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L’amphithéâtre: une «urgence nationale»?

 

 

Dans La Presse de ce matin, un collègue se demandait «à quoi joue le PQ» dans le dossier de plus en plus surréaliste de l'amphithéâtre de Québec.

En fait, la vraie question serait plutôt de savoir à quel jeu joue la classe politique québécoise?

Hormis les députés Amir Khadir de QS et les deux indépendants Éric Caire et Marc Picard, la presque totalité des élus de l'Assemblée nationale semble prête à accorder son appui sans confession à un projet de loi privé, dont l'effet pourrait être d'empêcher toute contestation juridique de l'entente signée entre la compagnie Quebecor et la Ville de Québec (1). Quoique certains avis d'experts diffèrent sur cette question.

Ce geste est présenté comme étant «exceptionnel». C'est bien là, un minimum. Mais un geste qui, s'il se matérialise, risque néanmoins de créer un précédent.

Pour ce qui est du gouvernement Charest, face au refus du gouvernement Harper de contribuer au projet, il accepte déjà de couvrir, avec la Ville de Québec, des construction d'au moins 400$ millions. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/316507/amphitheatre-de-quebec-le-gouvernement-et-la-ville-se-partageront-la-note

Quant au Parti québécois, il a parrainé ce projet de loi privé; sa députée Agnès Maltais s'est faite une alliée de premier ordre du maire Labeaume; et enfin, cette semaine, la chef Pauline Marois, versant légèrement dans les labeaumeries, s'insurgeait contre le «niaisage» dans ce dossier…

Que se passe-t-il donc au parlement pour que ce dossier prenne tout à coup des allures d'urgence nationale? Ou que les principaux porteurs politiques du projet passent leur temps à changer de motivation pour le justifier?

L'électoralisme joue, bien évidemment. Et pour beaucoup!

Mais dans la région de Québec, ne joue-t-il pas toujours de toute manière? (Après tout, à Québec, le vote est nettement plus changeant au niveau provincial que celui de Montréal – pris lamentablement pour acquis par les divers partis depuis des décennies.)

Bref, les principaux partis sont en mode plus ou moins constant de séduction de la région de la Capitale nationale. Rien de bien surprenant là-dedans…

Or, l'électoralisme est une chose. Tout accepter sans poser de questions en est une autre.

Y aurait-il alors d'autres facteurs expliquant autant d'empressement?

Sûrement.

Un de ceux-là semble être la crainte des principaux partis d'indisposer le partenaire d'affaires du maire Labeaume – le président de Quebecor, monsieur Pierre-Karl Péladeau.

Homme d'affaires puissant, on ne saurait pourtant lui reprocher de faire ce qu'il fait dans la vie: soit faire des affaires et le faire aussi en contribuant au développement économique en tant que membre influent de ce qu'il reste du Québec Inc.

Tout comme on ne pourrait blâmer un maire, aussi autocratique et désagréable soit-il, de chercher à attirer des investissements dans sa propre ville…

La question n'est donc pas là. Le «problème» n'est donc pas là.

Le «problème» politique réside ailleurs.

Il réside surtout dans le fait que ce sera plusieurs centaines millions de dollars en fonds publics que l'on entend y investir.

Et qui dit «fonds publics», dit explications, analyses, débats et imputabilité. Du moins, semble-t-il de plus en plus, dans un monde idéal. Or, la commission parlementaire qui s'y penchera enfin contribuera au moins à mieux en informer les contribuables.

Le «problème» politique, il réside peut-être aussi dans le fait que Quebecor est également un des deux empires médiatiques à se partager ici une vaste part du marché québécois. Et par conséquent, l'opinion publique.

À un an ou deux d'une élection générale où ça promet de jouer très dur dans les coins entre le PLQ, le PQ et une ADQ possiblement métamorphosée en maison d'accueil pour le très ambitieux François Legault, craindrait-on de poser des gestes aptes à empêcher ou retarder ce projet? Et ce, hormis ses mérites?

De fait, les Québécois assisteraient probablement au même phénomène si, par exemple, l'autre empire médiatique – Gesca & Power Corp. – était devenu le partenaire du maire Labeaume dans ce projet.

Cette même classe politique, dominante et inquiète d'une prochaine élection dont les résultats sont de plus en plus impossibles à prédire, ne craindrait-elle pas autant d'indisposer l'«autre» moitié des médias du Québec?

La question, tout au moins, se pose. Une question qui se pose par ailleurs tout à fait objectivement et indépendamment de la qualité certaine d'un PKP comme partenaire dans ce projet ou encore, de sa faisabilité réelle et/ou souhaitable.

Le tout, considérant, bien entendu, que là n'est pas le seul facteur expliquant l'empressement de la majeure partie de la classe politique.

Mais le contexte politique volatile étant ce qu'il est, il est possible que ce facteur y soit également pour quelque chose.

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Quant au PQ, force est de noter que cet épisode de l'amphithéâtre lui sert aussi d'occasion pour officialiser sa nouvelle guerre de mots avec le député de Québec solidaire – une guéguerre dont la première salve était servie fort publiquement le 20 mai dernier dans les pages du Devoir. Voir mon billet: http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/05/20/pq-vs-khadir.aspx

À ce chapitre, la députée de Québec, Mme Maltais, lançait même aujourd'hui cette pointe acérée à M. Khadir en entrevue avec Benoît Dutrizac sur les ondes du 98.5FM: «À titre de député de Montréal (…), au lieu de venir contrer les volontés de la Ville de Québec, peut-être qu'il devrait s'occuper des volontés de la Ville de Montréal.»

Que voilà tout un concept: restreindre les députés à ne s'occuper que des «volontés» de la ville où ils sont élus…

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(1) VOIR aussi ce portrait de Denis de Belleval,  l'ex-directeur général de la Ville de Québec qui remet en question la légalité possible de la dite entente: http://www.ledevoir.com/politique/villes-et-regions/324072/denis-de-belleval-reclame-le-droit-a-l-indignation

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Addendum:

Selon le Journal de Québec: «Le gouvernement envisagerait sérieusement de contourner un possible veto d'Amir Khadir en incluant les mesures du projet de loi privé de Régis Labeaume dans une loi fourre-tout [omnibus] à saveur municipale, selon le Journal de Québec. Ce scénario inattendu permettrait de rendre caduque l'opposition du député de Québec solidaire au cheminement du «bill privé» du maire de Québec, qui souhaite sécuriser l'entente conclue avec Quebecor pour la gestion du futur amphithéâtre.

Outre cette alternative, les parlementaires auraient pu se tourner vers le bâillon pour forcer l'adoption du projet de loi privé. Cette solution ne serait toutefois pas envisagée.

Les parties impliquées penchent plutôt pour amender le projet de loi omnibus – un texte de loi déposé une fois par an et qui rassemble toutes les modifications législatives réclamées par les municipalités de la province – qui a été déposé dans les délais prescrits et qui n'a donc pas besoin de l'appui unanime des députés de l'Assemblée nationale pour cheminer et être adopté.

Cette voie de contournement empêcherait le gouvernement de porter l'odieux de forcer l'adoption de ce projet de loi privé par l'imposition d'un bâillon, qui peut facilement être vu comme une pratique «antidémocratique».

Des amendements au projet de loi omnibus (13), qui a été présenté par le ministre Laurent Lessard le 10 mai, permettraient d'inclure ce que propose Régis Labeaume dans son «bill privé» et contre lequel Amir Khadir s'oppose farouchement.» Extrait de: http://argent.canoe.ca/lca/affaires/quebec/archives/2011/05/20110526-104014.html

Voir aussi: http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201105/26/01-4403052-amphitheatre-le-projet-de-loi-de-labeaume-est-depose.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_BO2_quebec_canada_178_accueil_POS3

Et ce petit rappel: http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/vers-un-nouveau-colisee/201105/19/01-4401147-amphitheatre-le-projet-de-loi-sera-finalement-debattu.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4403052_article_POS1

Bref… c'est à suivre…

 

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@ Photo: Conférence de presse, 10 février 2011 (site internet du premier ministre).