement. Ce qui est rigoureusement faux. (En fait, ils votent pour le candidat d'un parti et c'est le chef du parti ayant récolté le plus de sièges qui dirige et forme le gouvernement.)

La suite….

Demain, la suite dans ma chronique hebdomadaire. Le sujet: que ferait Stephen Harper s'il remportait une majorité?

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@ Caricature: Gable, Globe and Mail, 18 janvier 2011.

@ Photo: site du PCC.