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Comme si de rien n’était…

 

Ce mercredi matin – à un an et peut-être même deux d'une prochaine élection générale -, Pauline Marois présentait le programme politique de son parti adopté en avril sous le grand sceau du «changement» et de la «nouveauté» en cherchant, de toute évidence, à détourner l'attention de la crise politique majeure dans laquelle son parti patauge depuis presque deux semaines – incluant un divorce politique fracassant d'avec Jacques Parizeau.

Pendant sa conférence de presse, c'est donc à près de 15 fois que Mme Marois prononça le mot «changement» et près de dix fois, celui de «nouveauté» – bien évidemment décliné en «nouveau» et «nouvelle».

Ne manquait plus sur la plage couverture du programme que ce grand classique en marketing: «nouveau et amélioré».

Cet accent mis à gros traits sur le «changement», le «vrai» changement – tombait pile illustrait en pasant le propos de ma chronique de cette semaine – «La loterie du changement» – a peine mise sous presse quelques heures auparavant… http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/06/15/la-loterie-du-quot-changement-quot.aspx

Pour tout dire, plus du tiers de l'électorat ayant le goût du «changement», il était couru d'avance de voir les mots «changement» et «nouveau» sur toutes les lèvres…

Et donc, face à François Legault à sa droite, et Amir Khadir à sa gauche, Mme Marois tente maintenant de se positionner, elle et son parti, comme les véhicules du «vrai changement» – l'expression étant également de Mme Marois.

Versant un tantinet dans le mode incantatoire, Mme Marois parla d'un «nouveau» Parti québécois, d'un «nouveau» programme et d'une «nouvelle» équipe en résumant le tout ainsi:

«Le Québec a besoin d'un changement, d'un vrai changement. Et aujourd'hui, nous rendons public le programme de notre parti. C'est un programme de vrai changement, avec une vision à long terme.»

Dans cette quête du «changement», Mme Marois présenta les «100 premiers jours» d'un gouvernement péquiste en promettant un vision «nouvelle» pour 2020 et 2030 avec plus de liberté, plus d'intégrité, plus d'identité et plus de propriété de nos richesses naturelles.

Et donc, Mme Marois lança que: «Les Québécois se rendront compte qu'ils ont à faire à un nouveau Parti québécois, avec de nouvelles idées, une nouvelle approche, une nouvelle équipe, un nouveau programme, inspiré par les nouvelles générations qui nous ont rejoints.»

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Flanquée de députés «jeunes» qui, par contre, furent contraints à faire un peu de vieille politique en refusant systématiquement de commenter la crise actuelle de leur parti, Mme Marois, elle aussi, refusa tout aussi systématiquement de réagir en conférence de presse à une crise qu'elle décriva comme étant déjà de «vieux débats»…

Bref, dans toute cette «nouveauté» et ce «vent de changement», furent ignorés comme s'ils n'avaient jamais existé, la lettre de 12 «jeunes» députés péquistes enjoignant Jacques Parizeau à se faire voir ailleurs; les remarques acerbes de quelques uns d'entre eux sur l'ancien premier ministre et, bien entendu, la démission choc de quatre députés notoires.

Par conséquent, Mme Marois déclara: «j'ai le goût de dire on va se calmer un peu. On va prendre le temps de respirer un peu. J'ai actuellement pas du tout l'intention de me laisser distraire.»

Ce qui, en passant, n'allait pas sans rappeler des paroles similaires tenues par André Boisclair en mars 2007, en pleine campagne électorale.

Alors que l'ADQ de Mario Dumont montait en flèche dans les sondages pendant que le PQ sous André Boisclair périclitait – ce dernier avait déclaré en point de presse qu'il refusait de «se laisser distraire» par les sondages. Et ajoutant ceci: «Que les gens qui font des sondages et des analyses fassent leur travail, moi, je mène une campagne avec un message de fond »…

Extrait:http://www.ledevoir.com/politique/quebec/133380/charest-appelle-harper-a-l-aide

Or, «distraction» ou non, répondant ce merdredi matin à une question d'un journaliste, Mme Marois a dû admettre qu'elle avait «autorisé» la fameuse lettre des douze députés péquistes demandant à M. Parizeau de se faire nettement plus discret. Et ce, a-t-elle dit, dans la mesure où elle était «d'accord» avec cette lettre. C'était pourtant une évidence que cette lettre n'aurait jamais été écrite et publiée après les quatre démissions si le processus n'avait pas été tout au moins approuvé, ou même possiblement commandé, par la direction du PQ.

Cette même lettre par laquelle la seconde vague de cette crise politique arriva quelques jours à peine après la démission de quatre députés. Une seconde vague qui allait s'échouer ensuite sur la réplique cinglante de Jacques Parizeau…

Cette même lettre des 12 «jeunes» députés venue jeter inutilement de l'huile sur le feu d'une crise déjà pourtant fort bien enclenchée…

(Par contre, pour ce qui est de la sortie de Bernard Landry demandant à Mme Marois de «réfléchir» et de mettre la souveraineté plus à l'avant-plan, une âme charitable devrait peut-être lui rappeler, un moment donné, que lorsqu'il était premier ministre, contrairement à M. Parizeau, c'est là une chose qu'il n'avait pourtant pas opté lui-même de faire… Et que donc, ce n'est peut-être pas l'idée du siècle que de multiplier les leçons à ses successeurs dans ce département depuis son propre départ – qu'il n'a par ailleurs de cesse, semble-t-il, de regretter.)

Quelques morceaux choisis

Lors de sa conférence de presse, Mme Marois répondit ceci à une question lui demandant comment elle ferait pour tenir un jour un référendum en se refusant à en demander au préalable aux Québécois le mandat électoral de le faire:

«(…) vous savez, avant qu'on ne décide de tenir un référendum, il y a de très longs débats, dont un débat qui doit avoir lieu à l'Assemblée nationale. Et moi, je crois que c'est de cette façon qu'on peut légitimer le fait qu'on puisse aller tenir un référendum, s'il y a lieu

Pourtant, sous un gouvernement majoritaire – préférablement avec un mandat électoral clair -, n'est-ce pas plutôt la décision de tenir un référendum qui vient AVANT les débats à l'Assemblée nationale, et non l'inverse?

Questionnée sur la «raison d'être» de son parti, Mme Marois en a également donné sa propre définition: «la raison d'être de notre parti, c'est de répondre aux besoins des Québécoises et des Québécois en leur proposant des solutions comme gouvernement et nous pensons que les solutions seraient meilleures dans un état indépendant. Et c'est ça, notre objectif

Une définition plutôt étonnante parce qu'elle place clairement le «bon gouvernement» comme «raison d'être» plutôt que l'indépendance – cette dernière devenant en quelque sorte la solution ultime à cette même  bonne gouvernance.

Sur toute la question de l'amphithéâtre de Québec et du hautement controversé projet de loi privé Labeaume-Maltais, Mme Marois ne déclara que ceci: «le vrai scandale, c'est le refus du fédéral de participer à ce projet»…

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Entre temps… 

Entre temps, il restera de ce «nouveau» programme un accent fortement mis sur les questions «identitaires»: le renforcement de la Loi 101; le projet d'une constitution et d'une citoyenneté québécoises à l'intérieur du Canada; l'adoption d'une politique nationale de développement culturel; le renforcement de l'enseignement de l'histoire; la mise à jour de la politique québécoise en matière de francophonie canadienne, etc.

Sans publier l'environnement, la richesse, les ressources naturelles, l'éducation, la santé, les familles, l'«égalité des chances», les loisirs, les sports, l'«équilibre budgétaire», la justice, la sécurité publique, l'immigration et la politique étrangère.

Or, à un an ou deux d'une élection générale, il restera surtout cette crise faite sur mesure pour laisser des cicatrices ouvertes au PQ et dans le mouvement souverainiste.

Et ce, même si Mme Marois, après avoir laissé planer ce mercredi matin cette possibilité, semble maintenant écarter toute mise en tutelle du comté de Crémazie – celui de Lisette Lapointe et dont le président de l'exécutif est le petit-fils de Jacques Parizeau…

Car il y va aussi en politique comme dans la vie: il y a parfois de ces paroles et de ces gestes d'une dureté telle que même le temps et la dénégation active ne peuvent en guérir tout à fait les plaies.

Il en ira donc fort probablement aussi pour tout ce qui s'est dit et fait dans les rangs péquistes depuis les quatre démissions de députés, le 6 juin dernier.

Sans compter les plumes que cette crise aura fait perdre au PQ dans les intentions de vote et pour Mme Marois, un leadership qui sort de toute cette saga considérablement amoché.

François Legault n'en demandait pourtant pas tant…

Bref, comme il ne suffit pas d'apposer l'étiquette «nouveau» pour qu'il en soit ainsi dans la réalité, il ne suffit pas non plus de dire qu'on ne se laissera pas «distraire» par une crise pour que les conséquences de cette dernière disparaissent comme par magie.

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Voir aussi: http://www.cyberpresse.ca/actualites/dossiers/crise-au-pq/201106/15/01-4409554-marois-lance-un-appel-au-calme.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS3

http://www.cyberpresse.ca/actualites/dossiers/crise-au-pq/201106/15/01-4409456-marois-et-cremazie-consentent-a-une-treve.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4409554_article_POS1