Cherchez l'erreur ici:
Se basant sur le règlement encadrant le Bureau de taxi, lequel interdit tout objet ou inscription non nécessaire au service donné par un taxi, la Cour municipale impose une amende à un chauffeur de taxi montréalais de 66 ans pour la présence dans son auto de quelques signes religieux, de photos de sa fille et d'un drapeau: http://www.montrealgazette.com/life/Court+upholds+fines+taxi+decorations/4301858/story.html
(Eh non… Le taxi n'étant pas une «institution publique», aucun lien ici avec la fameuse «cause» du maire Jean Tremblay de Saguenay. Le Tribunal des droits de la personne ordonne à la Ville de cesser de faire la «prière» avant les séances du conseil municipal et de payer 30 000$ à la personne qui a porté plainte contre cette pratique.)
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Pendant ce temps, à la Cour suprême, «malgré ses propos racistes sur les chauffeurs de taxi arabes et haïtiens de Montréal, l'ex-animateur de radio et actuel député fédéral André Arthur s'en tire et n'aura pas à les indemniser»… Extrait de: http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/201102/17/01-4371289-malgre-ses-propos-racistes-andre-arthur-sen-tire.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS1
Explication (tirée du même article): «le plus haut tribunal du pays a jugé que les chauffeurs de taxi n'avaient pas subi de préjudice individualisé puisque l'animateur avait attaqué un groupe en ondes, et non chacun d'entre eux. Selon la Cour, la réputation des chauffeurs est demeurée intacte aux yeux des citoyens. Bref, c'est la perception des autres qui compte dans un recours en diffamation et non comment se sont sentis les chauffeurs de taxi en entendant les propos du bouillant animateur. Dans un jugement divisé (6-1), la Cour a donc rejeté le recours collectif qui avait été intenté.»
En 1998, alors animateur à la radio, M. Arthur, entre autres choses, avaient traité les chauffeurs de taxi arabes et haïtiens d'«incompétents», ajoutant qu'ils obtenaient peut-être leurs permis par la «corruption» et que leurs voitures étaient sales et sentaient mauvais.
La Presse Canadienne rappelle aussi que la Cour supérieure avait considéré ces propos comme étant «diffamatoires» et que la Cour d'appel «avait annulé l'octroi de dommages en 2008, une décision qui vient d'être confirmée par la Cour suprême».
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Donc, récapitulons.
Selon nos doctes lois et certains augustes juges (lesquels, de toute évidence, ne s'entendent pas non plus sur ces questions), un simple citoyen ne peut pas «exposer» certains objets religieux et/ou personnels dans son taxi sans être frappé d'une amende, mais un animateur de radio peut traîter impunément, et d'un trait, tous les chauffeurs de taxi haïtiens et arabes d'incompétents, de malhonnêtes et de malpropres….
Bon, bon, bon… Je crois que je vais aller me préparer une petite camomille.
Moi qui prends de très nombreux taxis, j’avais écrit dans LA PRESSE, il y a deux ans, que l’une des grandes qualités du service montréalais de taxis, c’est la présence de nombreux citoyens d’origine haïtienne qui nous offrent un excellent service tout en affichant souvent un humour réconfortant, tout en entretenant de passionnantes et animées conversations.
Je m’étonne (un peu) du jugement de la Cour suprême. Insulter toute une catégorie d’êtres humains, c’est aussi insulter des personnes, des individus.
Mais les conneries de connards du genre André Arthur, est-ce que ce n’est pas le prix à payer pour le maintien de la liberté d’expression? Je pense que oui. Ma liberté est liée à celle d’un vieux ringard hargneux, frustré et profondément imbécile.
JSB
@ La notion de «liberté d’expression» est en effet fort complexe… et au Canada, l’art. 1 de la Charte fédérale des droits et libertés en limite même la portée dans certains cas, du moins, tels qu’«interprétés» par les juges.
Ce qui frappe ici est l’immense contraste entre la manière dont un simple chauffeur de taxi se voit puni par la loi pour avoir «exprimé» dans son taxi ses croyances et l’attachement à sa famille pendant qu’un animateur de radio, lui… bon, nul besoin de me répéter…
Il y a de ces moments, comme ça, où en perd son latin….
Il n’y a pas quelqu’un qui a déjà dit que la cours suprème penchait toujours du mauvais côté?
On ne peut pes aller contre un député fédéral d’autant plus que ce n’est pas un bloquiste!!!!!!
Votre réflexion est très pertinente. Elle met en lumière un vide juridique assez complexe.
La décision de la Cour suprême est valide en droit (moralement, c’est autre chose), car le droit à la réputation est un droit relié à la personnalité d’un individu. Ensuite, les dispositions criminelles entourant la diffamation d’un groupe ethnique requièrent un degré plus élevé de délinquance. On parle de fomenter la haine ou d’inciter au génocide. Enfin, le CRTC est généralement l’organisme qui intervient dans ce genre de situation (comme le cas de Jeff Fillion). Toutefois, il manque à cet organisme un peu de dents et de rapidité.
Dans ce contexte, il est normal que la Cour suprême soit mal à l’aise d’écrire la loi.
Si le législateur intervient pour étendre le droit à la réputation à ce genre de situation, il devra formuler les dispositions avec beaucoup d’agilité intellectuelle. Autrement, les journalistes s’exposeront à de nouvelles formes de poursuites ou verront leur liberté d’expression restreinte.
Enjeux fort délicat et qui est important de régler pour que nos communautés culturelles se sentent bien chez eux.
Je n’ai pas lu les faits de la contravention et je ne veux pas trop m’y avancer, mais j’espère que le chauffeur en question contestera la décision de la Cour municipale. Il ne faudrait pas laisser suspendre un précédent qui manifeste autant d’intolérance et d’esprit de clocher.
J’ai lu l’article en anglais. Ça sent la vengeance à plein nez. Maintenant je comprends. Il ne fallait pas attaquer la bureaucratie. Tout comme ce Royal Gendarme de Gatineau qui a osé affirmer que les policiers de la Ville de Montréal avaient mal agi dans l’affaire Villanueva : manque de professionalisme, avait-il avancé dans son témoignage\rapport.
Pour Noël, la Fraternité des policiers de Montréal lui a envoyé une carte de Noël enrichie de menaces de mort. Très professionels ces policiers de Montréal, et honnêtes en plus. Ils ont eu le bon goût d’indiquer la provenance de ces bons voeux sur l’enveloppe. Peut-être était-ce de l’humour… Entre confrères.
On enquête, dit-on.
Oui, notre Cour suprême est insensible à : « un animateur de radio qui traite tous les chauffeurs de taxi haïtiens et arabes d’incompétents, de malhonnêtes et de malpropres…. » sauf s’ils avaient été juifs, ce qui aurait été de l’antisémitisme, vilaine chose impardonnable. Autrement dit, si un animateur exagère beaucoup sur les insultes, il n’est pas aussi coupable que s’il y avait été mollo ou en sortir un du lot. Un lot de juges fous.
Il n’en reste pas moins que l’incitation à la haine raciale aurait pu être retenu dans le contexte d’alimentation de préjugés raciaux qui procure la base de la disqualification future de groupes sociaux, nationaux ou raciaux.
Ce jugement notamment celui concernant la plainte des chauffeurs de taxi contre Arthur prouve le caractère mécanique du droit pourvu d’une tendance interprétative discutable. Ce jugement rappelle aussi comment le droit canadien de Trudeau plus qu’ailleurs encore met l’emphase essentiellement sur les motifs individuels.
La question un peu préoccupante que je me pose ici, c’est jusqu’où la notion de « liberté d’expression » s’accommode-t-elle de ce qui tend à la diffamation?
Peut-être serait-il plus éclairant que nous nous penchions là-dessus…
Mais le problème qui surgit alors serait de savoir qui devrait – et probablement surtout le pourrait avec objectivité – se pencher sur ce qui peut constituer un comportement acceptable ou condamnable.
Les élus? Les magistrats?
La question me semble de nature inextricable.
(N’empêche que, s’il est préférable de privilégier une grande « liberté d’expression » à une censure intempestive, la décence élémentaire devrait toujours faire en sorte que la retenue et le respect des autres soit au programme. Nous ne devrions jamais dire n’importe quoi sous le fallacieux prétexte que la « liberté d’expression » nous y autoriserait.)
Les réflexions de Claude Perrier sont stimulantes et intéressantes. Il a raison de dire que nous ne devrions pas dire n’importe quoi.
Je me dois toutefois de souligner que je défends de manière radicale (être radical, c’est tenter d’aller à la racine des choses) la liberté d’expression. Je ne dis pas que cette liberté est illimitée, ce qui serait une position bête et indéfendable. Mais dans un monde où les obsédés de la censure sont très nombreux, il faut défendre le plus possible la liberté d’expression dans la mesure où cette liberté n’encourage pas la haine démesurée ou le recours à la violence.
En mai 1968, on disait: IL EST INTERDIT D’INTERDIRE. C’était là l’un des slogans les plus débiloïdes de l’histoire de l’humanité. Une société sans la moindre interdiction serait une société suicidaire. Alors, tous les propos ne peuvent pas être acceptés.
Pour préciser ma pensée je me permets de proposer un texte que j’ai écrit il y a deux ans, texte qui se trouve sur le site de Radio-Canada.
*****«Je suis sociologue des médias depuis quelques années et ma thèse sur la liberté d’expression est passablement radicale. Si la liberté d’expression existe, il faut nécessairement qu’elle aille très loin et il faut que les limitations soient justifiées et essentielles. Comme l’intellectuel états-unien NOAM CHOMSKY, je pense que la liberté d’expression, c’est le droit de dire des bêtises, c’est le droit de dire ce qui semble être stupide et «con». Beaucoup de grand penseurs, dans le cours de l’histoire humaine, ont formulé des théories ou avancé des idées qui, dans le contexte de l’époque, semblaient «bêtes» et «sottes». Si comme Robert Faurisson, en France, je juge que l’holocauste a été moins terrible que ce que la plupart disent, je dois avoir le droit de le dire sans que le code criminel ne vienne me sanctionner. C’est une connerie mais je dois avoir le droit d’assumer mes conneries et inepties.
La plus grande entorse à la liberté d’expression, dans l’histoire du Québec, c’est lorsqu’en décembre 2000, l’Assemblée nationale a blâmé Yves Michaud pour des propos qui, somme toute, étaient très acceptables.
Je termine en citant Normand Baillargeon (Le Couac, mars 2006): « En Occident, les intellectuels, les écrivains, les philosophes ont gagné, par de difficiles combats où certains ont laissé leur vie, le droit à la liberté d’expression. Ce droit n’est pas négociable et il implique le droit de rire de dieu, de tous les gourous et de tous ces zozos qui veulent vivre en suivant les diktats de quelque paysan illlettré ou quelque plouc illuminé ayant vécu il y a des siècles. »
ET VOILÀ! La limite à la liberté d’expression, c’est, autant que faire se peut, le respect des personnes et individus.
AU PLAISIR!»*****
JSB
Le CRTC a récemment accordé aux média le droit de mentir, comme cela se fait aux USA depuis des lustres. Un grand pas vers la civilisation?
Je veux bien que l’on ait le droit de dire des bêtises, par ignorance, mais mentir sciemment pour faire avancer une cause me laisse un goût amer.
Les Nazis s’en servaient abondamment. Le mensonge était une arme privilégiée. Lorsque la vérité sortait, le mal était fait et l’objectif atteint. Décidément, les juges ne sont plus ce qu’ils étaient. Aujourd’hui, ils sont au service du pouvoir. Ça promet.
Les Conservateurs sont tout à fait à l’aise avec ce concept. Ne le pratiquent-ils pas déjà, même en chambre, même en comité? Alors pourquoi pas à la télé, à la radio, dans les journeaux?
Ils nous promettaient une administration honnête, transparente, respectueuse. On a eu tout le contraire. Oui, les leçons de la Nouvelle-Zélande ont portées. Mentez pour prendre le pouvoir, et ensuite, exécutez rapidement votre programme surprise.
André Arthur
Ce jugement de la Court est assez renversant. S’il avait attaqué les Juifs, sans nuances, il aurait été condamné, comme on la si bien souligné. Mais des Noirs, des Arabes : sans importances. Seuls les Juifs comptent. Les autres : pfuit!
SERGE GINGRAS: «Ce jugement de la Court est assez renversant. S’il avait attaqué les Juifs, sans nuances, il aurait été condamné, comme on la si bien souligné. Mais des Noirs, des Arabes : sans importances. Seuls les Juifs comptent. Les autres : pfuit».
Vous avez raison, M. Gingras. Mais avec le vent de «correctitude» politique et idéologique, de tels propos auraient aussi été condamnés s’ils avaient concerné les gays ou les femmes (ou d’autres groupes).
Aussi, il est clair que mentir sciemment est une abomination qui a tristement fait partie de l’histoire humaine.
J’ai chez moi un livre d’Alain Jaubert, intitulé LE COMMISSARIAT AUX ARCHIVES: LES PHOTOS QUI FALSIFIENT L’HISTOIRE.
Il y a, dans cet ouvrage, des dizaines d’exemples de photos qui ont été truquées dans le but de mentir sciemment à propos de certains faits historiques. On peut mentir avec des mots; on peut aussi mentir avec des photos et des images.
Malgré tout cela, si je semble défendre vigoureusement la liberté d’expression, c’est que l’histoire nous enseigne à quel point elle est fragile et vitement fracassée.
AU PLAISIR!
JSB
< < Malgré tout cela, si je semble défendre vigoureusement la liberté d'expression, c'est que l'histoire nous enseigne à quel point elle est fragile et vitement fracassée. >> JSB
J’y souscris moi itou.
Les fascistes au pouvoir à Ottawa n’en ont cure. La pauvre Beve Oda doit avaler une très grosse couleuvre pour protéger son chef et son entourage immédiat. Le plus ridicule dans tout cela est que le texte qui précède la signature est tout à fait en faveur de l’organisme et de ses objectifs. Ce mot < < Not >> est incongru dans le contexte. Il jure. Mais la logique n’a jamais étouffé les fascistes. Quelle époque!
En Angleterre, un ministre qui ment à la Chambre doit démissioner. Au Japon, il doit se faire hara kiri. J’exagère un brin. Au Canada, il se tort de rire. Belle civilisation. Ça doit être ça le progrès.
Dans un autre ordre d’idée. J’ai bien apprécié votre commentaire aux Coulisses du pouvoir.
Cordialement!