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Comment induire la population en erreur…

 

@ En des temps plus «conciliants»….

 

Stephen Harper a remis ça dès le lancement de la campagne électorale.

Comme à l'automne, 2008, mais parlant aujourd'hui d'une «coalition broche à foin», il désinforme carrément les Canadiens en diabolisant toute forme de coalition entre les partis politiques et en leur faisant croire que, eh bien, ce ne serait pas légitime. Et que donc, ça ne se fait tout simplement pas.

Ce faisant, non seulement il induit sciemment en erreur les électeurs à des fins partisanes, dans les faits, il exploite une méconnaissance généralisée, voire l'ignorance, de l'histoire et du modus operandi de notre système parlementaire de type britannique – une système où les coalitions sont parfaitement légitimes et s'inscrivent dans la logique même dudit système.

Ce que j'expliquais d'ailleurs à l'automne 2008 – ici et dans mes chroniques de The Gazette. Et que vous pouvez aussi lire dans Le Devoir de ce matin: http://www.ledevoir.com/politique/canada/319789/l-epreuve-des-faits-les-coalitions-sont-elles-legitimes

Pour le dire clairement, dans notre système, les électeurs ne votent pas pour le premier ministre ou pour un gouvernement. Chaque électeur vote pour un candidat dans son comté (siège), qu'il représente un parti ou se présente comme «indépendant». Le parti qui formera le gouvernement sera celui qui remportera le plus de sièges. Devient premier ministre celui ou celle qui dirige ce parti.

Si un parti remporte la majorité des sièges, il formera un gouvernement majoritaire. Ce faisant, il sera assuré de conserver la «confiance» de la Chambre – le mécanisme par lequel un gouvernement peut gouverner. Et ce sera, dans les faits, le premier ministre, qui choisira la date de la prochaine élection générale à l'intérieur d'un mandat d'une durée maximale de 5 ans.

Mais si ce parti remporte la minorité des sièges, il formera un gouvernement minoritaire. Et s'il vient à perdre la confiance de la Chambre, il peut y avoir élections. Ou encore, le gouverneur général peut se tourner vers le deuxième parti qui détient le plus de sièges. Si ce dernier peut fournir une preuve de stabilité – donc, s'il prouve qu'il aurait la confiance de la Chambre en s'alliant ou se coalisant avec un ou deux autres partis -, il pourrait prendre le pouvoir sans qu'il y ait d'élections.

C'est ce que Stéphane Dion, Gilles Duceppe et Jack Layton proposaient à l'automne 2008 lorsqu'il est devenu évident que le gouvernement Harper allait perdre son vote de confiance.

Et cela, ce ne sont que quelques unes des possibilités offertes par notre système parlementaire…

Donc, nul besoin de parler constamment du SPECTRE d'une coalition comme si cela tenait de la menace ou d'un quelconque détournement de notre système parlementaire.

Pourquoi induire la population en erreur?

Prétendre autre chose, c'est jouer sur l'ignorance de son fonctionnement… et c'est nourrir le ressentiment au Canada anglais envers les «séparatistes» du Bloc et les «socialistes» du NPD…

Bien sûr, M. Harper le fait pour galvaniser sa propre base. Il le fait aussi pour tenter de convaincre des Libéraux déçus d'Ignatieff et méfiants du Bloc & du NPD, de ne pas «risquer» la chose.

Mais surtout, il le fait pour justifier sa demande aux Canadiens de lui donner enfin une «majorité», cette fois-ci, présumément pour empêcher une prise éventuelle du pouvoir par une «coalition» PLC-NDP-Bloc. Et encore, pour déplacer le centre d'attention dès le début de la campagne vers cette fausse question de «coalition» dans le but de faire oublier que si le gouvernement Harper est tombé, c'était pour outrage au Parlement… une première dans l'histoire du Canada….

Or, si former une coalition est tout à fait légitime dans notre système, il reste que le chef libéral actuel, pour le meilleur et pour le pire, s'est engagé formellement à ne pas en créer une dans le cas où le Parti conservateur reprenait le pouvoir en demeurant minoritaire. Ou encore, si le PLC remportait lui-même une victoire minoritaire.

En d'autres termes, en continuant d'accuser malgré tout Michael Ignatieff de cacher ce qui serait supposément sa réelle intention de créer éventuellement une coalition, Stephen Harper traite ni plus, ni moins le chef libéral de menteur lorsqu'il jure ne pas en avoir la moindre intention…

Par contre, on n'a pas entendu Stephen Harper déclarer formellement que si les Libéraux venaient à remporter une victoire minoritaire, il ne tenterait pas lui-même de négocier une coalition pour le remplacer éventuellement sans aller en élections… Du moins, si on suit la «logique» du premier ministre sortant dans le département du prêt d'intentions…

Souvenirs de 2004… 

En fin de semaine, c'est d'ailleurs, comme le rappelait les chefs bloquiste et néo-démocate, ce que M. Harper avait lui-même tenté de faire en 2004, alors que Paul Martin dirigeait un gouvernement minoritaire libéral.

Voici d'ailleurs le texte de la lettre qu'il avait co-signée avec messieurs Duceppe & Layton::

«September 9, 2004

Her Excellency the Right Honourable Adrienne Clarkson,
C.C., C.M.M., C.O.M., C.D.
Governor General
Rideau Hall
1 Sussex Drive
Ottawa, Ontario K1A 0A1

Excellency,

As leaders of the opposition parties, we are well aware that, given the Liberal minority government, you could be asked by the Prime Minister to dissolve the 38th Parliament at any time should the House of Commons fail to support some part of the government's program.

We respectfully point out that the opposition parties, who together constitute a majority in the House, have been in close consultation. We believe that, should a request for dissolution arise this should give you cause, as constitutional practice has determined, to consult the opposition leaders and consider all of your options before exercising your constitutional authority.

Your attention to this matter is appreciated.

Sincerely,

Hon. Stephen Harper, P.C., M.P.
Leader of the Opposition
Leader of the Conservative Party of Canada

Gilles Duceppe, M.P.
Leader of the Bloc Quebecois

Jack Layton, M.P.
Leader of the New Democratic Party»

Voir: http://www.blocquebecois.org/dossiers/campagne-2011/documents/9-09-2004-lettre_des_chefs_au_Gouverneur_general.pdf

La «pratique» constitutionnelle

Bref, en 2004, Stephen Harper, sans parler d'une «coalition» formelle, demandait néanmoins à la GG de considérer fortement toutes les «options» selon ce qui est en effet la «pratique constitutionnelle».

Et une de ses options, bien évidemment, était, si le gouvernement Martin venait à perdre la confiance de la Chambre, de considérer la possibilité, sans aller en élections, de donner le pouvoir au Parti conservateur dans la mesure où le Bloc et le NPD lui assuraient de leur propre «confiance».

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 Et la relecture de 2011…

Aujourd'hui, M. Harper, maintenant sur la défensive quant à cette question de «coalition», déclarait ceci à propos des événements de 2004 et quant à ce qu'il aurait voulu dire dans cette lettre à la GG: «j'aurais dit au Gouverneur général /sic/ que ma position est claire: ce n'est pas un vote de confiance. On veut remplacer le gouvernement et si M. Martin parle avec moi, je pense que nous pouvons trouver une solution. Et M. Martin, finalement, m'a téléphoné. C'est ce que nous avons fait. C'est clair! C'est tout à fait différent (…)». Bref, son «but», dit-il aujourd'hui, aurait simplement été de faire pression sur Paul Martin.

Pourtant, écrire à la Gouverneure générale, flanqué de surcroît par la signature des deux autres chefs d'opposition, n'était pas tout à fait un geste anodin…

D'autant plus, encore une fois, que Jack Layton est également venu renforcer les propos de Gilles Duceppe sur 2004. Selon M. Layton, il y aurait eu «un type d'arrangement dans lequel M. Harper va devenir premier ministre était sur la table. C'est la raison pour laquelle, finalement, j'ai quitté le groupe (…)».

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Une absence navrante de connaissance du système parlementaire:

Voici d'ailleurs ce que j'en écrivais, le 26 décembre 2008, dans The Gazette:

«I know this won't read like much of a holiday column. No references to It's a Wonderful Life, or anything like that. But there's something the political scientist in me needs to get off her chest about one thing that happened in this country this year.

I'm referring to something that was revealed when the federal opposition parties were talking about a coalition government: the abyssal ignorance, even in parts of the media, about how our own parliamentary system works.

When it became clear that Stephen Harper no longer had the confidence of Parliament – the pillar of responsible government – words like coup d'état, putsch and anti-democratic where thrown around at the possibility that the governor-general could ask the Liberal-NDP coalition to form a government, if it could command the confidence of a majority of MPs.

The political scientist in me almost fainted at the comments. It was one thing for the Conservatives to use these words in their partisan battle to sway public opinion, but it was another to read and hear commentators and columnists throughout Canada, in French and English, repeating those unfounded assertions.

Let's be clear: It would have been perfectly legal, democratic and legitimate in our British-style system for the G-G to hand power to a coalition capable of showing it could govern and have the confidence of the House.

But the distortions continued. One example among many: On a public affairs show in Quebec, when the host was told by a constitutional expert that we do not vote for a government or a prime minister, but for the Parliament from which the leader of the party that gets the most seats becomes prime minister, the host shouted back: "Well, if it's not we who elect the prime minister, who does?"

No question, the Conservatives had a great time seeing the public and the media's inability to understand even the most basic principles of our parliamentary system. When even some in the media don't seem to know such basic facts, who can be surprised that many voters never really understood what happened during this political crisis.

A Dominion Institute/Canadian Press poll was done a few days after the G-G agreed to Stephen Harper's request to prorogue Parliament until Jan. 26. Here's what it found: A full 75 per cent thought the prime minister or the governor-general is Canada's head of state. (It's actually the queen.) Twenty-five per cent thought our political system is a "co-operative assembly," while 17 per cent believed it's a "representative republic." And 51 per cent were sure Canadians elect their prime minister directly – with 70 per cent of Quebecers thinking that.

Marc Chalifoux, director of the institute, said Canadians were highly interested in the crisis in Ottawa, but they lacked the basic knowledge to have an informed opinion of it. No kidding.

Our schools seem to be failing to teach how our own democracy functions, so it's no surprise that such misinformed opinions remained after days of media reports on the subject.

That's no surprise because many commentators don't know how the system works, and Conservative spin doctors were everywhere attacking the idea of a coalition, saying it would be undemocratic and unCanadian. They kept repeating their false mantra: "Canadians elect their prime minister and their government." Therefore, they said, this coalition is a "coup attempt" intended to "overturn" the results of the election. The Dominion Institute poll shows just how well that claim worked.

In 2008, basic knowledge about our parliamentary system was damaged. This kind of damage produces even less informed, if not disinformed, citizens.Let us do better in 2009.»

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@ Photo: archives, The Globe and Mail