BloguesVoix publique

Jusqu’où aller pour un amphithéâtre?

 

 

Ça y est. La commission parlementaire sur l'étude détaillée du projet de loi privé parrainé par la députée péquiste Agnès Maltais sur la protection de l'entente entre la Ville de Québec et Quebecor sur la gestion d'un nouvel amphithéâtre est débutée.

Bien sûr, les témoins les plus attendus sont le maire Régis Labeaume, le président de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, de même que Denis De Belleval, l'ancien directeur général de la Ville de Québec qui a déposé une requête en nullité contre ce projet de loi.

Or, dès son ouverture, la députée Sylvie Roy a signifié que l'ADQ boycotterait la commission pour cause de temps insuffisant pour poser ses questions aux témoins.

Le Soleil rapportait aussi que les caucus libéral et péquiste sont divisés quant à ce projet de loi.

Pour ce qui est du député de Québec solidaire, Amir Khadir – rappelant que l'an dernier, les députés de l'opposition portaient le «foulard blanc» pour signifier leur appui pour des processus d'octroi de contrats publics ouverts et transparents -, il réitérait que son parti n'accepterait toujours pas le projet de loi…

Pour ce qui est du maire, il a répété qu'au 7 septembre prochain, il n'y aurait plus d'entente… d'où cette atmosphère d'urgence nationale qu'il tente de créer – et en a donc appelé à la «souveraineté de l'Assemblée nationale» pour l'aider à protéger son entente au plus vite.

Bref, LA question que posera cette commission est: jusqu'où aller pour un nouvel amphithéâtre à Québec et un retour possible à Québec d'une équipe de la LNH?

Ce qui soulève également la question des montants engagés en fonds publics. 

Considérant que le gouvernement du Québec s'est engagé pour 200 millions de dollars sur les 400 millions prévus aujourd'hui, et la Ville de Québec pour le reste – et considérant les inévitables dépassement de coûts – cet aspect des choses n'est pas anodin.

Ajoutons aussi ce que rapportait La Presse ce matin, soit que l'organisme «J'ai ma place», lequel est engagé quant à lui pour 15 millions de dollars – est enregistré depuis octobre 2009 au fédéral comme fondation publique. Ce qui donne droit à des crédits d'impôt pour ses donateurs. Et ce qui veut dure que pour cet aspect du financement, les contribuables hors Québec mettront aussi l'épaule à la roue, qu'ils le veulent ou non.

Et donc, la question est en effet de savoir jusqu'où les élus sont prêts à aller pour cet amphithéatre? Autant sur le plan légal que financier.

Au-delà de l'«amour» du hockey, les montants promis en deniers publics étant considérables et appelés à terme à dépasser les 400 millions de dollars – certains principes fondamentaux de gouvernance étant aussi en jeu -, espérons que cette commission offrira quelques pistes de réponse et apportera des éclairages dont les Québécois ne disposent tout simplement pas pour le moment…

À suivre…

Par ailleurs, en scrum, le maire Labeaume a dit ceci: «si M. Khadir n'aime pas Quebecor, je lui demande d'aimer un peu les gens de Québec»…

Dommage que le maire choisisse ainsi de caricaturer les questionnements sur ce projet de loi, surtout qu'ils portent en fait sur l'approche rapido presto du maire dans tout le processus, sur les coins légaux qu'il semble avoir tourné pas mal rond, de même que sur l'empressement du gouvernement et de l'opposition à ne pas poser de questions… Tenter de peindre le tout comme une guéguerre contre Quebecor – alors que là n'est pas le problème -, c'est tenter de discréditer le messager pour mieux discréditer le message.

Le témoignagne de M. Péladeau, vers les 15h00, devrait pouvoir apporter un éclairage moins manichéen.

*****************************************************************************

Addendum:

La présentation de Pierre-Karl Péladeau fut en effet moins manichéenne que celle du maire.

On peut en fait la résumer ainsi: l'amphithéâtre est un projet majeur de développement économique et urbain qui doit procéder sans avoir une épée de Damoclès juridique sur la tête.

Sur l'«urgence» et la pression que l'on met sur l'Assemblée nationale, le président de Quebecor a dit que les «délais sont incontournables» et a répondu: «soyons réalistes» et évitons l'«incertitude juridique et légale»… 

Amir Kadhir a toutefois rappelé à M. Péladeau que c'est l'«impatience» du maire Labeaume qui a créé toute cette «incertitude»…

Mais surtout, le temps imparti à messieurs Péladeau et Khadir fut scandaleusement trop court pour permettre un véritable échange d'idées.

Pour des parlementaires qui demandent aux contribuables d'investir près d'un demi milliard de leurs dollars dans ce projet, cette manière de procéder est tout à fait étonnante.

Il est tout à fait incompréhensible de ne pas se donner le temps nécessaire d'aller au fond des choses.

On aura donc passé des semaines l'automne dernier à disséquer le processus de nomination des juges, mais les Québécois n'auront eu droit qu'à de maigrichonnes questions et réponses éclair pour le dossier complexe de l'amphithéâtre… Cherchez l'erreur.

Quant à l'Association du Barreau canadien (ABC), son témoignage aura certes été celui qui a le plus interpelé les parlementaires.

Donc, selon l'ABC, le projet de loi privé 204 ne respecterait ni la primauté du droit, ni n'offrirait la «stabilité juridique» exigée par le maire de Québec et le président de Quebecor. Car même s'il cherche à empêcher toute contestation devant les cours, un «avocat créatif» pourrait toujours trouver un moyen de le contester…

Ce qui, ironiquement, selon le Barreau canadien – et comme le notait le député indépendant Éric Caire -risquerait même de prolonger en fait cette «instabilité» juridique… Ouf…

Quant à Denis de Belleval, cet ex-directeur général de la Ville de Québec qui a déposé une requête en nullité contre le projet de loi 204, il a carrément traité ce dernier de «loi à la Berlusconi» visant à éviter au maire de Québec «la déchéance de sa charge»…

Bref, une première journée où, malgré des temps de parole scandaleusement et ridiculement insuffisants pour tout le monde autour de la table, il y aura quand même eu amplement à manger et à boire pour toutes les parties concernées!

Ce ne fut donc pas une très bonne journée pour le maire Labeaume, le Parti québécois et le gouvernement Charest – tous trop pressés à faire la chasse aux votes des gens de Québec pour s'être donnés la peine d'analyser au préalable de manière plus sérieuse un dossier aussi important et onéreux que celui-là.