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La clarté de M. Harper

 

Le message envoyé par la nomination d'un nouveau directeur des communications par Stephen Harper est d'une clarté impressionnante.

Angelo Persichilli – un chroniqueur dont la plume aura oeuvré, entre autres, pour le Toronto Star et le Corriere Canadese – est donc bilingue (anglais-italien) sans qu'il ne parle un mot de français; voit le Québec comme une province de chialeux chroniques et, la cerise sur le gâteau, considère qu'il y a trop de francophones «dans notre bureaucratie, notre parlement et nos institutions»…

Imaginez si, à la place, il avait dit qu'il y avait – exemple -, trop de noirs ou trop de femmes à Ottawa, il est nettement moins probable qu'il aurait obtenu un tel poste…

Mais dire qu'il y aurait trop de francophones? C'est moins problématique, semble-t-il…

Et comble d'ironie – ou d'hypocrisie – la phrase qui précède cette déclaration dans sa chronique commence par «Canadians love Quebec»!  Une chance…

(*) Pour lire la chronique en question de M. Persichilli: http://www.thestar.com/opinion/article/793143–persichilli-be-careful-what-you-wish-for-monsieur-duceppe

La marginalisation du Québec

Bref, maintenant qu'il a obtenu sa majorité rêvée sans avoir besoin de cette province de chialeux, le premier ministre aurait voulu dire aux Québécois d'aller se faire cuire un oeuf, qu'il n'aurait pas pu le faire plus clairement que par ce geste…

Or, au-delà de la nomination de M. Persichilli, le tout trahit une tendance lourde dont l'amorce l'aura précédé de loin, soit la marginalisation croissante du Québec au sein de la fédération canadienne. Et ce, sur tous les plans: politique, culturel, démographique, linguistique, économique, etc…

C'est en effet la thèse que j'avançais, le 30 juillet dernier, dans les pages de The Gazette: «But in the longer term, a more profound phenomenon is bound to be much more defining for Quebec. And it runs a lot deeper than the warning issued by former Bloc leader Gilles Duceppe, who said that within a few centuries, francophones face a kind of assimilation similar to what happened in Louisiana if Quebec doesn't become a separate country.

The real danger lies in a larger trend – one that's already in the making and that was confirmed by the last federal election. That is the slow but growing marginalization of Quebec within Canada on all fronts – political, cultural, economic, linguistic and demographic.

Canada has ceased defining itself along the central-Canadian axis, where the "Quebec question" dominated provincial-federal politics for decades while Ontario drove the country's economy. It has now moved on to a new axis : that of Ontario and the West.

What effect over the next years and decades this will have on Quebecers, and how this will reshape their various expressions of nationalism – including the idea of independence – is bound to become the real issue.» 

Source: http://www.montrealgazette.com/life/Opinion+return+great+divide/5182783/story.html

Et puis, bien sûr, il y a ce que j'appelle le «clientélisme chirurgical» pratiqué par le Parti conservateur de Stephen Harper ou l'art d'obtenir enfin sa majorité à force de séduire l'électorat par segments comme on coupe un saucisson.

En cela, M. Persichilli représente un des principaux axes de cette stratégie montée depuis la première victoire électorale de M. Harper: les communautés culturelles. Et étant Torontois, c'est également un gros «merci» à l'Ontario et à la ville Reine…

Plusieurs ici ont également observé que cette nomination montrait à quel point M. Harper mettait maintenant une «croix» sur le Québec.

Or, c'est enfait depuis l'élection de 2008 que cette croix est bel et bien mise….

Tourner le dos au Québec

Et elle fut mise après cette campagne électorale où le Parti conservateur avait passé un sérieux mauvais quart d'heure au Québec suite à ses compressions budgétaires dans le domaine de la culture.

Le Québec ayant alors tourné le dos aux conservateurs, Stephen Harper a ensuite tout simplement tourné le dos au Québec…

Et donc, dans sa quête pour un gouvernement majoritaire, M. harper a tout simplement remplacé ce Québec de chialeux chroniques par une autre clientèle potentiellement beaucoup plus payante électoralement – ces communautés culturelles qu'il courtisait déjà de toute manière.

D'ailleurs, dès novembre 2008, soit après l'élection générale où le Québec a boudé les conservateurs, son mentor et ex-conseiller, Tom Flanagan, révélait ce changement de stratégie dans les pages du Globe and Mail.

Il y avançait très clairement que dorénavant, pour remporter sa majorité, Stephen Harper n'avait plus besoin du québec.

Selon M. Flanagan, en fait, «courtiser» les groupes ethniques serait nettement plus facile et profitable pour M. Harper que de tenter de gagner un Québec beaucoup trop exigeant et donc, impossible à satisfaire…

Alors, où est la surprise de voir le premier ministre, enfin majoritaire, se choisir un directeur des communications qui:

Primo: provient des médias dit ethniques;

Secundo: pense que le Québec est trop gâté et que les francophones sont trop présents à Ottawa;

Tertio: qui ne parle pas un mot de français.

De fait, le tout est d'une cohérence admirable.

D'autant plus que même le Bloc québécois est maintenant presque rayé de la carte…

Et ce, nonobstant tout ce qu'on dira à Ottawa dans les prochains jours pour dire que rien de cela n'est vraiment tout à fait vrai….